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PPSh-41, la première arme de production de masse soviétique

L’iconique pistolet-mitrailleur de l’Armée Rouge ne fut pas simplement un outil performant massivement mis à la disposition du soldat soviétique. Il constitua aussi un premier pas posé dans l’ère de la conception d’armes légères destinées à la fabrication de masse en URSS. Une étape importante dans une économie qui sera tournée vers la guerre, non pas pour les quelques années qui allaient suivre le début de la Seconde Guerre mondiale, mais bien dans une lutte mondiale qui allait durer plusieurs décennies.

Les errements sur la plus-value opérationnelle du PM

Au lendemain de la Première Guerre mondiale et de la révolution d’Octobre, la place du pistolet-mitrailleur fut longuement débattue au sein de la toute jeune Armée Rouge. Ici comme dans la plupart des autres nations, le constat que l’arme de poing n’apporte rien de plus qu’une capacité de défense personnelle et que le fusil d’infanterie n’est pas adapté au combat rapproché fût rapidement établi. Cependant, la solution à apporter quant à l’équipement de base du soldat n’a alors rien de simple. Le fusil d’infanterie (encore quasi-exclusivement à répétition manuelle) se taille encore la part belle de l’équipement du fantassin du monde entier. La munition des armes de poing est perçue par beaucoup comme « trop faible » pour un usage militaire. Ici comme ailleurs, les partisans de cette thèse voient l’avenir du pistolet-mitrailleur se limiter aux missions de police.

En URSS aussi, la tentation de la cartouche intermédiaire est déjà présente. Si les armes de Fedorov en 6,5×50 mm SR Arisaka avaient ouvert la voie à la réflexion sur la réduction de calibre, elles n’en restent pas moins plutôt des fusils-mitrailleurs légers et non de vrais fusils d’assaut. L’utilisation d’une munition « non-standard » (comprendre ici, autre que du 7,62x54r, 7,62×38,5 Nagant voire du 7,63 Mauser, les cartouches « usuelles » de l’armée rouge – Photo 04) et une complexité excessive de l’arme mettront fin au développement de ce type d’arme en 1924.

Paradoxalement, c’est la fin de ce développement qui déclencha les travaux sur les premiers PM en Union Soviétique en 1925. Ainsi, le premier PM de conception locale testé cette même année par les Soviétiques est l’œuvre de Fedor Tokarev. L’auteur Russe D.N. Bolotin rapporte à ce titre que F. Tokarev n’envisagea pas la conception d’un PM avant que les travaux de Fedorov soient arrêtés : il semblait évident au concepteur du TT-33 que la solution qui s’imposerait serait celle explorée par le vénérable Fedorov, c’est-à-dire celle d’une arme remplissant le vide entre l’arme de poings et le fusil d’infanterie ! Ce premier PM de Tokarev, en calibre 7,62×38,5 Nagant, relève plus d’une « carabine automatique » que d’un véritable PM. Notons que la munition employée pour cette arme dispose d’une extrémité avant arrondie et non tronconique pour faciliter l’alimentation dans une arme à chargeur (Photo 05). Longuement étudiée (et comparée à des armes étrangères, notamment allemandes) par l’Armée Rouge, elle sera également déclinée en 7,63 Mauser, jugé de par sa puissance, plus apte aux missions militaires. Cette première arme sera suivie par une arme proposée par V.A. Degtyarev (en 1929), S.A. Korovin (en 1930) toutes deux en 7,63 Mauser, bientôt dénommé 7,62×25 Tokarev avec l’adoption du TT-33

L’arme de Degtyarev est très inspirée par la production de son FM DP, récemment adopté. On y trouve des similitudes de construction et même un chargeur circulaire plat par-dessus lequel la visée est prise ! D’un concept plus proche d’un PM que l’arme de Tokarev, elle tire à culasse non calée employant un artifice de démultiplication dont le détail ne nous est pas connu. L’arme de Korovin, encore plus « classique », fonctionne à culasse non-calée « simple », mais a comme originalité (pour un PM de cette période) de disposer d’un système de mise à feu par chien. L’évaluation des 4 armes (celles de Tokarev étant évaluées dans chaque calibre) fut lancée en 1930. Aucune arme n’apportant totalement satisfaction, les concepteurs sont renvoyés à leur planche. Le 11 février 1931, 500 PM Tokarev en calibre 7.62×38.5 seront tout de même commandés pour des essais en corps de troupe. Bien évidemment, la munition sera jugée pas assez puissante pour l’usage envisagé.

