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Quelques réflexions sur le tir en rafale

Depuis son apparition, le tir en rafale est l’objet d’interrogations, de controverses et même de fantasmes. Comme pour les armes semi-automatiques en leurs temps, son intérêt tactique divise les opinions. D’un point de vue professionnel, la réponse paraît pourtant simple : dans la mesure où sa mise en œuvre est optionnelle sur l’arme, pourquoi s’en passer ? Cette question en appelle en réalité une autre : si ce dispositif est utile, dans quelles conditions et dans quels buts ? Je vous propose de réfléchir ici à tout cela.

D’où je parle ?

Il est important ici de comprendre qui tient ces propos : je suis un technicien « petit calibre », spécialiste de l’arme de guerre. Je travaille depuis 2005 pour diverses institutions d’État en France (Police, Gendarmerie, Armée, Justice…). Ma spécialité est donc avant tout, la technique. Cependant, au travers de ce travail et des rencontres faites au cours du temps, j’ai passé un temps non négligeable auprès d’hommes de terrain, d’unités conventionnelles comme spécialisées…et sur les champs de tir ! J’ai ainsi eu l’opportunité d’étudier l’emploi et le comportement d’un large panel d’armes petit calibre…de 0 à 1500 m…en répétition manuelle, semi-automatique et en rafales. Et soyons clairs : j’ai beaucoup tiré. Cependant, je ne suis en aucun cas « un combattant », notamment au sens professionnel du terme : je n’ai jamais été soldat ou policier. La chose est importante à préciser de manière préalable, car je ne voudrais pas ici faire croire que j’ai une connaissance du « terrain » (celui du combat ou du maintien de l’ordre) autre que de « seconde main », c’est-à-dire celle qui m’a été rapportée par les collègues ou celle qui relève d’une connaissance documentaire.

En revanche, ma connaissance des armes et de leur comportement au tir est de première main. Et le panel des armes que j’ai eu le loisir de mettre en œuvre est large, notamment en ce qui concerne les pistolets-mitrailleurs, fusils d’assauts et fusils-mitrailleurs : pour faire synthétique, les armes automatiques de guerre. Et pour cause, il s’agit de mon principal sujet de travail et d’étude. Une autre connaissance m’a été apportée par ce parcours professionnel : celle de la logistique. Et comme chacun le sait, il s’agit de la face cachée mais ô combien importante de toute organisation humaine.

D’où partons-nous ?

S’il est important que vous situiez votre interlocuteur, il est aussi important de porter un regard critique sur la perception du monde qui nous entoure et que nous croyons connaitre. Notre vision du monde est très largement influencée par ce qui nous est donné à voir par l’industrie du divertissement et par la société de consommation. C’est un état de fait, pas une critique : on peut trouver cela bien ou mal, ce n’est pas le propos ici. Pour ma part, films et jeux vidéo font partie de ma vie depuis mon adolescence, et je ne renie pas le plaisir que j’en retire encore aujourd’hui ! Cependant, chaque individu garde un niveau de distanciation entre la fiction (le film, le jeu) et le réel qui dépend de son propre vécu : un militaire et un chef cuisinier ne regarderont certainement pas « La Chute du Faucon Noir » et « Ratatouille » d’un même œil ! Donc, il nous faut admettre qu’une part du réel de certaines situations ne nous est tout simplement pas accessible. Vous comme moi. Il est donc important de comprendre ici que mes propos, issus de mon vécu, ne correspondront pas forcément au propos que vous aurez entendu par ailleurs. Ceux-ci seront peut-être ceux d’une personne qui les aura vécus différemment…voire qui se sera contentée de les rapporter de façon plus ou moins fidèle ! Comme toujours, faites-vous de tout ceci votre propre idée, et restez critique ! Cette lourde précaution oratoire posée, passons au vif du sujet.

La rafale : pour quoi faire et à quel prix ?

De prime abord, la rafale, est une évolution de la « mitraille », qui nous donne en français les mots « mitraillette » et « mitrailleuse ». La mitraille est une charge de canon composée d’une multitude de projectiles : une chose finalement très similaire – mais en plus gros – aux grenailles et chevrotines des fusils de chasse. Le principe est donc de multiplier le nombre de projectiles tirés dans un laps de temps très court, qui confère dans notre appréciation du temps, à l’instantanéité : à 600 cpm (coups par minute), 10 projectiles sont tirés en 1 seconde. Le but est d’augmenter les probabilités d’atteinte sur un objectif (simple ou multiple, quelle que soit sa nature) par une augmentation de la surface traitée. C’est un sacrifice consenti : on accepte de gaspiller des projectiles (et par extension de notre cas, des munitions complètes) dans le but d’augmenter la « probabilité d’atteinte ». La probabilité d’atteinte est une notion statistique qui dans le domaine du tir vise à évaluer les chances qu’a un tireur d’atteindre, au déclenchement du tir, un objectif d’une taille définie, à une distance définie et dans des conditions définies.  En synthèse :

  • Le bénéfice : augmenter les chances d’atteindre la cible ou une partie de l’objectif permettant sa neutralisation.
  • Le sacrifice : accepter de tirer des projectiles inutilement.

