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2 - Le pistolet Soviétique Tula Tokarev 1933

Comme le Colt M1911 de calibre .45 ACP, le Luger P.08 de 9×19, le TT 33 fait partie de ces armes qui ont marqué l’histoire. Associé à tout jamais à l’URSS et à la Second Guerre mondiale, il constitue dans beaucoup de pays où l’acquisition d’armes de poing est possible, un achat sûr, l’arme étant fiable, « puissante », et souvent peu coûteuse. Parfois considérée à tort et avec dédain comme étant « primitive », elle constitue pour son époque, un outil rationnel et efficace : une bonne arme de guerre.

La munition de 7,62×25

Parmi les différences entre le pistolet semi-automatique soviétique emblématique de la Grande Guerre Patriotique et les deux autres armes mentionnées dans l’introduction, on peut distinguer que celle-ci est bien plus tardive que les deux autres et qu’elle n’emploie pas une munition conçue localement, mais bien une munition d’origine étrangère : la 7,63 Mauser (Photo 05). La Russie Impériale avait acheté un nombre considérable de Mauser C96 de calibre 7,63 Mauser au cousin Germanique (le Tsar Nicolas II et le Kaiser Guillaume II sont cousins, mais germains ce qui aurait été  un comble pour le Kaiser bien plus que pour le Tsar…). Ainsi, lorsque la révolution d’Octobre éclata, parmi le grand nombre d’armes de poing d’origine étrangère qui côtoyaient le Nagant 1895, un nombre substantiel de C96 fut employé par tous les belligérants au cours de la guerre civile qui suivit pendant près de 6 ans. Au lendemain de la révolution, le 7,63 Mauser était ainsi familier de tous. Nul doute que le calibre était apprécié à la fois pour sa précision, mais aussi sa pénétration, ce critère étant un important point d’évaluation d’une munition réglementaire.

Il n’est donc pas surprenant que préalablement à la création d’un pistolet pour la toute jeune armée Rouge, cette munition fut choisie et « soviétisée » à la fin des années 1920. Cette soviétisation consista surtout à adapter les côtes et les tolérances pour pouvoir uniformiser la fabrication des canons. Ainsi, les âmes des canons de 7,62×25 et 7,62×54 R seront identiques (tout comme celle du 7,62×39 à son adoption). Dès lors, les outillages de production et de contrôle sont les mêmes : une simplification productique des plus rationnelles. Les données de la CIP de chaque calibre (7,63 Mauser et 7,62×25 Tokarev) donnent une idée des modifications portées. N’oublions pas ici que la CIP est un système normatif dédié aux armes et munitions destinées au marché civil…et que les matériels de guerre (ou administratifs !) ne sont pas dans l’obligation de s’y soumettre ! Outre les différences de côte, il est important ici de mettre en lumière qu’il peut y avoir des différences de pression considérable en fonction de l’origine des munitions…et de l’emploi pour lesquelles elles étaient destinées. Non, il n’est pas judicieux de tirer des munitions destinées à être tirées dans les PM de la Seconde Guerre mondiale dans un antique C96 ! Il est peu vraisemblable que l’arme « explose » (objectivement, il n’y a pas vraiment de raison), mais son usure en sera grandement accélérée.

Son appellation réglementaire sera la « 7,62-мм пистолетными патронами », soit la « cartouche de pistolet 7,62 » (Photo 06). Nous l’appellerons 7,62×25 : cela permet de la distinguer du pléthorique panel de 7,62 existantes…

Les TT 30 et TT 33

De façon assez usuelle en Union Soviétique, les concepteurs d’armes sont mis en compétition pour l’adoption d’un pistolet semi-automatique de calibre 7,62×25. Sur les rangs, Serguey Aleksandrovitch Korovin , Serguey Aleksandrovitch Prilutsky et Fedor Vasilievich Tokarev.

