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Ultimax 100 : entre deux eaux

En France, on peut aisément établir une distinction entre mitrailleuse et fusil-mitrailleur : la première est nécessairement mise en œuvre depuis un affût, le second peut être épaulé pour le tir. En revanche, il est plus délicat d’établir une distinction entre un fusil-mitrailleur qui serait dit “léger” et un qui serait considéré comme “normal”, voire “lourd”. Faisons-nous référence ici au poids, au calibre ou à l’usage de ce matériel ? Si ces trois paramètres sont souvent corrélés, le résultat obtenu est parfois bien différent d’une arme à l’autre.

Un petit peu d’histoire…

On ne trouve que peu d’informations sur la genèse de ce projet, qui aurait débuté en 1978. Ce manque d’information provient sans doute du fait que Singapour est bien loin et intéresse fort peu de personnes… à tort ! Leur démarche en armement est fortement intéressante et leur production plus que correcte au regard des standards internationaux. Nous avons étudié à ce jour trois de leurs armes : SAR-80 (dont l’article est disponible ici), l’Ultimax 100 et le SR-88a, dont l’article est à venir. Leurs productions ne sont pas seulement orientées vers leur marché interne, mais également vers l’export. On doit d’ailleurs à cette vocation la présence de ces armes dans le conflit en ex-Yougoslavie, ce qui nous autorise à ce jour leurs études. Cette vocation dicte également la nécessité de produire des armes économiques et sans doute plus “éphémères” que certaines productions européennes.

Une fois de plus, la société Charted Industries of Singapour (C.I.S., aujourd’hui S.T.K.) a fait appel à un concepteur étranger expérimenté. On retrouve ainsi aux manettes L. James Sullivan, ayant jadis travaillé chez Armalite, notamment sur le célèbre AR-15. Sa mission : réaliser une arme finalement sans réel équivalent sur les marchés : une arme entre fusil d’assaut et fusil-mitrailleur. Pour trouver des similitudes conceptuelles avec des armes ayant existé sur le marché, il faut remonter au Stoner 63A dans sa version « Automatic Rifle » ou même…au CSRG-15 Chauchat ! Mais nous parlons bien ici uniquement de similitude conceptuelle : ni le Stoner 63A ni le Chauchat ne présentent des caractéristiques transposables avec l’Ultimax. Au moment de sa sortie, l’Utlimax-100 est un produit sans équivalant sur le marché…et c’est encore – à notre connaissance – le cas au moment où nous écrivons ces lignes. Si certaines armes ont été étudiées – voire même prototypées (on pense ici au Surefire RGX, étudié par le même J. Sullivan) – aucune n’a été mise sur le marché.

Compte tenu du curriculum vitae de Jim Sullivan, il n’est pas surprenant de retrouver des similitudes avec l’arme de la marque californienne : le dessin de la tête de culasse est extrêmement proche (le dessin du verrou et les ensembles extracteur et éjecteur sont identiques), et le chargeur en est un dérivé qui ne varie que par l’accrochage (nous reviendrons sur ce point). Ces choix ne sont pas surprenants ni incohérents vis-à-vis de la démarche du fabricant. En effet, on retrouve le même type de tête de culasse (avec certaines pièces interchangeables) et les mêmes chargeurs sur les autres armes de la marque. Une cohérence de la gamme en sorte.

L’arme ainsi conçue tire à culasse ouverte, fonctionne par emprunt de gaz à piston non attelé et impulsion courte avec verrouillage rotatif à 7 tenons en tête, est alimenté par chargeurs et dispose (hors variante Mk-2) d’un changement de canon rapide. Pour les détails sur ces différentes dispositions, nous invitons le lecteur à consulter les chapitres 5 et 6 du « Petit Guide de l’Armement » disponible sur ce même site. Notre exemplaire de l’arme ne possède qu’un mode de mise à feu : automatique. C’est le cas de la majorité des variantes de l’Ultimax-100, même si on peut mentionner ici que la Mk-5, proposée mais non retenue par les Marines américains, propose également un mode semi-automatique.