Et le sacrifice n’est pas anodin…car contrairement à la vision souvent fantasmée offerte par l’industrie du divertissement, la chaîne logistique nécessaire à l’approvisionnement en munitions (produits lourds par définition) est quelque chose de complexe et coûteux. Non, les bandes de M60 ne se rallongent pas par magie entre chaque changement de plan de caméra comme dans « Commando » (excellent film par ailleurs…mais pour se détendre, pas pour s’instruire !). La réalité, ce sont plutôt les photos de reporters de guerre montrant tous ces soldats qui portent des quantités de munitions avec eux…pour quelques minutes de tir. Voici une petite démonstration chère à notre ami Pierre Breuvart lors de l’évocation du tir au fusil-mitrailleur, qui permet de mieux cerner l’enjeu :

  • Poids d’une munition de 7,92×57 IS type SME (munition à noyau acier, standard en fin de guerre 39/45), 24,6 grammes.
  • Cadence de tir généralement annoncé pour une MG42 : environ 1200 cpm (Photo 01).
  • Poids en cartouches pour 1 minute de feu et donc 1200 cartouches : 29,52…kilogrammes !
  • Poids en cartouches pour 10 minutes de feu et donc 12 000 cartouches…295,20 kg.

Sans compter les bandes et les caisses de transport…et les bras pour les porter ! Car oui, il n’y a pas toujours un véhicule motorisé ou un moyen hippomobile (la Wehrmacht est alors encore très dépendante du cheval !) rempli de munitions à portée de main !

Alors, oui, dit comme ça, 10 minutes de feu, ça fait long : mais sur une journée de combat, est-ce si long que cela ?

Autre image véhiculée par l’industrie du divertissement : le fait de ramasser armes et munitions sur le champ de bataille est une vision fantasmée de ce que le réel offre comme possibilité…et surtout, un état-major ne peut pas miser sur cette pratique pour planifier une action militaire ! Je sais bien que c’est ce qui est souvent présenté concernant les troupes Soviétiques traversant la Volga à Stalingrad, en distribuant un fusil pour deux. Mais l’existence de cette pratique, très présente dans l’esprit du grand public (le cinéma et les jeux vidéo…toujours), reste controversée. Elle ne fait d’ailleurs pas sens d’un point de vue tactique ou stratégique, mais elle a beaucoup de sens d’un point de vue idéologique, notamment dans le contexte de la Guerre Froide.

Pour en revenir à notre rafale, le sacrifice consenti est donc considérable, car il a un impact à une échelle stratégique absolument terrible : augmentation des moyens de production, des livraisons, donc de la consommation de carburant, donc des besoins en ressources humaines…bref une augmentation des coûts et de la logistique ! Ainsi, si le sacrifice est considérable, le gain doit l’être d’autant plus : il est donc question ici d’une augmentation des probabilités d’atteinte. Mais dans quelles situations et avec quelles armes ? Eh bien, les deux choses sont corrélées.

La rafale sur l’arme collective : mitrailleuse et fusil-mitrailleur

Commençons par ces armes car celles-ci furent les premières à être dotées du mode de tir si cher à Michael Mann dans « HEAT » (encore un excellent film !). Sans évoquer les prémices historiques, concentrons-nous sur les machines qui ont eu un véritable impact sur le champ de bataille. Il y eut tout d’abord de véritables pièces d’artillerie au cours de la seconde moitié du XIXe siècle : mitrailleuse de Reffye ou Gatling par exemple (Photos 02 à 04).  Mises en œuvre par une équipe d’artilleurs, ces pièces sont « rares » (la mitrailleuse de Reffye ne fut produite qu’à 168 exemplaires) et leur usage proche de celui d’un canon. Mises en œuvre de façon mécanique (par un levier actionné par un homme), leurs cadences de tir sont bien loin de notre standard actuel : 100 coups par minutes (cpm) pour une mitrailleuse de Reffye, un peu plus de 400 cpm pour une mitrailleuse Gatling. Il faut ajouter à cela que le système d’alimentation n’est pas non plus aussi « sophistiqué » que nos machines actuelles : par gravité sur la mitrailleuse Gatling et par bloc de 25 coups sur celle de Reffye. Ces armes n’en demeurent pas moins efficientes bien servies : stables, elles sont capables d’un volume de feu inégalé au moment de leur apparition…et d’une efficacité terrifiante lorsqu’employées à bon escient. La chose laissait présager « des jours radieux » pour le tir automatique…mais pas pour l’humanité.

L’aube du XXe siècle va voir, notamment grâce à la cartouche à étui métallique et à la poudre sans fumée, la généralisation des mitrailleuses « à réarmement automatique », par opposition aux actions manuelles des machines évoquées précédemment. Plus compactes et plus mobiles (choses variables suivant les modèles), elles restent cependant d’une mise en œuvre ankylosée…finalement toujours dans la ligne d’une pièce d’artillerie : ce sont les mitrailleuses Maxim, Hotchkiss, Schwarzlose, etc. (Photos 05 à 08). Leurs dimensions réduites par rapport à leurs devancières du XIXe leur permettra surtout de mieux s’intégrer dans le dispositif militaire : elles sont plus faciles à transporter, manœuvrer et à dissimuler/protéger. Leur alimentation, généralement par bandes rigides ou souples, est plus apte à des cadences de tir soutenues, au point même que beaucoup d’armes adopteront le refroidissement du canon par eau ou un canon très étoffé. En n’oubliant pas que celles-ci tiraient généralement à culasse fermée. La présence de ces « faucheuses » aura un impact terrible sur la Première Guerre mondiale…et elles deviendront des cibles de choix. Ici aussi, la lourdeur du dispositif confère une stabilité à ces armes leur conférant une efficacité redoutable.

