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SR 88A : La quête Singapourienne vers la fiabilité

Nous avons déjà vu précédemment deux intéressants modèles Singapouriens d’armes militaires, le fusil d’assaut SAR 80 et le fusil-mitrailleur Ultimax-100. Ces armes présentent toutes deux des aspects intéressants tant sur le plan technique que conceptuel. Le fusil que nous analyserons ici s’inscrit bien dans cette continuité.

Une grande créativité

La cité-État peut sembler bien dérisoire d’un point de vue géographique. Elle ne demeure pas moins un acteur économique important, au point d’être parfois comparé à la Suisse de l’Asie. Dès lors, il n’est pas surprenant que cette ancienne colonie britannique trouve un intérêt particulier à subvenir à ses besoins en matière de défense. On peut cependant être surpris que ce pays ait consacré une importante énergie à trouver des moyens propres de production et même de conception en armement portatif. D’autres pays – prétendument plus « importants » – se tournent vers l’étranger pour satisfaire de pareils besoins. Il n’y a guère de réponse simple à ce questionnement et établir des comparaisons entre pays serait une impasse. Il est très complexe et présomptueux de prétendre comprendre les enjeux réels d’un pays, quels qu’ils soient : la vision même du monde est parfois bien différente entre deux pays pourtant séparés de quelques mètres seulement. Dès lors, en conservant dans nos esprits ces faits, nous pouvons tout simplement en contempler le fruit : ici un fusil d’assaut assez atypique !

Une construction mixte

Conçue et produite par la société Charted Industries of Singapour (aujourd’hui ST Kinetics) à la fin des années 80, la construction de l’arme est articulée de façon classique (du moins en occident) autour d’un boîtier inférieur et un boîtier supérieur. Une première spécificité est le choix de réaliser ces deux parties par des procédés différents : la partie inférieure est réalisée en aluminium forgé / usiné alors que la partie supérieure est réalisée en tôle emboutie (Photo 03). Exception faite du FNC (article ici !), ce choix de construction mixte est suffisamment rare pour être souligné. Il constitue par ailleurs une des évolutions entre le SR 88 et le SR 88A, le premier ayant un boîtier inférieur en tôle emboutie très semblable à celui du SAR 80. Ce choix est avant tout industriel car impactant principalement les coûts et les moyens de production. Un boîtier en tôle emboutie n’est pas nécessairement plus lourd que son homologue en aluminium et leurs solidités dépendent avant tout dans les deux cas d’un dessin judicieux des pièces. À contrario, les outillages d’usinage moderne à commandes numériques (machine « CNC ») sont très polyvalents là où les machines nécessaires pour la production de pièces en tôle sont spécifiques à un usage limité. Par ailleurs, il est notable de constater que cette transition correspond à une ère de démocratisation des premiers “centres d’usinage”.

L’arme fut rapidement proposée avec le chargeur polymère aujourd’hui utilisé sur le SAR 21 employé dans l’armée Singapourienne. Cette démarche était alors moderne sans être révolutionnaire. Les Autrichiens ont produit ce type de chargeur dès la fin des années 70 avec le Steyr AUG et les Soviétiques l’avaient introduit sur l’AKM dès le milieu des années 60! Notre modèle d’essai a été fourni avec les chargeurs aluminiums Singapouriens, communs aux autres armes de même calibre du fabricant.

L’ensemble des pièces en acier est phosphaté. Les carcasses supérieure et inférieure sont peintes. L’intérieur du canon, le piston, la buse d’emprunt des gaz ainsi que l’intérieur de la frette d’emprunt de gaz sont chromés.