Les deux camarades Serguey Aleksandrovitch (oui, ils ont les mêmes prénoms !) avaient déjà concouru pour l’adoption d’un pistolet en 6,35 Browning. Le modèle de Korovin, devenu Tula Korovin 1926 (présenté ici par Luc Guillou), avait alors été sélectionné. S.A. Prilutsky, dont le nom est peu familier du grand public, n’en était pas à son coup d’essai : il avait réalisé un pistolet semi-automatique (le M1914) qui était promis à un bel avenir dans la Russie Impériale mais dont la destinée fut brutalement interrompue par la Première Guerre mondiale puis par la révolution d’Octobre.

Fedor V. Tokarev (1871-1968), lui, avait également commencé sa carrière au service du Tsar de toutes les Russies, en tant qu’armurier du 12e Régiment de Cossack en 1891. En 1907, il créa son premier fusil semi-automatique à chargeur amovible par conversion d’un fusil Mosin-Nagant 1891. L’arme sera perfectionnée entre 1908 et 1914 à l’arsenal de Sestroretsk, mais ici aussi, la Première Guerre mondiale et la révolution d’Octobre mettront un terme à ses travaux. Cependant, sa créativité aura marqué les esprits, et au lendemain de la Guerre Civile Russe, elle sera largement mise à contribution : dès 1925, il développera la mitrailleuse « Maxim-Tokarev », et après la fin des travaux de Fedorov sur son fusil automatique, il créera le premier « pistolet-mitrailleur » soviétique en 1927 (dont certains détails sont développés dans l’article sur la PPSh-41). Après ses travaux sur les pistolets semi-automatiques, Tokarev reviendra sur son premier sujet : le fusil semi-automatique avec les SVT-38 et SVT-40…mais c’est une autre histoire ! Enfin, le camarade Tokarev, Héros du travail socialiste, sera même le concepteur d’un appareil photo panoramique dans les années 1950 : le « Fotoapparat Tokareva » !

Les concepteurs proposent leurs modèles en 1929, S.A. Korovin et S.A. Prilutsky ayant adapté leurs travaux précédents à la 7,62×25 comme demandé. De son côté, F.V. Tokarev proposera…un pistolet rafaleur ! Dotée d’une lourde culasse non-calée, d’un sélecteur de tir, d’un canon démesurément long…l’arme ne répondait pas vraiment au critère de la compétition. Il présenta donc en suivant, un pistolet semi-automatique à culasse calée de dimension plus raisonnable : ce prototype, après quelques modifications, allait devenir le TT30.  Du 25 Juin au 13 Juillet 1930, les armes vont être testées et comparées à des productions étrangères…comme à l’accoutumé ! L’arme de Tokarev s’avéra être la plus compatible avec les exigences d’une arme de service. Son arme n’était pas la plus précise (c’était celle de Korovin), mais elle était la plus compact et la plus fiable. L’arme de Prilutsky se distingua par sa facilité de démontage. Considérant que l’arme de Tokarev atteignait 75% des exigences, elle fut sélectionnée avec les demandes de modifications suivantes :

  1. La précision devait être améliorée.
  2. Les organes de visée devaient être améliorés.
  3. La sécurité devait être améliorée (la notion de sécurité doit sans doute être prise en compte sous l’aspect global des garanties proposées par l’arme).
  4. Le départ devait être adouci.
  5. Tous les défauts constatés lors des essais doivent être corrigés (voici une phrase bien générique des décisions administratives…).

Si l’on regarde de plus près, 3 des 5 exigences (1,2 et 4) sont destinées à améliorer les probabilités d’atteinte ! On note d’ailleurs un facteur qui sera souvent pris en compte chez les Soviétiques : le départ : bien plus que la précision intrinsèque de l’arme, son amélioration augmente considérablement les probabilités d’atteinte auprès d’une population large et, finalement peu entraînée au tir.

Le 7 janvier 1931, un test de la nouvelle mouture est réalisé devant des officiers de haut rang. Concluant, le 12 Février 1931, une demande est formulée pour commander un premier lot d’arme et le 13 Février, 1000 armes sont commandées. L’arme sera officiellement désignée « 7,62mm Pistolet obr. 1930 » mais fut également dénommée « TT » pour « Tula Tokarev », du nom du concepteur et de la ville située à 200 km au sud de Moscou et accueillant l’usine de production de l’arme (Photos 07 à 09). Un certain nombre de modifications mineures seront réalisées au début de la production, l’arme deviendra le Tula Tokarev 1930/33 puis simplement le Toula Tokarev 1933 ou TT 33.