La mise en œuvre de l’arme est pour le moins « classique ». On retrouve un levier d’armement sur le côté gauche. Celui-ci est indépendant de l’ensemble mobile et ne bouge par conséquent pas lors du tir. Il possède un crochet de rétention qui l’immobilise lors du tir (Photo 05). Le bouton de déverrouillage du chargeur est positionné sur le côté droit de l’arme à la façon d’un AR-15. L’arme est dotée d’une sûreté située au niveau du pouce du côté gauche de l’arme. La fenêtre d’éjection peut être obturée par un volet à ouverture automatique en polymère (Photo 06). Le tout est complété par un bipied amovible, une poignée avant et par une crosse…amovible et non pliante (Photo 07) ! Le pontet peut être abaissé afin de permettre la mise en oeuvre l’arme avec des gants d’hiver (Photo 08).

Dans le prolongement de la poignée avant on trouve un ersatz de détente qui constitue la commande de déverrouillage du canon (Photo 09).  On peut équiper l’arme de deux longueurs de canon, 508 et 330 mm, qui existent dans les deux pas de rayure 1:305mm (1:12″) et 1:178 mm (1:7″) respectivement optimisés pour les munitions M-193 et SS-109 (Photo 10 et 11). Ces canons portent l’emprunt de gaz, le piston et un régulateur (Photo 12). Ce dernier comporte 3 positions permettant de varier la quantité de gaz prélevée en fonction des munitions et des conditions d’emploi. Cette régulation est réalisée par variation du diamètre d’admission des gaz sur une buse rotative (Photo 13). Ils sont également dotés d’une poignée de transport à deux positions : sur le côté pour le tir et sur le dessus pour le mouvement (Photo 14). Cette poignée peut également être employée pour retirer un canon chaud lors du remplacement de canon. L’arme a été proposée avec le tenon de baïonnette qui autorise les montages des baïonnettes compatibles avec les M16.

Les organes de visée sont constitués d’un œilleton et d’un guidon (Photo 15). Le guidon est solidaire du canon. Il est réglable en élévation et en direction, ce qui permet de garder un réglage propre pour chaque canon. La hausse est réglable par bond de 100 m de 100 à 600 m pour les versions prévues pour la M-193 et de 0 à 1000 m pour celle en SS-109. Elle peut être également réglée en direction sans outil, sans doute pour intégrer des paramètres de tir comme le vent ou la prise en compte d’une cible mobile. On trouve un rail propriétaire pour optique sur le boîtier : le même que sur les autres armes de la marque de l’époque (Photo 16).

…un peu de mécanique…

Les similitudes avec l’arme californienne, finalement peu nombreuses, ne doivent pas éclipser les choix audacieux et intelligents qui font de l’Ultimax 100 un outil atypique et efficace.

Contrairement à une majorité d’armes dévolues au tir en rafale, il a été choisi ici d’obtenir une cadence de tir faible. Environ 400 à 600 coups par minute, là où celle de   la majorité des FM est supérieure ou égale à 700 cpm (y compris dans ce cas, la version « Automatic Rifle » du Stoner 63A). La technologie utilisée pour “tomber” la cadence tir est simple, mais ô combien intelligente : la course de l’ensemble mobile est très longue et prend donc “beaucoup” de temps. Pour ce faire, et afin de ne pas faire une carcasse « à rallonge », la majorité de la masse de l’ensemble mobile est disposée sur le dessus et à l’avant du transporteur (Photo 17)…ce que fait par ailleurs naturellement un arme à piston attelé ! On peut faire ici un parallèle avec la mouvance des culasses dites “télescopiques” pour PM (Vz.23, UZI, Berreta 12SD, Vz.61…), qui visent à la compacité des armes par l’englobement de la masse de la ou des pièces de fermeture autour du canon sur la portion avant (incompressible) et l’arme. Le ressort récupérateur est également d’une longueur considérable. Le but de cette disposition est d’amortir le mouvement arrière de l’ensemble mobile (une des composantes du « mouvement » de l’arme au moment du tir) de façon très progressive à l’aide d’un ressort « souple » et d’éviter ainsi une brutale mise en butée à l’arrière. L’ensemble de ces dispositions au sein de cette arme est parfois nommé “recul constant”…à notre sens, une terminologie plutôt à vocation commerciale que technique ! Pour mémoire, on peut décomposer le mouvement de l’arme à rechargement automatique au moment du tir de la façon suivante : mouvement des pièces de mise à feu, recul lié au départ du coup, mouvement arrière de l’ensemble mobile, amortissement le cas échéant de l’ensemble mobile, mouvement avant, mise en butée avant de l’ensemble mobile.