Évolutions techniques

Les deux principales évolutions techniques par rapport au SAR 80 portent sur l’emprunt de gaz et sur l’éjection. L’emprunt de gaz à piston non-attelé à la pièce de manœuvre sur le SAR 80 devient attelé sur le SR 88A (Photo 04). Cette évolution est clairement dictée par des considérations de fiabilité et de durabilité. En effet, si la technologie du piston non attelé procure sur le papier de nombreux avantages (« faiblesse des masses » présumée…souvent fausses à l’examen, coût de réalisation, meilleure compartimentation des gaz) dans la pratique elle s’est souvent avérée plus complexe à mettre en œuvre de façon fiable et durable. Une des causes est partiellement cernée par les appellations anglo-saxonnes “short stroke“, soit course courte, et “long stroke“, soit course longue. En simplifiant, une course longue permet de “lisser” plus facilement le fonctionnement d’une arme qu’une course courte. Ce lissage est induit par une action potentiellement plus prolongée des gaz sur le piston (l’impulsion) qui dégage une meilleure plage de fonctionnement. Cette longue impulsion est parfois associée à une masse mobile en mouvement plus lourde.

La masse de l’ensemble mobile est un élément prépondérant de la fiabilité d’une arme. Un ensemble mobile lourd sera plus apte à “conserver” de l’énergie pour se mouvoir face aux résistances présentes au sein de l’arme qui sont liées aux dispositions mécaniques ou à l’encrassement. La contrepartie théorique est, évidemment une arme globalement plus lourde, mais aussi une perception du mouvement de la masse lors du tir qui favoriserait le dépointage. Cependant, les effets du mouvement de l’ensemble mobile concernant le dépointage sont très largement surévalués de notre point de vue. L’essai d’un large panel d’arme à système variable permet aisément de constater que ce paramètre est bien moins déterminant que d’autres comme l’amortissement de l’ensemble mobile ou la conception ergonomique. Quoi qu’il en soit, tous ces éléments peuvent expliquer la recherche de la « masse juste ».

La différence de masse est souvent liée à la construction : un piston attelé emploie souvent des pièces plus massives, plus résistantes et donc plus durables que les tringles et ressorts fréquemment mises en œuvre dans les armes à piston non-attelé. Il n’y a pas de fatalité en la matière : d’excellents systèmes à piston non-attelé ont été conçus, notamment celui du HK G36 repris sur le HK-416. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas porter ces appellations ou catégorisations aux nues : elles ne reflètent que partiellement les aspects techniques et sont trop généralistes. Parfois mal appréhendées, elles conduisent à de mauvaises interprétations.

L’élégante solution adoptée ici est un piston attelé de faible diamètre, cas rare…sinon unique (environ 9 mm de diamètre contre 14 mm pour un système Kalashnikov. (Photo 05) ! Si le but ici était de concevoir un ensemble mobile à piston attelé « léger », alors, c’est mission accomplie : à notre balance, l’ensemble mobile du SR 88A pèse 0,455 g contre 0,471 pour un M16A1 et 0,484 pour un AK-74.

Souvent, du fait d’une réduction de diamètre entre le piston et la tige transmettant l’impulsion à l’ensemble mobile, la compartimentation des gaz est parfois meilleure sur les armes à piston non attelé. Ici un effort particulier a été réalisé dans ce sens : deux larges (et même très larges en proportion du piston) évents présents sur la frette limitent la contamination gazeuse par la mise à l’air massive des gaz empruntés pour le réarmement (Photo 06). Bien évidemment, on retrouve généralement toujours des évents de mise à l’air sur les emprunts de gaz, mais comme souligné ici, en proportion, les évents sont très gros : 4 mm de diamètre pour une conduite de 9 mm de diamètre. Ainsi, au moment où le piston dépasse les évents, 46,06% de la surface du tube couverte par les évents permettent une mise à l’air des gaz.