La modification la plus notable est la méthode de montage de la détente dans la carcasse. Originellement, le dos de la carcasse comporte une ouverture qui permet, après retrait d’une portière, le retrait du ressort de détente et de la détente, non sans avoir préalablement démonté le crochet de chargeur ! Sur le TT 33, un redessin judicieux de la détente, du séparateur et de la carcasse va permettre le démontage de la détente et de son ressort par simple retrait des plaquettes (chose détaillée plus loin) (Photo 10 à 13). Bien évidemment, le collectionneur féru de TT 30 court après la variante où les mortaises du canon ne sont pas réalisées par tournage complet du canon : mais soyons lucide, il ne s’agit que d’une simplification de production « mineure » en terme d’ingéniérie ! De même, l’arme connaîtra des variations de production, en fonction des circonstances (comme pour les plaquettes – Photo 14) mais aussi une modification des stries de préhension de la culasse à partir de 1947 (Photo 15).

Un pistolet « simple »

Le pistolet Tokarev se caractérise avant tout pour sa simplicité : pas de fioritures, un minimum de pièces et un minimum de fonctionnalités. L’arme qui est en simple action, dispose comme unique sûreté, d’un cran de demi-armé qui, en plus de neutraliser l’action du chien, immobilise la culasse. Le TT-33 compte 47 pièces (à un niveau industriel) constituant 35 éléments démontables à l’aide comme seul outillage, d’un marteau et chasse-goupille. Pas de vis. Il ne s’agit pas vraiment d’un tour de force : au début du siècle, beaucoup de pistolets automatiques et de révolvers pouvaient être démontés en grande partie simplement sans ou avec peu d’outillage. Mais ici déjà, on peut ressentir une obsession bien soviétique : l’arme est finalement simple à produire au regard de l’époque. Car oui, souvent, ces armes « simples » n’avaient de simplicité que l’apparence et s’avéraient bien coûteuses à produire. Dans le démontage, l’arme est peine plus simple qu’un 1911 ou qu’un P.08 (le retrait de la platine en un seul bloc étant certes, un vrai plus) : mais dans la fabrication, c’est une autre paire de manches…le 1911 tenant bien évidemment mieux la comparaison que le P.08. Le P.08 est un chef d’œuvre d’armurerie…mais comme souvent avec les allemands avant la fin de année 30, une folie industrielle…

Au niveau mécanique, l’arme trouve bien évidemment des inspirations à l’étranger tout autant que des innovations indigènes : la chose sera récurrente avec les Soviétiques. Il n’est pas question ici d’orgueil national bien placé, mais de produire un outil qui correspond à un besoin. Ce procès est souvent mal mené par les détracteurs des armes soviétiques (souvent par idéologie plus que par analyse mécanique…). Ils pensent mettre en évidence une faible créativité alors qu’ils ne comprennent pas que :

  1. Tous les inventeurs ont eu recours à l’expérience de leurs prédécesseurs et du monde qui les entourent. Face à un besoin, un inventeur qui ne regarde pas ce qui se fait ailleurs fait preuve d’une rare stupidité…
  2. La volonté absolue de s’éloigner d’un système qui fonctionne, pour ré-inventer un système au but similaire, mais potentiellement moins fiable, plus complexe, plus coûteux ne peut relever que deux choses : un orgueil mal placé (donc, de la stupidité), ou un appât du gain lié à une exploitation de brevet. Faites votre choix !

Mais revenons à notre mouton, l’arme tir à culasse calée sur le principe du court recul du canon. Le verrouillage se réalise, à la façon du système inventé par John Mose Browning, par l’abaissement de la partie arrière du canon (Photo 16). Provoqué par une biellette liant la carcasse (via l’axe de l’arrêtoir de culasse) au canon, l’affaissement engendre la séparation du jeu tenon (canon) / mortaise (culasse), et donc le déverrouillage. Les tenons sont au nombre…de 3 ! Oui, il ne faut pas oublier le massif constitué par le tonnerre du canon.

