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3 - Le pistolet Polonais Sportowy : un Tokarev en .22 LR

Depuis le démantèlement de l’Union Soviétique, les tireurs et collectionneurs ont enfin vu arriver sur le marché des modèles d’armes emblématiques de cette période précédemment difficilement accessibles. Les revolvers Nagant, les pistolets Tokarev et Makarov sont rapidement apparus sur de très nombreux râteliers. Les armes longues ont également rapidement été importées, des SVD aux différentes AK et passant par l’incontournable Mosin-Nagant, ainsi que certaines versions d’entrainement en .22 LR très intéressantes et qui sont fréquemment visibles sur les pas de tir.

Une variante polonaise

Dans ce vaste choix les pistolets TT 33 ont eu un réel succès : l’arme est peu onéreuse à l’acquisition et souvent en excellent état. Sa munition, la performante 7,62×25, fut longtemps confidentielle pour les tireurs sportifs. Elle est désormais diffusée et disponible de manière régulière. Nous ne reviendrons pas en détail sur le pistolet TT-33, présenté ici sur ce même site. Mais l’occasion nous est donnée de nous remémorer ici les premiers articles des années 1970 qui étaient encore empreints d’un parfum de mystère et de guerre froide ! Souvent regardé et jugé comme un pistolet au mieux basique au pire bâclé, le Tula Tokarev 1933 (TT 33) est pourtant riche de bon sens et correspond à sa vocation première, un usage militaire de défense. En effet à l’instar des autres productions Russes ou Soviétiques ce pistolet se veut fiable, robuste, simple à utiliser, à entretenir et économique à produire. Avec le revolver Nagant modèle 1895, le TT 33 sera l’arme de poing de l’Armée Rouge durant la Seconde Guerre mondiale. Réglementaire, remplacé dans l’Armée Rouge à partir de 1951 par le pistolet Makarov en 9×18 mm, il restera communément utilisé dans les pays sous influence Soviétique et, est encore fréquemment rencontré en Afrique, au Moyen Orient et en Europe de l’Est. La production (avec parfois certaines variantes ou évolutions) du TT 33 a été réalisée en URSS, mais également en Chine Populaire, en Pologne, en ex-Yougoslavie, en Hongrie, etc.

Outre les variantes liées aux périodes et pays fabricants, certaines productions présentent des modifications non négligeables : c’est le cas de la version présentée dans le cadre de cet article. Il s’agit d’une version d’origine polonaise du TT 33 conçue pour le tir de la munition de .22 LR. Fabriquée par l’usine de Radom, sa dénomination est « Sportowy », ce que l’on peut traduire par « Sportif ». Les Soviétiques avaient eux-mêmes développé deux modèles de TT 33 adaptés à la munition de .22 LR, avec le « TT R3 », au profil militaire, et le « TT R4 », destiné à un usage sportif. Loin d’être une modification destinée au marché civil, ce « Sportowy » eut une réelle vocation réglementaire en Pologne : il était destiné à l’initiation et à l’entrainement des militaires et corps paramilitaires. Conjointement à cette adaptation du TT 33 réglementaire, la Pologne a produit des munitions de .22 LR sous la marque Nitron, celles-ci ayant même été exportées en Europe de l’ouest.

Des spécifications proches de l’arme de service

La vocation de l’arme est évidente dès sa prise en main : proposer une version d’entrainement le plus proche possible de l’arme réglementaire. À l’exception du canon à peine plus long, les dimensions sont identiques et le poids très similaire. (Photos 01 à 04). La mise en œuvre est, elle aussi identique.

On retrouve donc notre pistolet semi-automatique doté d’un système de mise à feu simple action et d’un chargeur de 8 coups. Comme son grand frère (oui, le Tokarev est un garçon…), il dispose comme seul et unique sûreté d’un cran de demi-armée, qui en plus de maintenir le chien éloigné du talon de percuteur, bloque la culasse en position de fermeture. Ainsi, lorsqu’il est engagé, il est nécessaire d’armer le chien pour pouvoir à nouveau manipuler la culasse. Le bouton de déverrouillage du chargeur est, lui aussi, identique : positionné sur le flanc gauche de la poignée. Les organes de visée sont conformes : un cran de mire en « U » associé à un guidon. L’utilisateur du TT 33 ne sera pas dépaysé…ou plutôt, l’utilisateur du Sportowy ne sera pas dépaysé en passant sur le TT 33 ! Et c’est bien le but…

Les différences sont bien évidemment toutes liées au changement de calibre. Au cœur de ces différences, il y a un choix technique : celui d’utiliser des adaptateurs, qui font office de chambre flottante (Photos 05 à 07). Ainsi, l’arme ne tire plus « à culasse calée par court recul du canon » comme le TT 33, mais « à culasse non calée et impulsion renforcée par chambre flottante ». Si le principe de culasse non calée est généralement bien connu de nos lecteurs (sinon, vous pouvez consulter le chapitre 6 du Petit Guide de l’Armement disponible sur ce site), celui de la « chambre flottante » nécessite probablement quelques explications.