On peut introduire ici une réflexion sur l’importance de l’incidence de l’encrassement sur le fonctionnement de l’arme. En réalité, il convient de dissocier ici deux sources d’encrassement : celle issue du tir et celle issue de l’environnement. Nous laisserons le second aspect pour une autre occasion… Mais concernant l’encrassement issu de tir, la problématique n’est pas que l’arme s’encrasse, mais en réalité « où elle s’encrasse ». La parfaite illustration peut être faite avec deux exemples :

  • La famille G3 (incluant CETME, HK-33 et MP5…en autres ancêtres et héritiers). Ces armes, fonctionnant par ouverture «retardée» par galet (que nous préférons décrire comme « culasse non-calée avec artifice de démultiplication »…), s’encrassent énormément au tir. Localisé autour du système de fermeture (en réalité dans l’extension du canon), l’encrassement n’est en réalité que peu nuisible à la fiabilité de l’arme.
  • La famille des AR-15 (dois-je citer des représentants de cette famille ?). Ces armes, fonctionnant par emprunt de gaz « direct » (que nous préférons décrire comme « emprunt de gaz par tube-adducteur »), encrassent, dans l’absolu, moins qu’un G3. Cependant, l’encrassement, localisé à l’intérieur de l’ensemble mobile, est bien plus problématique que celui du G3 ! Il en découle de nombreuses solutions de substitution, du Colt 703 à l’Heckler & Koch 416…

Attention, nous ne faisons pas ici la promotion d’un système qui serait « supérieur » aux autres : nous pointons des éléments de réflexion qui, isolés, ne peuvent en aucun cas conduire à un jugement. Les systèmes G3 et AR-15 comportent chacun, des qualités et des défauts. À chacun de juger quelle arme convient le mieux pour son usage…ou ses croyances ! Pour ceux qui s’intéressent au sujet du fonctionnement des armes et désirent comprendre nos préférences sémantiques (qui n’ont pas valeur de loi !) ils peuvent se reporter au Chapitre 6 du livre “Petit Guide de l’Armement” disponible sur ce site.

Une autre évolution technique est le choix d’utiliser un éjecteur dit “fixe” solidaire à la carcasse (Photo 07). Sur la course de l’ensemble mobile, la douille est projetée hors de l’arme lorsqu’elle rencontre l’éjecteur solidaire du boîtier inférieur. La puissance d’éjection est par conséquent dictée par la vitesse de l’ensemble mobile (mesurée par la “vitesse de cycle”). Ce choix technologique permet en théorie d’éviter certaines problématiques liées à l’utilisation d’éjecteur dit “à piston” porté par la culasse, dont la puissance d’éjection est liée au ressort agissant sur le piston éjecteur. Faisant appel à la force de décompression du ressort, la temporisation de l’éjection est alors imposée par ce dernier pendant le temps du cycle ouverture / fermeture de la culasse. Ainsi, si le ressort faiblit ou si la vitesse de cycle augmente, la douille prend trop de temps pour s’éjecter. Dans les deux cas, la douille se retrouve piégée dans le boîtier par le mouvement avant de l’ensemble mobile. Une fois de plus le choix d’utiliser un éjecteur à piston dans une arme ne découle que d’une volonté productique : l’implantation est simple et la fabrication économique. À l’inverse, l’utilisation d’un éjecteur fixe exige des dispositions de construction plus complexes notamment avec un verrouillage rotatif : l’éjecteur n’étant pas porté par la culasse, la construction doit être assez soignée pour assurer la rencontre de la douille et de l’éjecteur. La culasse doit se mouvoir autour de l’éjecteur fixe. Il en résulte une construction plus complexe et coûteuse que le simple trou percé dans une culasse. Le choix fait ici semble de prime abord excellent : l’éjecteur lié à la carcasse se télescope verticalement dans cette dernière. Lors de son passage, la culasse aligne une rainure sur l’éjecteur qui fait saillie sous l’action d’un ressort.