De son côté, V.A. Degtyarev repense complètement son arme, en abandonnant les réminiscences du DP-28. Il en résulte une arme au dessin plus conventionnel pour un PM. C’est finalement cette arme qui sera adoptée par l’Armée Rouge sous l’appellation Pulmet Pistolet Degrtyarev 1934 ou PPD-34 (Pistolet Mitrailleur Degtyarev 1934). L’arme ne donna pas entièrement satisfaction et fut modifiée en 1938 pour devenir la PPD-34/38. Ces armes utiliseront un chargeur tambour de 71 coups avec un long « cou », source de nombreux enrayages. Ces armes, qui ne seront pas produites en grand nombre, seront finalement retirées du service juste avant la guerre Russo-Finlandaise (appelée en Russie “La guerre d’hiver”) privant à cette occasion l’Union Soviétique de PM mais aussi du retour d’expérience de l’emploi de telles armes sur le front. Les Finlandais, eux, tirèrent un excellent parti du PM KP-31 Suomi : c’est ce constat qui favorisera le retour en grâce du PM dans l’Armée Rouge. Le 15 Février 1940 – soit un mois avant la fin de la guerre d’hiver – une dernière mouture de l’arme de Degtyarev est adoptée : le PPD-40 (Photo 06). Celui-ci introduit le chargeur tambour sans « cou » similaire à celui employé sur la PPSh-41. L’arme est massivement produite sur sa courte durée de vie (81 118 exemplaires en 1940 et 5868 en 1941) : présentant toujours un certain nombre de problèmes, la production est stoppée au cours de l’année 1941.

Georgiy Semenovich Shpagin

Née en 1897, Georgiy Semenovich Shpagin travailla à Kovrov où officiaient également Fedorov et Degtyarev. Il y participa ainsi au développement de la mitrailleuse lourde DShK-38 (Degtyareva Shpagina Krupnokaliberny) en calibre 12,7×108, encore largement employée de nos jours.

G.S. Shpagin est présenté par l’auteur Russe D.N. Bolotin comme une personne particulièrement concernée par les problématiques de productivité et avant-gardiste en la matière. La simplicité mécanique semblait être au coeur de sa créativité…un trait finalement très commun chez les concepteurs soviétiques qui est sans doute inspiré par la doctrine soviétique ! Le début des années 1940 marquera un tournant dans l’utilisation de la tôle pliée et de la soudure électrique. Ainsi, G. Shpagin sera le premier en URSS à utiliser ces nouvelles technologies pour la fabrication d’une arme légère.

La première mouture du PP de Shpagin date de 1940. Elle possède déjà les attributs qui feront le succès de l’arme : évidemment l’utilisation massive de la tôle pliée et de la soudure pour la fabrication, mais aussi la présence d’un dispositif de bouche combinant frein de bouche / compensateur de relèvement (qui améliore le groupement de l’arme en rafale de 70% par rapport au PPD-40, dixit Bolotin) et une mise en œuvre simple pour le soldat.

Cette même année, l’arme de Shpagin va être confrontée au PPD-40 et à une arme conçue par Boris Shpitalniy. Cette dernière, sans être dénuée de qualité, se révéla moins conforme aux attentes d’une arme de guerre (coût de production, simplicité d’emploi et d’entretien…). Au terme de cette compétition, l’arme de Shpagin est adoptée le 21 Décembre 1940 sous l’appellation Pulmet Pistolet Shpagin 1941 soit PPSh-41…tout juste 6 mois avant l’opération Barbarossa.       Son acronyme – PPSh – est prononcé « Pépésha » en russe, d’une façon très proche à « Papasha », un mot familier signifiant « Papa » de façon plutôt positive dans le contexte. Curieusement, le surnom semble être plus présent dans la littérature occidentale que dans celle des Russes !