Le système de mise à feu est un modèle de simplicité pour l’époque. Sur la platine elle-même : 8 pièces constitutives (9 à un niveau industriel), axe et ressort compris. En y ajoutant la détente et son ressort de rappel, on arrive à 10 (12 à un niveau industriel – Photo 17). Outre le fait que la platine soit amovible sans outil au démontage de l’arme, elle comporte la particularité d’avoir le ressort de chien habilement positionné…dans la crête du chien ! Ainsi, ce ressort ne pose aucun problème d’encombrement et la platine est d’une rare compacité. Le séparateur, destiné à rompre la liaison entre la détente (par abaissement de celle-ci) et de la gâchette lors du mouvement arrière de la culasse, est mis à profit dans un deuxième rôle. Lorsque le chien est positionné sur son cran de demi-armé, une extension de la gâchette vient se loger sous l’extrémité inférieure du séparateur, empêchant son enfoncement (Photos 18 et 19). Ainsi, le disconnecteur verrouille la culasse. La chose peut paraître problématique pour la manipulation (il faut penser à retirer le cran de demi-armé pour manipuler la culasse) : en réalité, elle permet de mettre l’arme à l’étui sans crainte d’actionner la culasse par frottement. De même, à l’époque, il n’était pas inconcevable de porter l’arme, munition chambrée, chien en demi-armé : la disposition n’est pas moins sécuritaire que de porter un Colt 1911 ou un P.08 chambré, armée et sûreté engagée ! Elle est peut-être même plus sécuritaire, le chien n’étant pas armé…

Le percuteur est de type frappé / appuyé, mais est assujéti à un ressort de rappel, sans doute dans un souci de sécurité. (Les personnes intéressées pour plus de précision sur la différence frappé / lancé et frappé / appuyé peuvent se reporter au chapitre 6 du Petit Guide de l’Armement).

L’arme est approvisionnée par un chargeur simple-pile de 8 cartouches (Photo 20). Dans le but de fiabiliser l’arme, l’alimentation est « contrôlée » (chaptire 6 du…ok, vous avez compris !). Ainsi, lorsqu’une munition quitte les lèvres du chargeur, elle est prise en compte un court moment par la partie avant du corps de la platine qui comporte une lèvre. Quittant cette dernière, alors que le nez de la munition est déjà dans le canon, le culot est pris en compte par le large extracteur dessiné à cet effet (Photo 21). Cette spécificité de voir une partie du guidage de la munition être assurée par la carcasse (ici, par le corps de platine qui est solidaire de la carcasse au moment du tir) est déjà présente sur le Colt 1900. Son but est de minimiser (et non supprimer) le rôle du chargeur en tant que guide…mais ne met en aucun cas l’arme à l’abri en cas de détérioration de celui-ci…d’autant plus que la fiabilité d’un chargeur n’est pas uniquement liée à ses lèvres (Photos 22et 23).

Le jeu extracteur / éjecteur (fixe sur corps de platine) est d’un grand classique, si ce n’est que le ressort d’extracteur surprend par sa faible dimension (Photos 24 et 25) ! Il ne semble pourtant pas poser de problème : et pour cause, le positionnement de l’axe de l’éjecteur, très en avant, lui donne un avantage mécanique considérable par effet de levier ! Enfin, comme évoqué précédemment, l’extracteur prend en compte la munition par glissement à la sortie du chargeur et non par « saut » par-dessus le culot de la munition. Ainsi, il est d’une très grande rigidité sans que cela ne soit autre chose que bénéfique au bon fonctionnement de l’arme.

L’arme est équipée d’un arrêtoir de culasse commandé automatiquement en fin de chargeur, qui fait également office de clef de démontage. Une fois encore, la marotte Soviétique du rôle multiple pour une même pièce a encore frappé : le ressort de rétention de l’arrêtoir fait aussi office de ressort rappel pour cette même pièce (Photo 26).