Nous verrons lors de nos essais au tir que ce choix n’est pas sans conséquence et qu’il déplace les problèmes plus qu’il ne les résout. Aussi, l’ajout d’une rainure entre deux tenons pour le passage de l’éjecteur sur la tête de culasse fragilise encore un peu plus la culasse de l’AR-15, qui n’est déjà pas bien solide… (Photo 08) On peut noter ici que cette problématique fut également prise en compte sur le “Stoner 63A” qui utilise aussi un éjecteur fixe. Si on peut soupçonner que ces travaux ont influencé les Singapouriens (les ombres d’Arthur Miller et Jim Sullivan planent sur la cité-État…des anges gardiens en somme !), il est à noter que la dégradation du ressort d’éjecteur à piston est fréquemment liée à une surpression dans le canon. Le ressort est alors malmené par le violent reflux de l’étui dans la cuvette de tir. Cette surpression pouvant être occasionnée par la présence d’eau dans le canon, on devine pourquoi ce pays au climat équatorial y apporte une attention particulière.

Ailleurs, des choix techniques plutôt classiques

Le reste de l’arme reprend des recettes plutôt classiques. Exception faite des dispositions d’éjection, la tête de culasse est similaire à celle d’un AR-15. Guidé par les tiges-guides et non par le boîtier, le transporteur est hérité de l’AR-18.  Le système de mise à feu est celui hérité du SAR 80 avec une modification notable : le chien est doté d’un amortisseur de butée (Photo 09). On trouve également un amortisseur de culasse sur l’ensemble récupérateur (Photo 10). Ces amortisseurs préservent en théorie l’arme d’un vieillissement prématuré. Nous trouvons cependant l’amortisseur de l’ensemble mobile sous-dimensionné : la plaque de support des tiges-guides porte d’ailleurs les stigmates des impacts répétés. L’emprunt de gaz est doté d’un régulateur à trois positions : une position fermée “0” (tir de grenade à fusil) et deux positions ouvertes, “1” et “2”, avec des diamètres d’admission différents (Photo 11). Les positions ouvertes permettent d’accommoder le fusil aux conditions d’emplois. La manipulation du régulateur se fait par rotation. Les positions “1” et “2” sont situées de part et d’autre du régulateur de façon à correspondre à une mise en butée. Le canon (martelé à froid ?) d’une longueur de 460 mm est au pas de 1:305 mm (1:12″) prévu pour l’usage de la M193 sur notre exemplaire. Il fût également proposé au pas de 1:178 mm (1:7″) pour l’usage de la SS-109. L’extrémité du canon reçoit un cache-flamme autorisant le tir de grenade à fusil. La partie inférieure du cache-flamme est fermée, sans doute plus dans le but d’éviter de soulever trop de poussière du sol lors des tirs que de réaliser un compensateur de relèvement, bien que cette disposition agisse nécessairement ainsi (Photo 12). Une version à canon court de 292 mm était aussi proposée, ainsi qu’une version PM en 9×19 mm selon des publicités du fabricant (Photos 13 et 14).

La crosse est évidée dans sa portion centrale, ce qui permet une meilleure préhension lors de certaines manœuvres. Ceci peut être mis en parallèle avec le rainurage des crosses d’AK-74 : il est des situations où une bonne préhension de la crosse s’avère d’importance. La crosse comporte d’ailleurs une originalité au niveau de la fixation de la bretelle : elle se fait à l’intérieur de la crosse ! En complément du battant mobile fixé juste à l’arrière de l’emprunt de gaz sur le canon, la fixation de la bretelle est donc parfaitement compatible avec un tireur droitier ou gaucher. L’arme fut également commercialisée avec une crosse télescopique dans sa version compacte. Cette crosse n’est pas sans rappeler la crosse de la FN Minimi « Para ». On retrouve la capacité d’abaissement du pontet, absent du SAR 80, qui permet l’usage de l’arme avec des gants d’hiver (Photo 15). L’arme est dotée d’une poignée de transport articulée qui se verrouille en position rabattue. Celle-ci gène la prise de visée en position déployée…mais le défaut est corrigé en une fraction de seconde…c’est donc un faux défaut. La fenêtre d’éjection peut être fermée par un volet en plastique à ouverture automatique.