Une construction révolutionnaire en URSS

La fabrication de l’arme recourt donc à l’emploi de tôle pliée pour la construction d’une grande partie de ses pièces. Les tôles employées sont sensiblement différentes de celles habituellement rencontrées : elles font entre 2,5 et 3,1 mm d’épaisseur contre, le plus souvent environ 1 mm d’épaisseur sur d’autres productions, notamment plus tardives. La PPSh-41 va également initier une construction qui fera date – car reprise sur les PPS-43 et même les AK – celle du boîtier tôle en forme de « U ». Cette approche est très novatrice en comparaison des autres PM : souvent, ceux-ci recourent à un boîtier cylindrique (MP-18, 34, 38 et 40, KP-31, Beretta M38, STEN…et bien évidemment la PPD-34/38). Le boîtier cylindrique permet de réaliser une bonne partie des pièces en tournage, approche rationnelle avec les moyens de production de l’époque, car plus rapide et plus simple que de multiples opérations de fraisage. Pour la modernisation de la production du MP-38, les Allemands avaient adopté un boîtier en tôle, mais toujours de section cylindrique. Si quelques PM utilisent des boîtiers parallélépipédiques (Thompson dont la partie avant de la culasse est cylindrique ou MAS 1938 dont la culasse est entièrement…cylindrique !), ils sont plutôt rares et leur approche relève bien souvent  – de notre humble avis – d’une immaturité productique…Et que dire du PM Steyr-Solothurne si ce n’est qu’il s’agit d’une arme magnifique…mais d’une folie industrielle ! Sur le PPSh-41, la culasse sera de section parallélépipédique sur sa portion inférieure et légèrement arrondie sur sa partie supérieure (Photo 07). Ce choix est sans doute dicté par une simplicité dans la maitrise de la mise en forme de la tôle, où une forme parallélépipédique est sans doute plus aisée à obtenir avec des tolérances convenables, qu’un boitier de section cylindrique. Du reste, après-guerre, plusieurs PM utilisant la tôle pour leur construction opteront pour le boîtier de section parallélépipédique : MAT 1949, UZI, Madsen M-50, Vz-61, Ingram…

La carcasse de l’arme est fabriquée en deux pièces : un boîtier inférieur et un boîtier supérieur tout deux réalisés en tôle pliée de forte épaisseur. Ils sont articulés autour d’un axe à l’avant, et verrouillés par un crochet actionné par un poussoir à l’arrière. Le boîtier inférieur accueille la culasse, le système de mise à feu, la crosse et le puits de chargeur, dont les spécificités sont très étroitement liées à la PPD-40…et quelque part au KP-31 ! Rendons à Cesar, ce qui est à César !  Le boîtier supérieur accueille le canon et les organes de visée. Sa partie avant se prolonge en grille de protection (poinçonnée de nombreuses ouvertures oblongues destinées au refroidissement) et se termine par un large dispositif de bouche (Photos 08 à 10). Ce dernier, orientant les gaz vers le haut et sur les côtés, officie en tant que frein de bouche et compensateur de relèvement. Le canon, d’un profil simple, est manchonné et goupillé dans le boîtier supérieur (Photo 11).

Le boîtier inférieur attire tout particulièrement l’attention : ses formes complexes témoignent d’une conception réfléchie (Photo 12). Au niveau de la culasse, le boîtier supérieur se contente d’officier comme « couvre-culasse ». Le choix d’une tôle de forte épaisseur est probablement lié à la nature de l’acier, de qualité moindre (quelques signes d’usure en témoignent). Ce qui se gagne ici en économie de matière « précieuse » (les aciers de qualité sont alors prisés pour des fabrications plus « nobles » que de l’armement d’infanterie) se paie en matière de poids. En effet, le PPSh-41 sans chargeur accuse les 3,875 kg à notre balance…plus lourd qu’un AK-47 Type 3 à crosse fixe…3,8 kg, lui aussi sans chargeur…oui, une des deux variantes à boitier forgé / usiné ! Il est nécessaire de se méfier ici des valeurs annoncées par certaines sources…celles-ci sont parfois complétements fantaisistes… Ici, les armes ont été pesées sur la même balance : ainsi, même si celle-ci est mal tarée, le résultat de la comparaison reste valide…la PPSh-41 est plus lourde que l’AK-47 type 3 à crosse fixe.

Le boîtier du mécanisme de mise à feu est également réalisé en tôle (Photo 13). Sur 17 pièces constitutives (de façon un peu abusive, nous comptons ici le corps de platine comme une seule et même pièce, car celle-ci est en réalité faite de plusieurs morceaux de tôle soudée), seules 3 sont usinées : la gâchette, la détente et le séparateur. Il s’agit des pièces soumises à des contraintes mécaniques : choc, frottement. Cela demeure une performance, surtout pour un dispositif qui propose un tir sélectif. De même, le boîtier inférieur n’accueille que deux pièces usinées : l’éjecteur (riveté) et le crochet de chargeur (Photo 14). La raison en est la même, il s’agit des pièces soumises à contraintes.

La culasse est forgée puis usinée. Ses flancs sont évidés pour faciliter sa circulation dans le boîtier de culasse en présence de corps étrangers. Le percuteur, une pièce rapportée, y est emmanché / goupillé. Ceci constitue un plus pour la fabrication et pour la maintenance. Le levier d’armement est une pièce rapportée et soudée (Photo 15).