En France, on entend souvent que l’expression « faire baisser les têtes » vient de l’usage des mitrailleuses pendant la Première Guerre mondiale, où leur mise en œuvre, lors des phases offensives servirait à forcer l’adversaire à rester caché dans les tranchés, donc à « baisser la tête ». C’est oublier bien vite que les mitrailleuses de 14/18 ont surtout été un des hachoirs de toute une génération qui a permis aux deux camps de repousser des attaques de troupes massives, que l’on peut même qualifier de « suicidaires ». En France, les monuments aux morts de la Grande Guerre dans chaque ville sont là pour nous le rappeler.

Les esprits taquins me retroqueront alors : « Mais non, Nono (mes amis m’appellent Nono), tu n’y connais rien, l’expression est à associer au fusil-mitrailleur (Chauchat, Lewis…), dont l’usage était inéluctablement associé à l’assaut ». Bien qu’il ne soit pas complètement vérifiable, l’argument est bien évidemment entendable…pour la Chauchat, la Lewis voire même la MG 08/15 (et j’en oublie certainement – Photos 09 et 10). Cependant, ce sont les plus avisés qui feront cette distinction, et aujourd’hui, l’expression « faire baisser les têtes » est généralement associée à toute mitrailleuse / fusil-mitrailleur – voire à l’usage de la rafale tout court – lorsque vous discutez avec des tireurs (professionnels ou civils) sur les pas de tir. Le mal est fait. On a même donné à cette pratique un nom militaire « le tir de suppression » ou « tir de couverture ». Car oui, évidemment, cette pratique existe, mais elle ne constitue pas l’usage unique de la rafale.

Dans un « tir de suppression », la rafale trouve donc un autre emploi : celui qui consiste à neutraliser, non pas directement une unité combattante (qui peut être un véhicule), mais l’utilisation d’une zone par l’ennemi…c’est une autre forme d’objectif. Le concept est éminemment « bourgeois », car il admet de tirer un grand nombre de munitions (si l’on veut être suffisamment dissuasif) sans détruire l’ennemi, sur une période suffisamment longue pour permettre aux troupes de manœuvrer. Lorsque nous employons la formule « concept éminemment bourgeois », nous ne faisons pas de politique, camarade, nous renvoyons seulement la chose à un niveau économique. Toutes les factions, quelles que soient leurs idéologies (réelles ou prétendues) recourent à cette méthode bourgeoise…quand ils le peuvent ! « Gagner le feu » est à ce prix.

Bien évidemment, lors de ce tir de couverture, toute personne ayant la bonne idée de montrer « son blair » sous un tir de mitrailleuse M134 prendra immédiatement la foudre (Photos 11 et 12) ! Car oui, la M134, avec ses 2000 à 6000 coups par minute et bien une parfaite illustration de ce que peut être un tir de couverture…bourgeois : un véhicule couteux (oui, on n’est pas dans « Predator » – Photo 13), une arme couteuse (non mais vous avez vu le prix d’une Dillon et de sa maintenance ?) et des milliers de cartouches ! Évidemment, le tir de couverture est réalisable par d’autres moyens plus communs (du pistolet à la mitrailleuse, suivant la situation, faites votre choix !) avec une efficacité plus ou moins grande. La chose se fait cependant toujours en « cramant » de la munition sans « bilan » pour être politiquement correct…ou hypocrite. Suivant les situations reste à savoir si l’utilisation de votre dotation en munitions est bien judicieuse dans ce rôle…tout en gardant à l’esprit le ravitaillement sur lequel vous pouvez compter. Il s’agit d’un choix stratégique : en théorie, on évite la mort des soldats de son camp (chose louable), en pratique, il faut être capable d’assurer économiquement et logistiquement ce modèle coûteux. Pensez-y en payant vos impôts, la pilule passera peut-être mieux…et surtout, abonnez-vous à LAI Publications, c’est pas cher en comparaison d’une minute de feu de M134 !

Si la Première Guerre mondiale a vu la démocratisation des armes automatiques collectives (souvent lourdes, mais aussi plus légères avec le Chauchat ou la Lewis, qui restent la plupart du temps des armes collectives – Photo 14) ainsi que l’évolution de la doctrine, elle a aussi vu l’apparition des premiers pistolets-mitrailleurs. Malgré mon tropisme pour les armes Russes et Soviétiques, je laisse volontairement de côté le cas du Fedorov 1917, qui malgré l’emploi de la munition Japonaise, reste plus un FM – à la limite du fusil de combat – qu’une arme individuelle et qui surtout, n’a pas marqué « l’emploi » de ce type d’arme de par sa confidentialité. Fût-ce le cas, eut-il apporté autre chose que ce qu’apportait le Chauchat ? À mon avis, pas grand-chose. En revanche, cela a certainement permis aux Soviétiques de comprendre (également avec l’AVS-36), que le « Battle Rifle » automatique n’avait que peu de sens…mais nous y reviendrons.