Le démontage est, lui aussi, classique : les boîtiers inférieur et supérieur sont assemblés par deux goupilles. Comme sur un AR-15, le retrait de la goupille arrière permet à lui seul l’extraction de l’ensemble mobile. Contrairement au SAR 80, ce dernier est solidaire de l’ensemble récupérateur, une évolution bienvenue et qui facilite grandement les opérations de démontage sur le terrain. L’ensemble récupérateur se désaccouple du transporteur de culasse par pression d’un verrou sur la tige-guide de droite (Photo 16). On dissocie facilement le piston de la pièce de manœuvre par simple pression sur un poussoir. Le reste de l’ensemble mobile se démonte de façon similaire au M16 : une goupille libère le percuteur, ce dernier libérant la came de verrouillage et la came libérant la tête de culasse. On dépose l’extracteur à l’aide de la pointe du percuteur comme sur un AR-15 : l’extracteur est identique. On note à ce stade une volonté de simplification : plus de masselotte anti-rebond comme sur le SAR 80 et plus de ressort de rappel de percuteur…du moins sur notre exemplaire. En effet, la présence d’un ressort de rappel du percuteur est affirmée par une publicité de la marque. Cependant, ce ressort ne nous parait pas être un manque sur les deux exemplaires examinés : l’ensemble mobile ne comporte clairement pas l’emplacement d’un tel ressort. À l’exception de l’axe de l’extracteur, les goupilles sont désormais captives afin de ne pas être perdues. Le garde-main est constitué de deux demi-coques identiques maintenues en place par une ferrure verrouillée par une clef rotative (Photo 17). Cette clef est maintenue par une vis BTR (métrique !). Il s’agit ici de notre point de vue d’une faute de goût : une arme ne devrait pas nécessiter d’outillage pour son démontage sommaire. On peut relativiser cette faute en soulignant que le démontage du garde-main ne sert en réalité qu’à accéder aux extérieurs du canon et du tube emprunt de gaz. Le régulateur d’emprunt de gaz se démonte par traction et rotation en outre-passant la butée. Cette dernière opération est « trop simple » à notre goût : une manipulation un peu « virile » du régulateur conduit à son démontage impromptu. Il faudra donc faire la chose avec mesure.

La baïonnette, elle aussi reste classique : il s’agit de celles compatibles avec le M16. (Photo 19)

Levier d’armement et hausse repensés

L’ergonomie reprend beaucoup du “standard” américain : sélecteur de tir, crochet de chargeur, arrêtoir de culasse sont hérités de l’AR-15. On notera cependant que le ressort du crochet de chargeur est notablement plus puissant que celui d’un AR-15 ou du SAR 80. Cela répond au double impératif d’assurer un meilleur accrochage du chargeur en fonctionnement mais également lors des manœuvres avec l’arme. Il est par ailleurs notoire que le crochet de chargeur façon “bouton” est prompt au décrochage par manœuvre intempestive. Cela explique que certains lui préfèrent les accrochages à levier arrière. Sur notre exemplaire, le sélecteur est doté des positions “safe”, “semi” et “auto”. Il fût également proposé avec une rafale de 3 coups en option selon les publicités du fabricant.