L’arme dispose d’un amortisseur de culasse (Photo 16). Réalisé dans un matériau fibreux vulcanisé, celui-ci est destiné à éviter une usure prématurée du boîtier inférieur par la brutale mise en butée de la culasse à chaque tir. Surtout qu’on peut noter que la course de culasse est très courte : elle ne dépasse que légèrement le chargeur afin de prendre en compte une munition. Ceci explique une cadence de tir impressionnante (annoncée à 1000 coups par minute par le manuel soviétique, et mesuré à 1086 cpm sur la vidéo disponible en fin d’article). On peut noter que cet amortisseur fût source de problème d’approvisionnement au cours de la guerre

Une arme jeune pour la guerre

Comme évoqué précédemment, l’arme est adoptée seulement 6 mois avant l’opération Barbarossa. Ainsi, à l’entrée en guerre de l’URSS, l’arme n’est clairement pas à « maturation ». Il en va ainsi de la quasi-totalité des armements mis en service : il est toujours nécessaire de faire des ajustements. La PPSh-41 ne fera pas exception : mais ces ajustements se feront dans un contexte particulier celui d’une entrée en guerre pour le moins prématurée. Cette immaturité fera d’ailleurs le lit d’une autre arme : la PPS-43 (dont l’article est disponible ici). Cette immaturité porte, certes, sur des problèmes (mineurs) de fabrication, mais aussi sur une chose qui ne peut être imputée à G.S. Shpagin : le concept général de l’arme. Dans ces dimensions, le PPSh-41 reste une arme d’infanterie « longue » et lourde. Avec 842 mm de long, il est moins de 30 mm plus courts qu’un AK-47…à crosse fixe (Photo 17)! La comparaison dimensionnelle entre les deux armes n’est pas anodine : elle sera au cœur de certaines réflexions en URSS au lendemain de la guerre. Dépourvue de crosse pliante, elle n’est pas adaptée aux besoins des équipages de véhicules.

Cependant, l’arme va être corrigée et améliorée par son concepteur. Au cours de l’année 1942, c’est une mouture plus apte qui est mise en production. La plupart  des modifications ne sont pas directement palpables par l’utilisateur (épaisseur des tôles, dimensions de certaines pièces). En revanche, l’adoption d’une hausse basculante à deux positions en lieu et place de la hausse tangentielle précédemment rencontrée (qui permet un réglage jusqu’à 500 m – Photo 18) sur des fusils d’infanterie témoigne d’une rationalisation du concept d’emploi. De même, le tunnel protège-guidon, amovible sur les productions précoces, sera rapidement soudé afin de ne plus être perdu sur le terrain.

Une diffusion mondiale

L’arme va être rapidement mise en production en Union Soviétique. Dans un premier temps, elle va être produite dans plusieurs usines, recourant notamment à la technique de la sous-traitance. La plupart de ces usines n’étaient pas initialement dédiées à la production d’armement. On compte parmi elles :

  • L’usine automobile ZIS (Завод имени Сталина – Zavod Imeni Stalina) à Moscou, bien connue pour ses camions. Son symbole sera le « Z » cyrilique (З).
  • L’usine Scetmach à Moscou, avec pour symbole le « C » cyrilique, soit un « S » en alphabet latin.
  • L’usine d’emboutissage « Rouge » (Красный штамповщик – Krasny Schtampovshik) à Moscou. Le symbole sera un Ш dans un К stylisé.
  • L’usine Avitek à Kirov, qui comme son nom l’indique était plutôt spécialisée dans la production aéronautique. Son symbole sera le marteau et la faucille dans un cercle lui-même inscrit dans une étoile aux grandes branches inférieures.
  • L’usine de tracteurs de Stalingrad / Volgograd  « F.Dzerzhinskly » où étaient également construit des éléments de T-34. L’usine servait aussi d’atelier de réparation pour ces mêmes chars. Le symbole est constitué des lettre Ф et Д dans un ovale soit « FD », les initiales de F. Dzerzhinskly, héros de la Révolution d’Octobre et de la toute jeune URSS.
  • Le complexe industriel de Kovrov qui regroupe de nombreuses industries, dont l’usine où travaillait G.S Shpagin (avant de partir pour Viatskie Poliany) et d’autres concepteurs soviétiques. Cette usine s’appelle aujourd’hui « Завод имени В. А. Дегтярёва » soit « Usine V.A Degtyarev » ! Le symbole est une flèche avec empennage dans un ovale très étiré verticalement.
  • L’usine d’instrument de précision de Tbilisi (en Géorgie). Le symbole est une étoile à 5 branches dans un cercle aplani et ouvert sur sa portion inférieure.
  • L’usine de train de Tbilisi (en Géorgie). Le symbole est une étoile à 5 branches « bâtons » dans un triangle.