Le tour du propriétaire est terminé : l’arme est simple !

Au tir

Le Tokarev a été ma première arme de « gros calibre » (le terme est militairement impropre, mais employé sur les stands de tir civils…). Le modèle que m’avaient offert Gilles SIGRO (pour service rendu !) est une production Hongroise,  FEG M48 de 1952. Peu de temps après, un P.08 S/42 (Mauser) de 1938 avait rejoint ma collection. J’ai donc beaucoup tiré avec les deux armes concomitamment. Soyons clair, le P.08 est plus agréable et plus précis qu’un Tokarev, mais beaucoup moins fiable. Le TT 33 a une prise en main particulière : la poignée, de faible dimension, à un angle très droit…fait très « manche à balai » (Broomhandle ! Curieux n’est-ce pas ?) ! Si le départ, direct, n’est pas mauvais, le recul, avec une munition réglementaire ou manufacturée est pour le moins sec, le son plutôt violent et en fonction des munitions…la flamme impressionnante (Photo 27). Sur certains stands de tir, le Tokarev dérangeait même ostensiblement mes voisins qui était dans une démarche plus…académique. Les organes de visés (le cran de mire est en U), bien dessiné, permettent une prise de visée précise plus qu’instinctive (Photo 28). Les résultats en cible sont corrects, mais clairement pas exceptionnels dans nos mains. Nous tirions bien mieux parti de notre Luger, avec lequel au meilleur de notre forme, nous ne quittions pas le 9 de la C50 à 25 m et à bras franc ! À la même époque, avec notre M48, ne pas quitter le visuel constituait déjà une satisfaction considérable !

Est-ce rédhibitoire pour une arme de guerre ? Non, clairement pas. Depuis cette époque, notre pratique du tir a évolué et a pris « de la distance ». Ainsi, nous avons sorti différents TT 33 des 25 m pour les amener à 100 m…et même plus loin ! La cible aussi a changé : ouvert d’esprit, nous travaillons également avec d’autres cibles, dont la SC-2 militaire (silhouette à genoux). Et là, le constat est simple : faire but à 100 m sur une SC-2 avec un TT 33 est tout à fait faisable…l’arme est donc suffisamment précise pour un usage réglementaire généraliste ! Demander à ce type d’arme de faire des 10 et même des 9 dans une cible à 25 m est un non-sens.

Au niveau de la fiabilité, rien à redire : ayant tiré plusieurs Tokarev depuis près de 20 ans, peu (pas ?) d’enrayages et un bris de pièce : le séparateur du FEG M48 m’a quitté voilà quelques années. L’arme a sans doute plusieurs milliers de coups au compteur…et peut-être beaucoup de manipulations, dont certaines peu soignées…

Démontage et entretien

Le TT 33 est un plaisir à démonter. Non seulement pour le démontage sommaire, mais aussi pour le démontage avancé de la platine ! La vidéo vous en convaincra ! Bon, la réalisation de certains plans a demandé plusieurs prises, mais uniquement afin d’être plus présentable : loin de la caméra, on ne se soucie pas placer ses doigts de façon à rendre l’action visible tout en gardant la mise au point ! N’oublions pas ici que je ne suis ni Ernest Hemingway, ni Orson Welles ! Juste un technicien qui partage sa passion.

Pour le démontage sommaire :

  1. Retirer le chargeur…et vérifier qu’il n’y ait aucune munition présente, ni dans le (ou les) chargeur, ni dans l’arme, ni même sur l’espace de travail.
  2. À la main ou à l’aide d’un outil adéquat (une douille peut faire l’affaire…sur le manuel soviétique, la manipulation est réalisée avec le talon du chargeur !), désengager le ressort de l’arrêtoir de culasse.
  3. L’arrêtoir ainsi libéré, un recul très léger de la culasse (pour le décontraindre) permet de le retirer très simplement.
  4. Accompagner l’ensemble culasse / canon vers l’avant, tout en englobant avec une main le ressort récupérateur à mesure que celui-ci apparaît. En effet, à mesure que le ressort sort de l’arme, sur certaines armes, la tige-guide tend à glisser sur le pied du canon et à sauter hors de l’arme…méfiance !
  5. Lorsque l’ensemble culasse / canon est séparé de la carcasse, on retire l’ensemble récupérateur en délogeant la tige-guide du pied du canon, puis en extrayant de l’avant de la culasse.
  6. Faire pivoter le « Bushing » à 180°, et le retirer de la culasse.
  7. Extraire le canon par l’avant de la culasse.
  8. Extraire la platine de la carcasse en la tirant simplement vers le haut.