La rafale sur l’arme individuelle : pistolet-mitrailleur

L’apparition de la rafale sur une véritable arme individuelle se fera donc à la fin de la Première Guerre mondiale avec les pistolets-mitrailleurs Allemands et Italiens (laissons le débat de la primeur de l’invention à d’autres !). Une chose est sure ici, sur ce type d’arme, la rafale retrouve son rôle de mitraille : maximiser les probabilités d’atteinte sur la cible. Et ceci dans un contexte bien particulier : le combat rapproché, à globalement moins de 50 m (Photo 15 et 16). La rafale devient ici un palliatif : celui du manque temps. Lors d’un assaut, le combattant en déplacement, tombe nez à nez avec un ennemi et doit pouvoir rapidement, le neutraliser. Dans ce contexte, pas le temps de se poster, de viser : on sature la cible de plomb, de cuivre, de zinc et parfois de fer…idéalement avec un PM ou avec de la chevrotine ! Et de fait, dans les tranchées se côtoieront fusils de chasse avec chevrotine (notamment le Browning Auto 5, Remington R11 et la Winchester 1897) avec les premiers PM. Le PM, plus compact, plus manœuvrable, prend bien évidemment le pas sur le fusil de chasse, encombrant, doté d’une faible capacité, produisant un fort recul et, finalement peu prompt à des tirs répétés.

Ici, si le sacrifice est toujours le même (la consommation excessive de munitions), il peut devenir bien plus acceptable si l’arme est employée dans des « actions-chocs », qui durent peu de temps. C’est notamment le cas de l’assaut, ou le PM, surtout dans le contexte de 14/18, devient un outil redoutable. Et les Alliés l’avaient bien compris, ce type d’arme faisant partie de la quantité non négligeable de matériel dont l’Allemagne fut interdite de production et même de conception par le traité de Versailles…avec le succès que l’on lui connaît !

Si le pistolet-mitrailleur excelle dans ce travail de combat rapproché, il s’avère bien évidemment médiocre dans des engagements à distance (supérieurs à 100 m) …que ce soit en coup par coup ou en rafale. Attention, nous n’affirmons pas qu’un PM n’est pas capable d’un « coup au but » à des distances supérieures à 100 m : généralement, il l’est. Cependant, il faut distinguer ce qui est faisable sur un stand de tir de ce qui reproductible au combat et avec quelle efficacité. De ce constat sur les capacités limitées du PM résultera sans doute les tergiversations de l’entre-deux-guerres, et l’adoption finalement tardive de ce type d’arme par nombre d’armées juste avant la Seconde Guerre mondiale, et une marginalisation de son emploi militaire plutôt rapide pendant la Guerre Froide au profit du fusil d’assaut.

Ça bouge peu !

Si le but de la rafale sur le pistolet-mitrailleur ne laisse que peu de place au doute, il en va tout autrement pour le fusil d’assaut et pour le fusil de combat (le « Battle Rifle »). Et nous continuerons avec ce dernier, car en Occident, contrairement en URSS, le fusil d’assaut n’a pas immédiatement succédé au couple « fusil d’infanterie (à répétition manuelle ou semi-automatique) / pistolet-mitrailleur ».

Le « Fusil de Combat » ou « Battle Rifle »

Le « Fusil de Combat » (ou Battle Rifle chez les Anglo-saxons) est un fusil semi-automatique auquel il a été rajouté un mode automatique. Le M14, le FAL, le G3…bref une arme qui tire un calibre « classique » (les Anglo-saxons dirait « Full Power », de pleine puissance) de fusil d’infanterie en mode automatique (Photo 17). Si ce type d’arme s’est généralisé dans les années 1950, la terminologie de « Battle Rifle » n’est globalement apparue que dans les années 2000 pour permettre de le différencier du « Fusil d’Assaut », qui emploie lui, un calibre intermédiaire (Photo 18). En France, le terme est encore peu employé, notamment car nous étions habitués au « FSA » ou « Fusil Semi-Automatique » …et surtout parce que la notion de calibre intermédiaire est souvent ignorée ou mal comprise. Car non, en aucun cas, la 7,62×51 ne peut être considérée comme un calibre intermédiaire : il s’agit d’une escroquerie intellectuelle.

Sur le « Fusil de Combat », le mode automatique est…également une escroquerie. Pure et simple ne mâchons pas nos mots.  La chose est difficilement maitrisable en stand de tir et en condition de paix, alors sur un champ de bataille… Même avec un bipied, il faut des versions alourdies (donc, des versions « fusils-mitrailleurs ») pour obtenir une arme efficace dans le rôle d’arme d’appui…et encore souvent mieux servies avec du coup par coup rapide qu’avec de la rafale.

À la fin de cette courte vidéo, on voit clairement l’aspect inutile de la rafale du fusil de combat dans le cadre d’un tir d’appui.

De même, ces armes sont souvent peu à l’aise dans le travail d’assaut : encombrantes, finalement lourdes et souvent dotées d’une capacité plus limitée qu’un PM ou un FA.