Il est également parfois mentionné dans certaines sources 4 autres usines, toutes localisées à Leningrad:

  • L’usine instrumentale de Voskov (en fait, il s’agit de l’ancien arsenal de Sestroretsk), mais il n’est pas fait mention de la production de PPSh-41 ou de pièces d’après nos recherches…seulement la photo du marquage d’une arme « BB » (VV en russe) dans un article de l’excellent Frank Innamico.
  • L’usine métallurgique de Leningrad (Leningradsky Metallichesky Zavod), ici aussi, aucune trace de production trouvée.
  • L’Usine A. A. Kulakov…aucune trace de l’usine ! Mais les recherches sont compliquées (même en Russe), car Alexandre Kulakov est un joueur de Hockey contemporain…et pas seulement un héros de la Révolution d’Octobre.
  • La coopérative de production (Artel en russe) “Primus”, qui fabriquait initialement des réchauds à pétrole pressurisés.

Peut-être qu’il y a  eu une production éphémère dans ces usines de PPSh-41 ou du moins de pièces de PPSh-41, mais il est à noter que dès 1942, Leningrad est l’épicentre de la création et de l’évolution des PPS-42 et 43…en plus d’être l’objet d’un des sièges les plus violents de la guerre dès le 8 septembre 1941.

Face à l’avancée des Allemands, la plupart de ces usines seront déménagées à un peu moins de 1000 km de à l’est de Moscou, dans le complexe industriel de Viatskie Poliany. Son symbole est une étoile à 5 branches dans un blason. Ce complexe industriel, qui deviendra un des hauts lieux de fabrication en Union Soviétique (où seront produits entre autres choses RPK & Stechkin) et plus connu de nos jours sous le nom de « Molot », le marteau en Russe. G.S. Shpagin y officiera pendant la guerre et cette usine deviendra le principal site de production de la PPSh-41. L’arme sera produite à plus de 5 millions d’exemplaires pendant la guerre. Elle aurait également été produite pendant la Seconde Guerre mondiale en Iran, à l’usine de Mosalsalsasi près de Téhéran. L’arme sera très prisée par les soldats des deux camps et les allemands se livreront même à quelques conversions en 9×19 (l’emploi dans l’armée allemande se fera sous la codification de  MP-717(r))

Après-guerre, l’arme continuera à être produite en Chine (Type 50), en Corée du Nord (Type 49), en Hongrie (48M) et Pologne (Wz.41). Elle connaitra une diffusion mondiale et se retrouvera bien évidement sur quasiment tous les conflits des XXe et XXIe siècle, de Saigon à Kaboul en passant par Tripoli.

Fonctionnement

L’arme tire à culasse non-calée. La mise à feu se fait culasse ouverte, ce qui permet d’interrompre le tir sur une chambre vide, mais aussi de considérablement simplifier le mécanisme de mise à feu (cf. Chapitre 6 du Petit Guide de l’Armement pour ceux qui veulent plus de détail sur ce sujet). Le percuteur est en saillie permanente à l’intérieur de la cuvette de tir. Le mode semi-automatique recourt à un séparateur, comme sur une majeure partie des armes de poing (Photo 19). Mais ici, la séparation est produite sur le mouvement avant de la culasse et non sur le mouvement arrière bien évidement. Ce séparateur est simplement constitué d’un levier qui, au passage de la culasse, repousse le bec mobile de la détente, qui rompt ainsi son contact avec la gâchette. Cette dernière peut alors se relever sous l’action de son ressort. Ainsi, lorsque cette dernière recule lors du tir, elle se retrouve de nouveau accrochée par la détente. Il est alors nécessaire de relâcher le doigt de la détente pour assurer une reconnection de la détente sur la gâchette. Lors du tir automatique, le levier séparateur est simplement débrayé vers l’avant : il n’a ainsi plus d’emprise sur le bec de la détente.