Le choix de tirer culasse ouverte, impacte l’arme de plusieurs façons :

  • Cela peut simplifier considérablement la conception et la fabrication de l’arme et baisser les coûts de production. Évidemment, cette possibilité dépend de certains choix techniques attenants, mais lorsque la percussion est directement liée au mouvement de l’ensemble mobile (avec un percuteur lié à l’ensemble mobile), alors la mécanique est simple et fiable. Simple car il n’est nécessaire que peu de pièces, fiable, car en plus du faible nombre de pièces, la puissance de percussion est grande de par la masse et la vitesse des pièces à l’œuvre. C’est ce qui fait ici : le percuteur est directement attelé au transporteur de culasse et fait automatiquement saillie après verrouillage de la culasse (Photo 18).
  • Cela permet d’exclure les problématiques de “cook-off” exposées plus loin. Vous pouvez également vous référer à la section II-C du Chapitre 6 de notre livre « Petit Guide d’Armement » en ligne sur notre site.
  • Cela améliore le refroidissement du canon entre les phases de tirs par une ventilation interne via la chambre ouverte. Si ce phénomène est à relativiser en matière d’efficacité, on ne peut nier le fait qu’un canon ainsi « ventilé » refroidit plus vite qu’un canon « fermé » par une cartouche.
  • Dans le cas de cette arme en particulier, cela permet par l’inertie du mouvement avant de la culasse, de compenser une partie du recul lié au départ du coup. Ce point est détaillé plus loin.
  • Cela constitue un risque en matière de fiabilité, car la fenêtre d’éjection reste ouverte entre les tirs, ce qui autorise la pénétration de corps étrangers. Le volet de fermeture prend ainsi tout son sens. On note d’ailleurs ici que même en position fermée, il subsiste une ouverture conséquente au travers de la fenêtre d’éjection, à l’arrière du transporteur de culasse (Photo 06).
  • La précision peut également être affectée. Au départ du coup, le délai entre le déclenchement du tir et la percussion est plus long et met en jeu une masse plus importante que dans un système qui tir à culasse fermée via un percuteur lancé ou un chien. Il peut en découler un dépointage au moment du tir. Si ce type de système est objectivement plus difficile à prendre en main qu’un système qui tire à culasse fermée, l’obtention de bons résultats, reste tout à fait possible, surtout pour un tireur dûment entrainé…Du reste, ce dépointage n’affecte que le premier tir sur une rafale : dans le cas de l’Utlimax-100, la vocation « rafale » du tir rend ce défaut de moindre importance.

La conception de la culasse fait également appel à une contre-masse importante (77 g sur les 564g de l’ensemble mobile soit près de 13 %) logée dans la partie supérieure du transporteur (Photo 19). Plaquée vers l’arrière par un ressort, elle permet à la fermeture de contrer le phénomène de rebond de culasse (dit “rebond élastique”) mais aussi de différer une partie du transfert d’inertie du mouvement avant de l’ensemble mobile au moment du tir, justement aux fins d’équilibrer les forces au moment de la mise en mouvement du projectile dans le canon. N’oublions pas ici qu’une partie de l’énergie de la masse mobile est mise à profit pour la mise à feu de la munition. Ceci n’est pas sans évoquer les travaux conduits par les Russes sur l’équilibrage des masses en mouvement sur les AEK-971, AK-107 et AK-108. Réalisés de façon plus complexe dans les armes Russes, le but était également d’améliorer la stabilité de ces fusils d’assaut en tir automatique. On note que le design de l’Ultimax-100, sans doute moins performant que celui des Russes, est surtout bien plus simple et pragmatique ! Notons que les travaux des Russes n’ont à ce jour finalement abouti à aucune adoption, les résultats étant en deçà des espérances.