Le levier d’armement a par contre subi une refonte totale (Photo 20). Il passe du côté droit au côté gauche pour un emploi plus aisé “main faible” pour le tireur droitier. Comportant un doigt escamotable, il n’est plus attaché de façon permanente à la pièce de manœuvre. Il ne produit par conséquent pas de mouvement lors du tir. Cela permet d’éviter les incidents liés à la rencontre entre le levier et un élément tierce. Lorsqu’il n’est pas employé, le levier est maintenu en position avant par crochetage sur le boîtier et obture intégralement l’ouverture nécessaire à sa mise en œuvre. Ce levier permet également de forcer la fermeture de la culasse : lors de son déploiement, une partie du levier s’insère dans le transporteur de culasse. Ainsi solidaire, on peut pousser sur sa base (comportant des stries à cet effet) pour forcer la fermeture. L’utilité d’un pareil dispositif est discutable, mais sa présence permet dans tous les cas de cocher la case “présent” sur un appel d’offre! Dans tous les cas, ce levier se révèle aisé d’emploi et ce dans toutes les positions. Sur le sujet du levier d’armement, de notre point de vue, la seule solution « miracle » est le levier ambidextre du G36, qui s’adapte à toutes les doctrines. Car oui, le choix du positionnement du levier d’armement répond en réalité à la doctrine d’emploi sélectionnée pour cette dernière par l’institution…ou l’utilisateur !

Les organes de visée aussi ont subi une refonte totale (Photo 21). L’œilleton comporte trois réglages en hausse par le biais d’une forte molette sur le côté droit : 1, 3 et 5. Il s’agit de centaines de mètres et non de yards! Venant d’une ancienne colonie britannique, la question est légitime. Il est vraisemblable que la version destinée à la SS-109 comporte des réglages pour le tir jusqu’à 800 m, comme c’est le cas de l’Ultimax-100 destinée à la SS-109. Le guidon est sous tunnel. Le réglage initial de l’arme est réalisé sur l’œilleton uniquement, ce qui permet de conserver le guidon dans une position toujours « centrale » (Photo 22). On utilise l’outillage du M16A1 pour le réglage en hausse et une pointe de cartouche pour le réglage en direction. Des organes de visée luminescents sont annoncés par le fabricant sur ses publicités : cependant, ceux-ci ne sont pas présents sur notre arme. L’arme est dotée d’un rail pour montage optique « propriétaire » identique à celui rencontré sur l’Ultimax-100. (Photo 23)

Au tir

Le tir avec un fusil en 5,56 est toujours agréable. La prise de visée est excellente, la présence d’un tunnel autour du guidon est d’un confort supérieur à celui du guidon protégé par des oreilles pour une visée par œilleton (Photo 24). La précision est parfaitement conforme à ce qu’il faut attendre de ce type d’arme : on atteint la cible aux distances usuelles…100% de coups au but à 400 m sur un silhouette à genoux (la fameuse cible SC-2 de l’armée Française). Le réglage des distances nous paraît excellent, pour ne pas dire parfait : 100 m pour faire des coups précis à courte distance, 300 m pour un usage général, et 500 m pour s’autoriser des tirs plus lointains. Les qualités de la M193 sont parfaitement exploitées. La mise en œuvre du réglage et la lecture, sont aussi, excellentes. La rafale est maitrisable bien que trop rapide de notre point de vue : annoncée à 800 coups minutes, nous l’avons mesurée sur la séquence vidéo à 874 cpm en moyen (vidéo disponible en fin d’article et sur YouTube).

Le hasard faisant bien les choses, au cours de nos séances d’essais, nous avons testé l’arme par un frais matin d’hiver : – 7°C au thermomètre. Ne s’agissant pas de la première séance et malgré plusieurs nettoyages en profondeur (et notamment de sa graisse de stockage), cette arme vraisemblablement issue des stocks de l’armée Slovène a conservé en quelques endroits des traces de graisse épaisse. Une faible quantité de graisse, combinée aux fraiches températures a eu pour effet de freiner la remontée de l’éjecteur. Le résultat fût l’absence totale d’éjection générant des enrayages : l’arme essayant de chambrer une nouvelle munition avec une douille encore présente sur la tête de culasse. La panne identifiée et en l’absence de solvant sur le moment, la seule solution pour continuer l’essai fût de chauffer le support de l’éjecteur à l’aide d’un briquet entre les tirs. Le résultat fût “probant”. Cette petite mésaventure a le mérite de nous rappeler deux choses. Tout d’abord, il est illusoire de prétendre réaliser un test “exhaustif” sur une arme militaire avec des moyens limités. La variété des conditions de mise en œuvre est telle qu’il faut véritablement une batterie de tests savamment conçus pour évaluer objectivement les qualités d’une telle arme. Un autre point est que certaines solutions techniques en apparence prometteuses peuvent s’avérer un remède pire que le mal originel. Ici le choix d’écarter l’éjecteur à piston au profit d’un éjecteur solidaire de la carcasse considéré comme plus fiable fût sans doute un mauvais choix de par sa réalisation, la probabilité de voir l’ascension de l’éjecteur perturbée étant finalement plus grande que les problèmes liés à l’utilisation d’un éjecteur à piston.