Une mise en œuvre classique

La mise en œuvre de l’arme est plutôt classique pour cette époque. Le levier d’armement est disposé sur le côté droit de l’arme. Il possède un curseur de sécurité qui permet de solidariser la culasse au boîtier supérieur (Photo 20). Ce curseur peut s’employer dans les deux positions de la culasse : à l’arrière (à l’armée) ou à l’avant. L’arme ne dispose pas d’autre dispositif de sûreté. Le sélecteur de tir est situé à l’intérieur de l’arcade de pontet : vers l’arrière, il passe l’arme en mode semi-automatique, vers l’avant, l’arme tire en rafale libre (Photo 21). Le crochet de chargeur, disposé à l’arrière du puits de chargeur, possède un levier articulé qui peut se rabattre vers l’arrière le long de la crosse (Photo 22). Cette disposition – aussi présente sur les SVT-38 et 40 – permet d’effacer cette commande et d’éviter les accrochages intempestifs mais aussi de positionner la main sous le fût sans crainte d’actionner le dit crochet. L’introduction du chargeur se fait droit dans le puits de chargeur. Il s’agit sans doute du point le plus « complexe » : le guidage étant assuré par un rail sur l’arrière du chargeur et non par les parois extérieures, il faut « deviner » le placement de la rainure (Photo 23). La chose n’est pas réellement difficile, mais demande une attention plus poussée que pour la majorité des puits de chargeur .

Les organes de visée sont constitués par un cran de mire en « U » et un guidon sous tunnel (Photo 24). Après une première version disposant d’une hausse tangentielle graduant jusqu’à 50 décamètres (soit 500 m), le cran de mire basculant possèdera deux positions 10 et 20 en décamètre, soit 100 et 200 m. Le guidon possède la particularité des réglables à la fois en hauteur et en direction, un luxe rare pour un PM, mais finalement même pour une arme d’infanterie de cette époque (Photo 25)! On retrouve d’ailleurs le système très soviétique (quelque part déjà présent sur le FM DP) où le guidon est vissé pour obtenir le réglage en hauteur et sa base chassée dans son logement pour obtenir le réglage en direction.

Le garnissage des chargeurs tambours nécessite du soin et du calme : après avoir repoussé le bouton central pour déverrouiller le loquet de fermeture, la plaque avant se retire. On peut alors « remonter », cran par cran, le mécanisme de poussée des cartouches jusqu’en butée. Après avoir tourné le plateau dans le sens « anti-horaire », on peut disposer les munitions sur le plateau, culot vers le bas. Le jeu va alors consister à placer les munitions sans jamais les faire tomber…comme une série de dominos. Lorsque les munitions tombent, il n’y a rien de dramatique, mais il faut tout de même les repositionner avec soin…les gros doigts ne seront pas à la fête (Photos 26 et 27) ! Une fois le chargeur garni, on replace le couvercle avec soin : puis on comprime une fois de plus le bouton du chargeur pour replacer le verrou. Attention, c’est l’action de presser le bouton qui libère le mécanisme de poussée des cartouches : tout déclenchement intempestif du mécanisme avec le doigt à l’intérieur se traduira par « mangeage » de doigts dans les règles de l’art. Il convient notamment de ne pas poser le chargeur sur une surface plane pendant ces opérations, ou tout du moins à veiller de ne pas exercer une pression excessive.

Le garnissage des chargeurs doubles colonnes à alimentation unique se fait de façon « classique » pour ce type de chargeur : on pousse la munition présente dans le chargeur (ou la planchette élévatrice) avec la munition à introduire, puis on la fait glisser vers l’arrière (Photo 28). On notera que la courbure du chargeur facilite les opérations de garnissage en comparaison des chargeurs droit d’une STEN, d’une MP-40 ou d’une MAT-49. Ainsi, on arrive à garnir le chargeur à sa capacité maximale (35 cps) sans l’aide d’une chargette. Des chargettes sont cependant bien existantes (Photo 29). Celle à notre disposition se glisse sur le retour de tôle présent sur chaque côté du chargeur et originellement destiné à obturer le puits de chargeur habituellement rempli par le chargeur tambour. Le but de cette disposition est d’éviter l’introduction de corps étrangers dans l’arme qui pourraient générer des enrayages.

Profitons-en pour évoquer ici que si le chargeur tambour de 71 coups a acquis un statut légendaire, il est cependant moins pratique que le chargeur courbe de 35 coups. Ce chargeur tambour comporte, certes deux avantages :

  • Une grande capacité de tir immédiatement disponible
  • Une garde au sol réduite, toujours un plus pour le tir en position allongée.