Le système de mise a feu, bien que simple car ayant recours à la mise en mouvement de l’ensemble mobile, dispose d’un raffinement nécessaire. En effet, sur ce type d’arme, il est souvent nécessaire d’éviter les dommages liés à une remontée partielle de la gâchette lors de l’interruption du tir : un accrochage partiel se solderait rapidement par un arrachage de matière lié au choc de l’ensemble mobile sur une surface partielle de la gâchette. Ici, la gâchette est maintenue en position effacée une fois le tir déclenché par une pièce additionnelle liée à la détente. Pour effacer cette pièce et interrompre le tir, il est alors nécessaire de relâcher complétement la détente, ce qui assure le retour de la gâchette en position d’un seul mouvement. Un dispositif au but similaire est présent sur les systèmes de mise à feu dérivés de la MG-34 : MG-42, mais aussi AA-52, AN-F1, MAG-58 et Minimi. Il est vraisemblable que ce système soit originellement hérité de la MG-30… Sur ces armes, lorsque la détente est relâchée, la remontée de la gâchette est commandée par le déplacement d’un « crochet de gâchette », lui-même actionné par le mouvement de l’ensemble mobile. Ceci permet de maitriser l’exact moment où la gâchette ré-accroche l’ensemble mobile et donc de présenter une surface d’arrêt totale. Le dispositif de l’Ultimax 100 est moins précis, mais cependant la cadence tir n’exige pas un timing aussi précis : la gâchette a « le temps » de remonter plus tranquillement… Sur les armes empruntant le système de mise à feu de la MG-34, les cadences de tir sont généralement deux fois plus élevées et ces dernières sont dotées d’ensembles mobiles d’une masse considérable.

La carcasse est construite en tôle d’acier emboutie, un choix pragmatique en matière de production et qui est également celui fait pour la production du SAR-80 à la même époque. On ne retrouve que de manière marginale l’utilisation de l’aluminium, à l’exception notable des chargeurs de 20 et 30 coups de la marque (Photo 20). Les chargeurs rotatifs de 50 et 100 coups sont en polymères avec un arrière transparent autorisant un visuel sur le contenu (Photo 21). Sur ces chargeurs rotatifs, l’alimentation ne se fait que d’un seul côté (à gauche) (Photo 22). La carcasse est peinte en noir (sans doute après phosphatation), le reste des pièces étant phosphatée. L’intérieur du canon est chromé (chambre et âme) de même que le piston et la buse de régulation.

…et beaucoup de concept!

S’il est bien un FM “léger”, c’est l’Ultimax 100 : 4,90 kg pour la version Mk-3 sujet de cet article, avec son canon de 508 mm et son bipied. Elle “toise” ainsi la FN Minimi de près de 2 kg de moins. Un critère important. Mais est-il légitime de comparer pied à pied ces deux armes qui semblent partager de prime abord un usage commun ? La réponse est clairement non. Serait-il plus judicieux de la comparer à un RPK-74 ou autre fusil d’assaut hypertrophié, qui, à poids équivalent, partage également l’utilisation d’un boîtier chargeur au détriment d’une alimentation par bande ? La réponse est plus nuancée, mais demeure finalement négative.