On ajoute évidemment, dans tous les cas de figure à ce démontage sommaire, le démontage du chargeur :

  1. On refoule la plaque de verrouillage du chargeur à l’aide d’un outil adéquat (lame de tournevis).
  2. Quand la plaque de verrouillage est refoulée, on fait coulisser le talon de chargeur. Dès que possible, on retire la lame de tournevis.
  3. En opposant son pouce à la sortie du chargeur, on retire le talon.
  4. En accompagnant la décompression du ressort de chargeur, on retire, la plaque de verrouillage, le ressort de chargeur et la planchette élévatrice. Faire attention à repérer le sens du montage du ressort de chargeur !

On peut ajouter le démontage de la platine (au programme du manuel d’instruction soviétique !) :

  1. Si nécessaire, positionner le chien à l’abattue en appuyant sur la gâchette. Si le chien est au cran de demi-armé, il est aussi nécessaire de pousser légèrement le chien à l’arrière.
  2. Sans passer le cran de demi-armé, comprimer légèrement le chien et à l’aide d’un chasse-goupille adapté, retirer (normalement sans frapper), l’axe de gâchette / séparateur.
  3. Retirer la gâchette et le séparateur vers le bas.
  4. Retirer l’axe du chien.
  5. Le chien et son ressort peuvent être extraits par le haut de la platine.

Le démontage des plaquettes est d’une grande simplicité :

  1. À l’aide d’un outil adéquat (si possible, en matière synthétique voire en bois), on fait basculer la lame de verrouillage de la plaquette gauche vers l’arrière de l’arme. Cette opération est réalisée à travers l’entrée du puits de chargeur.
  2. Ainsi déverrouillée, la plaquette peut être retirée et donne accès à la lame de verrouillage de la plaque droite.
  3. À l’aide du même outil, faire basculer la lame de verrouillage de la plaquette droite…et la retirer !

Sur le TT 33, le démontage de la détente et de son ressort est dès lors très simple :

  1. On comprime le ressort de détente à la main, ce qui permet de basculer la détente vers le bas.
  2. Pivotant autour du crochet de chargeur, la détente est retirée de la carcasse.
  3. Pivotant autour de son axe (normalement indémontable), le ressort de détente est retiré.

Pour les gourmands, on peut ajouter le démontage du percuteur. Sans devoir être systématique, il n’est pas superflu une fois de temps en temps, histoire de retirer les impuretés, mais aussi parfois les amas de verni et de procéder à sa lubrification. On procède comme suivant :

  1. On repère le sens de démontage de la goupille de percuteur : il s’agit d’une goupille fendue d’un côté et épaulée de l’autre. Il faut donc repérer la fente, pour sortir le côté épaulé.
  2. On positionne le chasse-goupille sur la partie fendue, et on frappe pour extraire la goupille.
  3. Lorsque la goupille est sortie et que le chasse-goupille occupe sa place, positionner le pouce sur le talon du percuteur avant de retirer le chasse-goupille, afin de ne pas éjecter le percuteur et son ressort de rappel.
  4. Le percuteur et son ressort ainsi retirés, on peut les séparer en tractant le ressort tout en lui imprimant un mouvement de rotation dans le sens horaire.

Pour les affamés, on peut ajouter le démontage de l’extracteur. Lui aussi, ne mérite pas d’être systématique, mais n’est pas inutile de temps à autre. On procède comme suivant :

  1. Par l’intérieur de la culasse, avec un chasse-goupille adapté, on chasse l’axe de l’extracteur.
  2. Une fois retiré, on peut sortir l’extracteur de son logement.
  3. Le ressort d’extracteur reste souvent dans son logement : pour l’extraire, une solution consiste à y insérer une épingle.