Mais il a également plusieurs inconvénients :

  • Laborieux à garnir sur le terrain (toujours penser les choses avec les mains mouillées, dans le froid et dans le chaos d’une zone de guerre).
  • Plus complexe, donc moins fiable et plus coûteux à produire.
  • Encombrant pour le transport : la compacité en hauteur a évidemment pour conséquence une augmentation de la largeur.
  • Lourd (sans les munitions): 1,029 kg, contre 0,340 kg pour un chargeur courbe lisse (tôle épaisse) de 35 cps et 0,249 kg pour un chargeur courbe rainuré de 35 cps. Ce qui donne un ratio de 14,49 g de chargeur par cartouche pour le 71 coups, contre 9,71 g pour les chargeurs courbes lisse et 7,11 g pour le chargeur courbe rainuré. Soit un poids double que le chargeur le plus léger !
  • Comme déjà évoqué, il nécessite un puits de chargeur spécifique, ouvert sur les côtés, finalement moins pratique à l’usage.
  • Enfin, il tend à pousser à la consommation excessive de cartouches, bien que ce dernier point soit à reprocher au manque de discernement de l’utilisateur et non au chargeur…mais cela reste une conséquence de sa capacité !

Ainsi, il n’est pas surprenant que les Soviétiques aient introduit dès 1942 un chargeur plus «conventionnel », courbe à double colonne et alimentation unique. Ils vont même abandonner le chargeur tambour avec la PPS-43 qui utilisera un chargeur courbe mieux dessiné…mais pas forcément plus solide selon certains retours. Attention à ne pas confondre ici solidité et fiabilité (Photos 30 et 31) !

Démontage

Comme d’habitude, on procède à la mise en sécurité de l’arme. Dans le cas présent, on retire le chargeur, on positionne la culasse à l’armée, on inspecte la vacuité du puits de chargeur et de la chambre, puis en choisissant une direction « sûre » (i.e. capable d’absorber une décharge accidentelle en minimisant les risques), on renvoie la culasse vers l’avant. On pousse ensuite le curseur de démontage vers l’avant et on fait pivoter le boîtier supérieur…comme sur d’autres productions plus contemporaines ! Ainsi ouverte, l’arme présente la culasse, son ressort récupérateur et l’amortisseur. Pour retirer l’ensemble, on recule légèrement la culasse, puis on fait pivoter l’ensemble vers le haut (Photo 32). La culasse, l’ensemble récupérateur et l’amortisseur peuvent ensuite être séparés.

On ajoute à cela le démontage des chargeurs. Le chargeur tambour se démonte pour l’entretien comme pour le garnissage. Le chargeur courbe se démonte d’une façon très conventionnelle : on refoule le verrou du talon de chargeur vers l’intérieur et on fait glisser le talon de chargeur vers l’avant.

À ce stade, l’arme est démontée à un niveau suffisant pour un entretien « courant ». Pour aller plus loin, il sera aisément possible de déposer la platine et la crosse (une vis présente à la queue du boîtier inférieur) et de déposer l’extracteur de la culasse. Pour l’extracteur, à l’aide d’un outil adéquat, il convient simplement de soulever la partie avant du ressort d’extracteur, puis de le chasser vers l’avant. Une fois la lame-ressort retirée, l’extracteur qui travaille en cisaillement (technique qu’on retrouve sur des fusils de précision « haut de gamme », donc ça doit être de haute technologie… « enfin, j’me comprend »…), sort de sa glissière (visible sur les Photo 07 et 15).

On peut enfin, déposer le canon : pour ce faire, il suffit de retirer l’axe de bascule des boîtiers. Comme évoqué précédemment, l’arme a connu des modifications (de fait, des simplifications) au cours de sa production. Ainsi, sur les deux exemplaires à notre disposition, l’axe de bascule de la carcasse fait partie des différences constatées (Photos 33 à 35) :

  • Sur l’exemplaire daté de 1942, il s’agit d’un axe creux sécurisé par un « contre-axe » expansif. Ici, il convient donc de chasser le contre-axe en premier, puis, par l’autre sens, chasser l’axe creux.
  • Sur l’exemplaire daté de 1945 ; il s’agit d’un axe plein doté d’une rainure en son milieu. Cette rainure permet de sécuriser l’axe au moyen d’un ressort cylindrique inséré dans un trou du boîtier supérieur (visible sur la Photo 08). Dans ce cas, il convient simplement de chasser l’axe plein en outrepassant la rétention procurée par le ressort.

Il semblerait que l’axe « plein » ait en réalité fait un « aller-retour » dans la production : utilisé sur les productions très précoces, il ne fût abandonné que temporairement avant de refaire surface en fin de conflit.