Ça bouge un peu…

Cette escroquerie a d’ailleurs bien été comprise par bon nombre de nations utilisatrices de Battle Rifle :

  • Certaines supprimeront la capacité de tir en rafale : l’Angleterre bridera le FAL nativement en semi-auto, les États-Unis d’Amérique brideront souvent, mais au cas par cas, leurs M14. Les Français feront le choix de conserver le FSA MAS 49/56 sans rafale, le MAS 62 ne dépassant jamais la présérie…
  • Les pays équipés de « Fusils de Combat » pendant la Guerre Froide conserveront dans leurs arsenaux un PM…jusqu’à l’adoption d’un vrai fusil d’assaut : dans les cas cités au-dessus, l’Angleterre avec le Sterling, les États-Unis avec diverses productions (de la Thompson au Carl-Gustav m/45 en passant l’USM3…le début de la guerre du Viêtnam est un festival de la « diversité »), la France avec la MAT-49…et en allant plus loin, Israël (qui roulait en Fal), avec le UZI, l’Allemagne (qui roulait en G3) avec le UZI puis le MP5…

La chose est particulièrement vraie pour les « Battle Rifles » de la Guerre Froide, les versions customisées « Tacti-cool » nées à partir des années 2000 se prêtant bien évidemment mieux à l’exercice, mais sans exceller en la matière pour autant. D’ailleurs, leur usage opérationnel reste limité, et prend souvent la place d’une arme d’appui tirant au coup par coup.

Pendant ce temps-là, l’URSS fera un vrai fusil d’assaut (pardon, un « Avtomat ») avec le 7,62×39. Il n’y aura pas de « Battle Rifle » et plus de pistolet-mitrailleur (à proprement parler) jusqu’à la dissolution de l’URSS.

Un Fusil d’assaut pour les unir tous, et dans la polyvalence, les lier !

Le fusil d’assaut est bien évidemment censé se faire l’arme polyvalente, celle qui remplace les deux armes précédemment évoquées avantageusement : le pistolet-mitrailleur et le fusil de combat. Mieux, elle peut même remplir sporadiquement le rôle d’arme d’appui…mais nous allons en reparler.

De but en blanc, le « Sturmgewehr », fusil d’assaut, porte bien mal son nom, car il pourrait nous faire croire que son emploi se limite à un seul usage : l’assaut (Photo 19). Évidemment, ce n’est pas le cas et cette appellation germanique ne doit son choix qu’à des fins de propagande. Un choix raisonnable eut été « Fusil de Combat Polyvalent » ou autres appellations moins vendeuses…

Car oui, le fusil d’assaut est d’un emploi polyvalent : il excelle dans le combat à 0-300 m (voire 400 m avec les calibres intermédiaires de seconde génération, plus véloces) et n’est pas complétement démuni jusqu’à 600 m, bien que l’efficacité terminale de son projectile soit discutable. Cependant, quelle que soit cette efficacité terminale, prendre une balle de 5,56 à 600 m ne guérit pas du cancer et les probabilités d’atteinte ne sont pas ridicules, notamment avec l’emploi d’une optique.

La rafale sur ce type d’arme peut se concevoir sous trois usages :

  • L’engagement à courte distance (comprendre ici, toujours moins de 50 m), comme pour un PM. Le fusil d’assaut s’avère généralement plutôt bon dans ce rôle, notamment pour les armes utilisant des calibres intermédiaires de seconde génération (5,56×45, 5,45×39 auxquelles il convient sans doute d’ajouter le 5,8×42). Ici, l’écueil généralement rencontré est plus lié au gabarit de l’arme pour l’évolution en milieu confiné : il en découle la génération des Bullpups, puis la mode – à notre avis peu judicieuse – des canons courts (Photo 20). Pourquoi peu judicieuse ? Quitte à réduire la longueur du canon et perdre de la puissance, autant changer de calibre…je ne sais pas moi…pour du 9×39 par exemple ? Tropisme Soviétique sans doute…ou pragmatisme technique, comme vous voulez. La réduction du canon peut s’entendre d’un de vue logistique (unicité des calibres pour une arme à vocation défensive) mais elle ne s’entend pas d’un point de vue balistique : donc pour une vocation offensive.
  • Par rafales courtes, tireur à poste, pour l’engagement à des distances allant jusqu’à 100 m, voire jusqu’à 300 m en fonction des armes et de la configuration de tir (bipied, dispositif particulier que nous allons évoquer…) sur des cibles découvertes dans le but d’augmenter les probabilités d’atteinte. Il s’agit de l’emploi de la rafale, qui a notre sens, soulève le plus d’interrogations quant à son efficacité réelle. Nous allons y revenir juste après.
  • Le tir de saturation : de notre point de vue, bien que la chose se pratique, il s’agit d’un mésusage de l’arme qui s’avère bien trop légère dans ce rôle. Pourquoi trop légère ? Si la plateforme de tir est suffisamment stable (notamment avec un bipied) pour une mise en œuvre sporadique, la mise en œuvre prolongée va inexorablement conduire au problème de surchauffe : perte de précision, défaut de fonctionnement et cook-off (Photo 21). En n’oubliant pas que toutes ces armes tirent à culasse fermées…d’autres les auraient refroidies par eau pour un tel usage ! La chose est parfaitement illustrée par la polémique ridicule développée autour de l’excellent fusil G36 lors de l’engagement de l’armée Allemande en Afghanistan. Mais que voulez-vous, lorsqu’on veut tuer son chien (ou changer de fusil), on l’accuse d’avoir la rage (ou de surchauffer) … Un fusil d’assaut n’est pas un fusil-mitrailleur, même si quelques armes ont tenté la « fusion », comme le Galil ARM (« Assault Rifle Machine gun » – Photo 22). Les autres ont des variantes dédiées telles que les RPK-74, Steyr AUG LSW…et HK MG36 par exemple ! Évidemment, l’arme est plus encombrante et plus lourde, ce qui ne plaît pas à son porteur ! (Photo 23) Pourtant, un RPK-74 bien servi est un outil redoutable.