L’Ultimax 100 est clairement situé entre ces deux types d’armes : il ne s’agit pas d’un fusil d’assaut alourdi (RPK-74, MG-36, FALO…) ni d’une “Mini-Mitrailleuse” (on devrait dire “Mini Fusil Mitrailleur”…mais MiniFuMi ça ne sonne pas très bien…) comme s’affirme l’être la MiniMi. Il s’agit d’une arme “multi-rôle” : appui / assaut. Les armes qui s’en rapprocheraient le plus restent finalement, comme évoqué plus haut, la version « Automatic Rifle » du Stoner 63A, et bien sûr le prototype Surefire MGX, qui est très proche dans l’esprit de l’arme singapourienne. L’Utlimax-100 peut délivrer des tirs d’appui (en rafale) efficaces sur des distances d’engagement supérieures à ce qui est réalisable avec un fusil d’assaut, mais s’intègre également parfaitement au dispositif militaire pour les phases d’assaut. De ce fait, elle se rapprocherait plus volontiers d’un fusil d’assaut hypertrophié que d’un FM “Léger” de type FN Minimi. Cependant, le choix de conserver une arme tirant à culasse ouverte et qui possède une capacité de remplacement de canon rapide en fait une arme plus apte au tir d’appui qu’un FA hypertrophié (tir à culasse fermée, canon fixe pour la plupart).

Pourquoi plus apte à ce type de tir ? Le simple fait de mettre en œuvre une arme destinée à de forts volumes de feu en rafale par un tir à culasse fermée est un non-sens. En effet, par le tir à culasse fermée (on chambre la munition avant de déclencher la mise à feu) on condamne l’arme à un seuil de “cook-off” : la munition chambrée dans un canon “surchauffé” est mise à feu par l’inertie thermique de ce dernier. Par surchauffe, on entend justement qu’il dépasse son seuil de “cook-off”. Cette “cuisson” est d’autant plus traîtresse, que contrairement à une idée reçue, elle n’intervient pas immédiatement à son chambrage mais généralement de façon différée (pouvant dépasser plusieurs secondes) et même de façon répétée ! Vous arrêtez de tirer et quelques secondes plus tard, un coup part sans que vous l’ayez désiré. C’est très problématique, notamment dans un contexte guerrier : le dispositif militaire est peut-être dans une phase de mouvement qui implique que des camarades se trouvent devant la ligne de tir de votre arme. Si le respect des Règles Générales de Sécurité est sacré, il est cependant illusoirement applicable à la perfection dans le chaos des combats… Le tir à culasse ouverte évite cette problématique. Aussi, une arme à canon fixe empêche le remplacement d’un canon qui chauffe ce qui apporte entre autres désagréments, une perte de précision et des problèmes de fonctionnement tous deux  liés à la dilatation du “tube”. Pour l’Utlimax-100, le remplacement de canon pour cause de surchauffe (et donc dans un contexte d’utilisation intensive) est préconisé tous les 500 coups. De plus, les capacités de remplacement du canon permettent l’utilisation d’un canon plus léger et donc la construction d’une arme plus légère.

Le choix d’alimentation cohérent vis-à-vis de ces prétentions de tir d’appui semblerait être une alimentation par bande, qui autorise une alimentation en grande capacité pour un poids et un encombrement plus favorable que le transport de munitions par chargeur. Cependant, ce type d’alimentation comporte plusieurs écueils et notamment :

  • Il complexifie considérablement l’arme par l’adjonction d’un dispositif d’alimentation (traction de bande, couloir d’alimentation…). Ceci a également pour conséquence, une augmentation du coût de production, une augmentation du poids de l’arme et une moins-value en matière de fiabilité.
  • Il complexifie la mise en œuvre de l’arme. Ainsi, même pour un fusil-mitrailleur “léger” alimenté par bande, il est préférable de se faire assister d’un camarade pour les phases de rechargement.
  • Il rend l’arme plus vulnérable aux corps étrangers environnants. L’alimentation par bande produit un “tapis roulant” provenant de l’extérieur de l’arme sur lequel peuvent se déposer toutes sortes de saletés.
  • La bande est un système d’alimentation qui n’est pas partagé par les autres armes du dispositif militaire. Dès lors, si l’approvisionnement se fait uniquement par ce biais, elle exige une chaine logistique supplémentaire. Évidemment, il est possible d’implanter un dispositif d’alimentation annexe comme sur la Minimi, mais ceci ajoute encore du poids et du coût de production à l’arme.