Une fois l’axe déposé, on se retrouve avec le boîtier supérieur qui contient le canon et le boîtier inférieur. Le retrait du canon se fait par l’arrière du boîtier supérieur : il peut être nécessaire de le « décoller » de son logement en tapant sur la bouche à l’aide d’un outil adéquat (c’est-à-dire, dans un matériau qui ne risque pas d’endommager la bouche du canon).

Il n’est pas judicieux d’aller plus loin dans le démontage pour un entretien courant : la plupart des axes sont arrêtés par un coup de pointeau. Par ailleurs, l’accessibilité pour le nettoyage est plutôt bonne, pour ne pas dire excellente si on a démonté toutes les pièces énoncées précédemment. De plus, toutes ces opérations ne sont pas d’une grande complexité.

Enfin, l’arme dispose dans sa plaque de couche d’une trappe permettant de contenir une partie du nécessaire de nettoyage, et en l’occurrence, la baguette (en deux parties), le tournevis et l’écouvillon. La présence d’une baguette solide sur l’arme est toujours un plus pour ce type d’arme : en cas de collage d’étui dans la chambre (avec déchirement de l’étui par l’extracteur), la baguette est indispensable pour retirer l’étui de la chambre…et remettre l’arme en service (Photo 36 à 38).

Tir

Au tir, la prise en main est déconcertante : on ne sait littéralement pas quoi faire de sa main faible ! Sur le chargeur ? Sur la grille du canon ? Sur la partie avant du fût en arrière du chargeur ? Le chargeur a tendance à s’imposer comme une poignée de fortune bien que le fût soit présenté comme une prise fréquente dans le manuel réglementaire. C’est d’autant plus vrai avec un chargeur 35 cps. Mais la solution n’est que passablement satisfaisante. Il est curieux de voir que les armes soviétiques du début de la Seconde Guerre mondiale ont parfois (souvent ?) une prise en main particulière : la DP, la PPSh-41 et même le TT-33, dont certains reprochent l’étroitesse et la pente de la poignée ! On ne peut sans doute pas être bon partout…

La crosse, les organes de visées et le départ sont confortables. On sent bien qu’on va aisément faire but…et c’est le cas ! En coup par coup, les buts à 100 m sur SC2 s’enchainent avec une facilité déconcertante. En rafale, la bête est plus ingrate : la cadence de tir très (trop) élevée combinée avec une prise en main hasardeuse tend à rendre l’opération plus délicate que sur les armes de la concurrence. Cependant, restons lucide, c’est un PM en 7,62×25, pas un « Battle Rifle » en 7,62×51. La rafale reste largement maitrisable.

Sur notre exemplaire en état de tir, tous les incidents de « non-feu » rencontrés son liés à notre chargeur tambour, qui tend à produire des « piqué bas ». Nous précisons de « non-feu » car nous avons également eu de nombreux départs en rafale en mode semi-automatique. La cause provient d’un ajustage hasardeux des pièces de cet exemplaire : la culasse tend à passer légèrement « au-dessus » du point de déclenchement du séparateur. Gardons-nous bien de prononcer un jugement sur l’examen d’un exemplaire unique 67 ans après sa production ! Soulignons ici le plaisir qu’il y a d’utiliser un PM de cette période où il est possible de régler les organes de visée, ce qui évite les contre-visées habituelles, toujours pénibles et sans aucun doute problématiques en situation opérationnelle.

Conclusion

Très appréciée par les soldats de deux camps, la « PaPaSha » fait partie des armes légendaires. Si elle ne démérite pas d’un point de vue technique, ne perdons de vue que les circonstances ont largement contribué à sa renommée. Si dans le panel des pistolets-mitrailleurs de la Seconde Guerre mondiale, elle possède une certaine « normalité », elle se révèle en fait en retard pour son ergonomie générale (trop longue, trop lourde) et précoce pour ses méthodes de fabrication. Pour ma part, je jetterai mon dévolu sur la PPS-43, dont l’article est disponible ici.

Arnaud  Lamothe

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Source :

D.N. Bolotin, “Soviet Small-Arms and Ammunition”.

Article de Frank Innamico sur la PPSh-41 (consulté le 07/07/2022):

https://sadefensejournal.com/the-soviet-ppsh-41/

Post d’un forum Russe sur l’usine d’emboutissage « Rouge », à Moscou (consulté le 07/07/2022):

https://podstakanoff.net/forum/viewtopic.php?t=264

Pour les manuels réglementaires soviétiques (en Russe – consulté le 07/07/2022):

http://nastavleniya.ru/

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    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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