L’engagement par rafale courtes à des distances allant jusqu’à 100 m, voire 300 m pour certaines armes, est celui qui nous interroge donc le plus. À notre sens, il s’agit d’une doctrine qui est quasiment corrélée à l’apparition d’un accessoire : la rafale limitée.

La rafale limitée de 2, 3 et 4 coups : pourquoi faire ?

Voilà bien un accessoire des « eighties » : la rafale limitée ou « Burst mode ». Apparue à la fin des années 1970, elle s’est généralisée pendant les années 1980 puis…a disparu vers la fin des années 1990 ! Aujourd’hui, il me semble que seul Heckler & Koch propose encore quelques armes (conçues dans les années 1990) avec ce mode de tir en option (G36, UMP – Photos 24 et 25). Abattons nos cartes immédiatement, pour nous, à l’instar de l’usage généralisé du silencieux, il s’agit d’un effet de mode. Car oui, le commerce de matériel de guerre subit aussi des effets de mode, n’en doutez pas.

Certains affirmeront que la rafale limitée permet de mettre entre les mains d’un utilisateur « peu expérimenté » un mode de tir en rafale dans lequel il ne risque pas de gaspiller les munitions car s’interrompant toute seule. Bon, c’est à supposer que l’utilisateur n’a pas compris que pour re-tirer, il suffit de re-appuyer sur la détente. Non, cet argument que nous avons déjà entendu lors de discussions est…débile ! Mais d’ailleurs, qui est « l’utilisateur peu expérimenté » ? On envoie à la guerre des gens sans aucune formation ? C’est ça le programme ? Volkssturm généralisé ? Non, parce que même un conscrit est formé : la guerre ne s’improvise pas et envoyer des gens à la mort n’a jamais permis de remporter une victoire. Là aussi, la vision véhiculée par certains films – et malheureusement aussi, certaines lectures de l’histoire – est à mon avis trompeuse. Même avec un commissaire politique dans le dos, le soldat doit comprendre et savoir faire un minimum de choses…mais je me répète un peu ici non ?

Non, il semble que le vrai usage de ce mode soit le suivant : tireur à poste (donc à couvert et disposant d’une position de tir stable), une cible fugace fait son apparition : le tireur ajuste sa visée du mieux qu’il le peut sur le faible temps imparti et « fire and forget » pour emprunter au langage du missilier. Les 3 coups (la plupart des rafales limitées sont à 3 coups) partent et l’opération peut se répéter. La chose est parfaitement entendable, et dans la pratique les résultats ne sont pas ridicules. Nous avons expérimenté la chose nous-mêmes sur de la ciblerie mobile : la rafale encadre bien la cible (et la touche souvent !), donc les probabilités d’atteinte ne sont pas nulles.  Mais la question qui se pose ici est la suivante : la chose est-elle plus ou moins efficace qu’un coup par coup rapide ? Voici une question que je ne trancherai pas ici de manière formelle : mais mon sentiment est qu’on est plus efficace et plus économe en coup par coup rapide sur ce même exercice.

Pour le combat rapproché, l’artifice nous paraît plus contreproductif qu’autre chose : l’interruption de la rafale interrompt l’action et force l’utilisateur à renouveler une action, avec remise en position, pointage et tir…Autant dire une perte de temps qui risque de se payer cher si la première rafale n’a pas été concluante. Surtout que la rafale courte a contraint le tireur à un dépointage plus important qu’un tir unique. Avec une rafale libre, le tir peut se conduire jusqu’à élimination de la menace…ou jusqu’à épuisement des munitions… Dans des conceptions modernes, on note que les deux armes spécifiquement produites dans l’esprit « Personnal Defense Weapon » (FN P90 et HK MP7), donc pour du combat rapproché, sont dépourvues de ce mode au profit de la rafale libre…le hasard ? Je ne crois pas non…

Pour un tir de saturation, et bien ici aussi, l’artifice est parfaitement contreproductif : la mise en œuvre d’une rafale longue va être plus prompte à stabiliser le tir sur la durée. Je vous renvoie à mon article sur le comportement au tir des fusils d’assaut, mais pour être succinct, le corps n’est pas en mesure de réagir à la vitesse nécessaire pour prendre en compte le mouvement de l’arme sur les premiers coups tirés. Cependant, dès que le cerveau a compris, si l’arme est maitrisable, il peut compenser. La chose est vraie pour n’importe quel type d’arme : fusil d’assaut, pistolet-mitrailleur et même fusil-mitrailleur. En fonction de la distance (la dispersion augmentant de façon logique avec celle-ci), une rafale de fusil-mitrailleur de trois coups est de notre point de vue une mauvaise chose : à choisir, mieux vaut faire du coup par coup ou des rafales supérieures à 5 coups. D’ailleurs, exception faite de la HK MG 21 (qui reste un dérivé du G3), il semble qu’aucun fusil-mitrailleur n’a proposé de rafale limitée ! Comme toujours, il y a des exceptions, mais c’est un constat plutôt général.