Dans une arme à chambre flottante, la douille de la munition n’est pas en contact direct avec le canon de l’arme, mais dans un manchon (la chambre flottante) qui peut se mouvoir dans la chambre canon elle-même. Souvent, cette chambre flottante n’est pas en contact avec le canon sur son extrémité avant : ainsi, lors du tir, une partie des gaz s’engouffre dans cette ouverture, et pousse la chambre flottante vers l’arrière renforçant son recul. C’est le cas ici (Photo 08). L’impulsion transmise à la culasse est ainsi amplifiée, d’autant plus que la douille ne se dilate pas contre le canon…mais contre la chambre flottante qui recule ! Ce principe est employé avec des munitions de faible puissance (comme le .22 LR) qui doivent pousser une culasse « massive ». Outre notre « Sportowy », une arme illustre parfaitement la chose : le Colt Combat ACE…qui est un Colt 1911 adapté à la cartouche de .22 LR ! Et ce vraisemblablement dès 1931… La différence majeure entre les deux armes sur l’emploi du système de « chambre flottante » est le fait que celle du Colt ACE reste captive de l’arme : après avoir transmis l’impulsion à la culasse, elle reste en butée dans le canon. Celle du Sportowy est éjectée en même temps que la douille ! Il faut donc autant de chambres (que nous appèlerons ici « adaptateurs ») que de coup tiré…mais, finalement 8, pour la contenance d’un magasin. On note ici que les TT R3 et R4 Russes utilisent également un système de chambre flottante dont le détail technique ne nous est pas connue …mais que nous devinons être similaire !

La forme des adaptateurs rappelle fortement celle de la munition d’origine. Cependant, certaines côtes présentent néanmoins des différences notables (1 mm dans ce domaine, ça fait déjà beaucoup !). La partie avant est plus longue et ne permet pas l’utilisation de ces adaptateurs dans un canon classique, car n’autorisant pas la fermeture de la culasse (Photo 09). À l’inverse il est possible d’insérer une munition de 7,62×25 mm dans la chambre du canon en .22 LR (Photo 10). Ce point doit être souligné pour d’évidentes raisons de sécurité, bien que la différence de positionnement du percuteur par rapport à la cuvette de tir (détaillé plus loin) entre la version en percussion centrale (7,62×25) et percussion annulaire (.22 LR) protège le tireur étourdi, essai (à l’aide d’une douille amorcée) à l’appui (Photo 11 et vidéo en fin d’article). Les adaptateurs à notre disposition ont été tournés en acier inoxydable (austénitique, donc amagnétique). Il est parfois annoncé que certains adaptateurs ont été réalisés en laiton : si de tels adaptateurs existent, il nous paraît peu vraisemblable qu’ils soient d’origine réglementaire. Pour cet usage, le laiton ne présente pas de caractéristique mécanique qui permettrait une réutilisation pérenne, risquant des déformations à chaque utilisation… De même, l’utilisation parfois évoquée de l’aluminium, pour ces adaptateurs, nous paraît peu probable…du moins d’un point de vue réglementaire ! En matière de bricolage, tout est possible…avec plus au moins de succès.

Outre la fonction de chambre flottante, le choix d’utiliser des adaptateurs présente quelques autres avantages :

  • Les adaptateurs présentant le même culot que la munition réglementaire, l’arme peut conserver la « même » cuvette de tir (nous verrons qu’elle présente tout de même une différence) et surtout, le même couple extracteur / éjecteur.
  • L’arme utilise les mêmes chargeurs que l’arme en 7,62×25.
  • Ceci induit que les manipulations sont identiques, à l’introduction des cartouches de .22 LR dans les adaptateurs près.

L’intérêt est réel d’un point de vue productique et logistique, car beaucoup de pièces seront interchangeables ou facilement adaptables entre les deux armes, contrairement à l’utilisation d’une chambre flottante captive du canon, qui nécessite de redimensionner de nombreuses pièces : cuvette de tir, extracteur, éjecteur, chargeur…

Cette disposition de chambre flottante est couplée à un autre dispositif vraisemblablement destiné à renforcer le recul de la culasse : le canon n’est pas fixe, mais recule de plus de 5 mm (Photo 12). Cette disposition, qui n’est ni le fruit du hasard, ni un défaut d’ajustage (5 mm…c’est considérable !), permet de transmettre une partie du recul du canon à la culasse…amplifiant encore – du moins en théorie – l’impulsion de réarmement. Nous ajoutons « du moins en théorie », car cette dernière disposition nous paraît superfétatoire : la chambre flottante prend vraisemblablement le dessus en matière de recul lors de la mise à feu. Nous ne cachons pas que cette disposition nous interroge : elle est peut-être uniquement là pour faciliter l’alimentation des adaptateurs entre le chargeur et le canon…mais à la manipulation, la chose ne parait pas nécessaire et la disposition peu fiable dans ce rôle, car rien ne contraint le canon vers l’arrière lors du mouvement avant de la culasse…bref.

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