Ainsi, l’utilisation du chargeur, fait clairement de cette arme une arme “individuelle”, ce qui signifie que son tireur est apte à l’utiliser de façon optimale sans aide. C’est d’ailleurs un argument mis en avant dans les documentations du constructeur. La perte relative de capacité de volume de feu qu’autorise une alimentation par bande fut compensée (comme souvent dans ces cas-là) par l’adoption de chargeurs rotatifs de 50 et 100 coups. La volonté de faire un chargeur rotatif “simple” et “fiable” a d’ailleurs sans doute dicté le choix de réduire au possible la longueur du couloir d’alimentation et, par conséquent, la méthode d’encrage du chargeur sur l’arme. Pour mémoire, le même choix fut fait par les Soviétiques avec l’évolution de la PPD-34 vers la PPD-34/38, où le « cou » du chargeur disparaît. Une troisième méthode d’ancrage pour le chargeur de la marque : celui de l’AR-15 utilisé pour les SR-88a et les SAR-80 tardifs (ouverture rectangulaire sur le flanc gauche), celui utilisé pour les SAR-80 précoces (ouverture linéaire sur le flanc droit d’apparence similaire à celle de l’AR-18) et deux perforations sur le sommet du flanc gauche : celui de l’Ultimax. Toutes les armes en 5,56 de la marque partagent donc bien les mêmes chargeurs 20 et 30 coups. Cependant, les chargeurs tambours ne peuvent pas s’adapter aux fusils d’assaut de la marque qui ont un « long » puits de chargeur. On note également que le guidage des chargeurs 20 et 30 coups est réalisé sur la nervure arrière du chargeur, qui contient l’extension de la planchette élévatrice qui commande habituellement l’arrêtoir de culasse. Ici, pas d’arrêtoir de culasse !

L’arme s’intègre bien dans le dispositif d’assaut, car étant d’un poids raisonnable et d’une mise en œuvre individuelle, elle est compatible avec les notions de maniabilité et d’urgence de mise en œuvre que sous-entend un assaut. La poignée avant et le bipied amovible témoignent bien de cette volonté d’intégration. La poignée combinée au poids raisonnable – surtout si l’on prend en compte la possibilité de retirer le bipied en quelques secondes et d’être équipé d’un canon court – autorise réellement des tirs en mouvement. Le retrait de la crosse, rend l’arme compatible avec une évolution en milieu confiné, ce que peu de FM autorisent. Pour résumer avec humour : il n’est nul besoin d’être Arnold Schwarzenegger pour monter à l’assaut « FM au poing » avec un Ultimax 100 ! Mais au-delà de l’humour, quiconque a un jour essayé de faire du tir en mouvement avec un FM plus « conventionnel » sait que cette opération n’a rien de simple, principalement à cause du poids (et de sa répartition) et de l’encombrement d’un tel engin.

Aux champs de tir

Le résultat est bluffant : au moment du tir, en position allongée, il n’y a aucun recul. La chose est édifiante lorsque l’on filme la séquence de tir, surtout avec une caméra “haute vitesse” (vidéo disponible à la fin de l’article). Les tirs de rafales en position debout, épaulée ou à la hanche sont supérieurs à ce que l’on obtient avec la majorité des fusils d’assauts. La faible cadence de tir autorise aisément la production de tir au coup par coup malgré l’absence de sélecteur. Soyons clair, le tir de cette machine est très convaincant, y compris sur un tir comparatif avec la Minimi 5,56 dotée d’une cadence de tir élevée (autour des 1200 cpm) et qui produit une dispersion plus importante. Il semblerait que cette problématique ait été atténuée sur les dernières générations de l’arme de la FN par l’adoption d’un amortisseur de culasse plus performant. Aucun fusil-mitrailleur essayé à ce jour par nos soins ne s’est avéré aussi bien équilibré au tir que l’Ultimax-100. Le recul étant littéralement négligeable, il n’y a pas de relèvement et très peu de dispersion sur la rafale. Les tirs en rafale à 600 mètres réalisés sur champs de tir ouverts et cibles réactives sont tout simplement…bluffant une fois encore ! La vraie difficulté est (comme toujours dans cet exercice) de discerner les cibles plus que de les atteindre sur de courtes rafales. Sur des tirs « longue distance », l’arme mériterait largement le montage d’une optique adaptée pour accroître encore les capacités opérationnelles, mais cela ne permettrait de tout façon pas de combler les lacunes de la 5,56 à de pareilles distances en matière de balistique terminale.