La chose est plutôt bien visible sur la courte vidéo qui suit. À 900 m, la rafale de fusil-mitrailleur PK met bien un certain temps à ce stabiliser : ce sont les premières cartouches de la rafale qui se « dispersent le plus ».

De mon point de vue, la rafale limitée (de 2, 3 ou 4 coups) n’est donc potentiellement viable que dans un cas de figure bien particulier…et donc uniquement avec un fusil d’assaut ! Il est curieux de voir ce mode tir sur un PM : et en fin de compte, le MP5 en est le principal défenseur…à partir des années 1980 ! Oui, de mon point de vue, c’est bien un effet de mode qui justifie sa présence.

Quant à la quantité de coups tirés par la rafale, et bien je suis bien plus convaincu par la rafale de 2 coups (testée sur G36) que par les autres…parce qu’en cible, les deux premiers coups sont généralement les plus concluants et que cela permet de multiplier les tentatives de tir par 1,5 par rapport à une rafale de 3 coups (sur un chargeur de 30 coups, 15 rafales de 2 contre 10 rafales de 3). Comme évoqué précédemment, entre 600 et 800 cpm (on reviendra sur la cadence), de manière empirique, il me paraît clair que le tir se stabilise à partir de la 4e ou 5e cartouche…donc la 3e, poubelle !

Pour conclure sur le sujet des rafales limitées, je dirais qu’elles sont dispensables, sauf peut-être pour…

Le cas de l’AN-94 « Abakan »

La rafale de deux coups du fusil Russe AN-94 de calibre 5,45×39 annonce la performance vertigineuse de 1800 cpm (Photo 26) ! Le but de cette grande cadence est de faire partir les deux projectiles de l’arme avant que le recul n’impacte la position du tireur. Un des objectifs annoncés : faire en sorte que jusqu’à 100 m, les impacts soient localisés au même endroit ou presque…dans le but de défaire les protections balistiques individuelles (notamment en céramique). Pour ce faire, l’ensemble boîtier de culasse / canon recule solidairement dans la crosse. Ceci est exploité, entre autres choses, pour accélérer – par le biais d’une machinerie plutôt complexe pour une arme à feu, mais pas si complexe que cela en définitive – la phase d’alimentation. On note d’ailleurs que sur cette arme, seuls les deux premiers coups de la rafale libre sont à cette cadence : l’arme retombe ensuite à une vitesse plus raisonnable d’environ 600 cpm : une cadence plutôt compatible avec la maitrise de l’arme en rafale libre.

Il faut également noter ici que l’auteur Russe D.N. Bolotin précise que l’AN-94, avec sa rafale de deux coups…est capable d’aisément atteindre une cible à 600 m ! Son utilité ne se limite donc pas à la destruction des protections balistiques individuelles, mais aussi à augmenter… les probabilités d’atteinte !

Et le HK G11 alors ?

Le légendaire HK G11 employant une munition sans étui (la 4,73×33 mm « caseless ») est plus ancien que l’AN-94 (Photos 27 à 29). S’il présente des similitudes avec l’AN-94 (recul de l’ensemble boîtier / canon dans la crosse, rafale limitée très rapide, annoncée à environ 2000 ou 2200 cpm selon les sources), le but annoncé de sa rafale limitée est vraisemblablement uniquement d’augmenter les probabilités d’atteinte, jusqu’à 300 m. Il s’intègre à ce titre parfaitement au programme américain « Advanced Combat Rifle » initié en 1989 et dont on peut se demander, au vu du résultat (néant), si le but réel n’était pas de couler les boîtes qui y ont participé… Dans ce programme, le G11 côtoiera :

  • Le Colt ACR et sa munition duplex, constituée de deux projectiles télescopes dans l’étui et se séparant au tir pour augmenter…les probabilités d’atteinte.
  • Le Steyr-Mannlicher ACR et sa munition fléchette sans étui (« caseless » lui aussi) affichant la vitesse folle de 1480 m/s dans le but d’augmenter…les probabilités d’atteinte. En effet, plus le projectile est rapide, moins la visée est impactée par les variables du tir : distance, mobilité de la cible, vent… Par ailleurs, ces projectiles légers ne produisent qu’un faible recul, rendant l’arme plus maitrisable en toutes circonstances et augmentant…les probabilités d’atteinte !
  • Le AAI Corp. ACR et sa munition fléchette affichant la vitesse folle de 1402 m/s dans le but de…bon vous avez compris.

On note qu’il ne s’agit pas du premier programme États-Unien destiné à améliorer les probabilités d’atteinte : le programme SPIW, reposant sur le tir de munitions fléchettes était déjà dans cette quête. En fait, c’est une quête perpétuelle et logique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : celle de ne pas gaspiller les munitions ! Et donc pour limiter le « sacrifice ».