Conclusion : Une arme d’export, de transition et d’émancipation

Si le SR 88A semble avoir connu une certaine diffusion dans les forces Singapouriennes, il est vraisemblable qu’à l’instar du SAR 80 sa vocation principale fut plutôt l’export. Mais en matière de production seulement : en matière de conception il incarne clairement une recherche de solutions qui conduira la cité-État à se doter de l’intéressant Bullpup SAR 21. Cette arme à emprunt de gaz au piston attelé, verrouillage rotatif à deux tenons en tête et éjecteur fixe constitue un désaveu Singapourien des solutions américaines. Il est ainsi très instructif d’observer comment aux travers de recherches et d’expérimentations technologiques, ce petit État géographique a choisi de prendre en main sa production d’armement individuelle pour l’adapter à ses besoins. Il est ainsi passé d’un Colt 614S (une variante de M16A1) produit sous licence à un SAR-21 intégralement indigène exception faite du calibre. On notera que la société ST Kinetics est toujours (au moment au nous écrivons ces lignes) très active et productive en matière d’armement…y compris sur la conception de munitions!

Arnaud  Lamothe

Remerciements:

Esistoire pour la mise à disposition de l’arme : Laura, Yann, Laurent et Guillaume toujours au top!

Jean Paul Sape, SDS Military, pour son savoir et ses conseils en matière industrielle.

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Retranscription et traduction de la légende de l’illustration 24 :

Performance

Le fusil d’assaut SR 88A de calibre 5.56 est une arme légère à emprunt de gaz par piston développé dans le but de répondre à tous les besoins militaires actuels.

Conçu pour être durable, il fonctionne parfaitement en terrain difficile et humide et par des conditions climatiques variables. Le système d’emprunt de gaz réglable qui sert également de système anti-encrassement donne au SR88 A une fiabilité supplémentaire même dans les pires conditions. La maintenance de terrain est grandement simplifiée par le système à piston qui élimine la plus grande partie des dépôts de carbone sur le transporteur de culasse.

Le SR 88A se manie très facilement et offre une excellente précision au tir. C’est dû en grande partie au concept de construction « tout en ligne » qui minimise le relèvement du canon et réduit la dispersion verticale.

Améliorations

Un dispositif de sécurité efficace réalisé dans le SR 88A est un percuteur doté d’un ressort de rappel qui empêche le tir accidentel du fusil en cas de choc ou de chute. Grâce à son interrupteur de gaz, le SR 88A peut également tirer des grenades à fusil. Il possède également des organes de visée luminescents (Note de l’auteur : ???) pour le tir de nuit. La polyvalence du SR 88A propose également en option, une crosse rétractable pour les situations qui exigent l’usage d’une arme compacte, comme pour les unités parachutistes, mais aussi une version pistolet-mitrailleur en 9 mm pour les forces de l’ordre.

De plus, le SR 88A possède une poignée de transport, un pontet prévu pour l’usage de gants d’hiver, ainsi qu’un rail pour optique de tir. Le sélecteur de tir peut être, à la demande du client, soit de type automatique, soit de type « rafale de 3 coups ».

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    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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