Démontage et entretien

Le démontage est aisé. La crosse se dépose après le retrait de deux goupilles captives. Il convient ensuite de compresser l’extension de l’ensemble récupérateur vers l’avant afin d’abaisser la plaque de fermeture du boitier. La manœuvre de l’ensemble récupérateur se fait par le biais d’un curseur qui dépasse sur le côté droit de l’arme. L’ensemble mobile peut ensuite être retiré par l’arrière du boitier. Le démontage de l’ensemble mobile se fait de façon très « conventionnelle » : on retire la goupille de rétention du percuteur, puis le retrait du percuteur par l’arrière du transporteur de culasse libère la came de déverrouillage. Une fois la came retirée, la culasse sort vers l’avant. On peut alors déposer l’extracteur comme sur un AR-15 : on comprime légèrement la partie arrière de l’extracteur et on chasse sa goupille. Le retrait de l’ensemble récupérateur se fait simplement : on comprime la tige-guide vers l’avant et on le fait sortir en la glissant vers la droite.

Le retrait du canon s’effectue comme indiqué : on appuie sur la commande située à l’avant de la poignée avant, on lui fait faire 1/8 de tour sur la droite, puis on l’extrait vers l’avant. L’emprunt de gaz se démonte par retrait d’une goupille captive située à l’arrière de la frette d’emprunt de gaz. Elle libère la bague de rétention du piston, permettant l’extraction du piston et de son ressort. On peut compléter le nettoyage par le retrait de la buse : on aligne le curseur du régulateur sur la gorge de démontage et on extrait le curseur vers l’avant. On peut ensuite chasser la buse vers l’arrière au travers de la frette d’emprunt des gaz.

Le bipied se retire de façon analogue au canon : on appuie sur la commande à l’avant de la poignée avant et on fait tourner le bipied sur son axe pour le déverrouiller. On peut alors le faire sortir vers l’avant.

Ce démontage est suffisant pour l’entretien courant de l’arme. Les démontages complémentaires ne sont à envisager qu’en atelier : le remontage du système de mise à feu est, de par l’accessibilité à l’intérieur du boîtier, peu évident à réaliser sur le terrain…

L’accessibilité pour le nettoyage est très bonne pour le partie emprunt de gaz, mais un peu moins pour la carcasse. Cependant, la contamination gazeuse est très bien limitée par le dessin de l’arme et notamment par deux larges évents présents sur la frette d’emprunt des gaz. Situés sur l’arrière de la course du piston, ils permettent une évacuation efficace des gaz juste après avoir impulsé l’ensemble mobile (Photo 25).

En conclusion

L’Ultimax 100 est une arme sans réel équivalent sur le marché actuel. Ces impressionnantes performances en matière de tir ne doivent pas nous faire oublier que cela ne constitue pas les uniques critères d’évaluations pour une arme de guerre. La fiabilité, les coûts, la durabilité (en matière d’amortissement de l’investissement) sont aussi des critères prépondérants qu’il est difficile d’évaluer sans des batteries de tests forts coûteux et peu accessibles aux simples auteurs que nous sommes. Écartée en 2010 de l’appel d’offre de l’USMC au profit du M27 Infantery Automatique Rifle, une variante de l’HK-416 à mi-chemin entre une « Squad Automatic Weapon » et un « Designated Marksman Rifle », elle n’en demeure pas moins une arme fort intéressante par les choix techniques qui la constituent. Le choix de l’USMC, lui, témoigne d’une vraie réflexion autour de l’emploi de ce type d’armes au combat.

Arnaud Lamothe

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    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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