De leur côté, les Russes ne se contenteront pas que du projet « Abakan », ils produiront également les fusils AEK-971 et AK-107 (et leurs variantes) dont le but est également l’augmentation des probabilités d’atteinte avec un objectif clair : diviser par deux le groupement de la rafale à 100 m d’une AK-74. Travaillant sur l’équilibrage du mouvement des masses mobiles, la littérature existante à ce sujet nous explique que les armes produites n’obtiendront qu’une réduction d’environ 30% du groupement. Ces armes aussi étaient dotées d’une rafale limitée de trois coups. Si les AK-107 n’ont connu qu’une diffusion vraisemblablement très limitée, une version modernisée de l’AEK-971 avec une rafale limitée de 2 coups, le KORD 6P67 aurait été adoptée en 2018 par certaines unités Russes.

Et le pistolet Rafaleur ?

À l’instar des « Battle Rifle », le concept de pistolet-rafaleur relève plus de l’escroquerie commerciale que du bond technologique ou tactique. Même avec une crosse, les performances des armes testées (pour notre part, Mauser M712, APS Stechkin, Beretta 93R et Glock 18) peinent à convaincre, même dans le rôle de PDW. Au cours de notre carrière administrative, ce type d’arme (Glock 18, mais aussi un reliquat historique de Beretta 93R ! Une pensée pour Jean Paul Belmondo et pour Ennio Morricone) était en dotation dans quelques services spécialisés. De l’aveu même des opérateurs, elles n’avaient ou n’avaient eu aucune vocation opérationnelle, mais seulement celle de veille technologique…c’est-à-dire, dans le cas présent, tester la chose pour comprendre que ça ne sert à rien…ce qui est nécessaire aussi, sinon, comment le savoir ?

Et la cadence alors ?

Alors en définitive pour la rafale, quelle cadence ? Clairement, pour une rafale libre, les armes que nous avons trouvé les plus convaincantes en matière d’efficacité (comprendre ici, le tir le plus groupé autour ou dans l’objectif) sont les armes dotées d’une cadence de tir plutôt lente. Qu’est-ce que j’appelle lente ? Et bien pour la cadence tir, je conçois les choses de la façon suivante :

  • En dessous de 600 cpm : lent
  • Entre 600 et 800 cpm : normal
  • Au-dessus de 800 cpm : rapide

Sur le podium des armes que nous avons testé : l’Utlimax 100 ! La vidéo au ralenti vous en convaincra : mesuré à 503 cpm sur la séquence, avec de la munition M193 militaire, cela ne bouge pas. Et nous la plaçons sur le podium pour deux raisons : non seulement elle ne bouge pas, mais les cibles sont atteintes avec des rafales finalement très courtes, donc l’arme est très efficace.

Évidemment, certaines armes à cadence rapide restent très maitrisables, mais souvent, le rapport poids de l’arme / puissance de la munition explique à lui seul la performance… Par comparaison, sur une des séances de tir où nous avons eu le loisir d’utiliser l’Ultimax 100, où il nous a été donné de tirer une FN Minimi dans les mêmes conditions (de 200 à 600 m) : le verdict est à nos yeux sans appel, si l’objectif est de faire « but », alors la Minimi est totalement surclassée par l’Ultimax (ce qui n’est pas surprenant au vu de leur nom…Photo 30 et 31). Mais si on veut bruler de la cartouche, pour faire « baisser les têtes » sans bilan…alors la Minimi convient mieux car bien plus apte au tir soutenu. De notre point de vue, la mission première d’une arme d’infanterie, c’est de faire but, mais c’est un point de vue et non une vérité ! L’adoption du M27 Indivudal Automatic Rifle par l’USMC en 2010, un HK 416 dédié au tir d’appui (notamment par délivrance d’un tir soutenu en coup par coup), remplaçant une partie des M249 en service, est la preuve que ce débat est loin d’être clos. De façon générale cela revient à questionner la notion de « puissance de feu » : quel volume de feu pour quel résultat ?

Pour la rafale limitée, comme nous l’avons vu, une cadence très rapide, si elle est associée à une arme qui « ne bouge pas du tout » (donc AN-94 et HK G11) pendant un court laps de temps peut avoir un bénéfice. Mais on note que les deux armes sont munies d’un mode tir « très rapide » en rafale limitée et « normal » pour la rafale libre.

Enfin, concernant la cadence de tir, il ne faut pas oublier ici quelque chose : c’est qu’elle est intimement liée à la fiabilité et à la durée de vie de l’arme. Se rapprocher d’une cadence faible tend à prendre le risque d’une perte de fiabilité, monter vers une cadence élevée tend à exposer l’arme à une usure prématurée…et aussi à des problèmes de fiabilité. Il faut laisser le temps à l’arme !

En conclusion

La rafale reste un outil mis à disposition du combattant. Comme tout outil, il peut être bien ou mal employé. Doté d’un fort pouvoir spectaculaire, elle fascine…souvent plus qu’elle n’est efficace. Et c’est bien tout le problème : la fascination qu’elle provoque, associée à son interdiction pour les civils dans la plupart des pays du monde, exerce un attrait…presque irrésistible. Et, si sa pratique est effectivement ludique (ne boudons pas notre plaisir !), une journée à tirer en rafales en payant les cartouches dissuaderait bien des tireurs de pratiquer la chose de manière assidue ! On se dit finalement : tout ça pour ça ?

Arnaud Lamothe

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    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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