Pour les morts de soif (de connaissance !), on peut finir par le démontage du crochet de chargeur. Ce démontage est celui qui nous parait le plus superflu, et voir même, contre-productif, car pouvant endommager la rétention du bouton du crochet de chargeur. En effet, il ne permet en aucun cas d’accéder à un espace qui se subtiliserait par sa géométrie au nettoyage ou à la lubrification. Aussi, nous ne l’envisageons qu’en cas de force majeure (oxydation, dommage sur une des pièces…) …où pour les heureux propriétaires d’un pistolet dont la carcasse est de type 1930 ! En effet, comme déjà évoqué, le démontage du crochet de chargeur est nécessaire pour réaliser le démontage de la détente. Sur un 1930 comme sur un 1933, on procède comme suivant :

  1. À l’aide d’un chasse-goupille adapté, on vient frapper l’extrémité droite (fendue, comme l’axe du percuteur) du bouton du crochet de chargeur.
  2. Le bouton et son ressort sortent par le côté gauche.
  3. Le verrou du crochet de chargeur sort du côté droit.

Pour les propriétaires chanceux d’un TT 30 (ou d’un TT 30/33), le démontage de la détente ne peut se réaliser qu’après dépose du verrou de chargeur :

  1. Abaisser le verrou du dosseret de la poignée.
  2. Retirer le dosseret
  3. Retirer la détente par l’arrière de la carcasse.

L’arme est totalement démontée ! (Photos 29 et 30)

Le remontage se fait en sens inverse et ne présente que peu de difficultés. On note cependant :

  • Qu’il convient de bien engager le ressort de la gâchette dans la rainure du corps de platine avant de repositionner son axe.
  • De bien indexer le percuteur avant d’enfoncer sa goupille (l’ouverture est positionnée vers le haut).
  • Bien positionner la goupille de l’extracteur : sur la plupart des TT 33, le sommet de celle-ci est biseauté dans le but d’épouser au mieux le dessus de la culasse.

Le Tokarev est particulièrement aisé à nettoyer : comme pour le MAS 35S et le MAC 50 plus tardif, la possibilité de retirer la platine de façon très simple facilite grandement les opérations. On fera particulièrement attention au nettoyage du canon, la majorité des munitions de surplus étant dotée d’amorces au fulminate de mercure, corrosives. On nettoiera donc abondamment ce dernier…à l’eau savonneuse. Compte tenu de ses faibles dimensions, entre deux assiettes, cela se fait très bien : pas d’excuse ! À l’issue, il sera dûment séché puis lubrifié, dedans comme dehors : souvenez-vous qu’il ne faut pas d’huile dans un canon…mais uniquement au moment du tir ! Pour le stockage, c’est nécessaire.

En conclusion

Outil simple et efficace, le TT-33 ne limitera pas sa carrière à l’URSS et à la Second Guerre mondiale. Produit par divers pays membres du pacte de Varsovie (Pologne, Hongrie, Roumanie), mais aussi par des pays « Frères » (Chine, Corée du Nord, Yougoslavie/Serbie), il est présent depuis sa création sur une majeure partie des conflits du globe, de même que sur les pas de tir civils et malheureusement au sein des organisations criminelles. L’arme n’a rien de plus ou de moins qu’un Glock pour cela : elle est tout simplement disponible et fiable. Nous n’avons pas présenté ici les productions hors URSS de l’arme et pour cause, celles-ci feront l’objet de chapitres à venir !

Arnaud Lamothe

Remerciements :

Gilles Sigro-Peyrousère (Atelier Saint-Étienne) pour m’avoir un jour de 2004, offert mon premier Tokarev, un FEG M48…et par là même le virus des armes soviétiques !

Source :

D.N. Bolotin, “Soviet Small-Arms and Ammunition”.

Pour les manuels réglementaires soviétiques (en Russe – consulté le 18/11/2022):

http://nastavleniya.ru/

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