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STG 44 & FG 42 : origines et héritages

Quand on regarde l’histoire de l’armement petit calibre individuel, le principal héritage de la Première Guerre mondiale est indubitable l’émergence du « pistolet-mitrailleur ». Si son apparition est notable, son intégration dans les forces armées se fera finalement timidement. De fait, elle se fait en marge de l’emploi plus déterminant d’armements collectifs : l’intensification et la rationalisation de la mitrailleuse, et l’aboutissement du concept de fusil-mitrailleur. Ainsi, le pistolet-mitrailleur ne sera finalement adopté de façon massive par les belligérants de la Seconde Guerre mondiale que peu de temps avant le déclenchement de celle-ci…voire pendant la guerre pour certains d’entre-eux ! Concernant la Seconde Guerre mondiale, l’armement individuel a été fortement marqué par deux armes, toutes deux Allemandes : le « FallschirmjägerGewehr 1942 » et, ce qui deviendra in fine le « Sturmgewehr 1944 ».

(Pour les lecteurs Francophones, vous pouvez retrouver le podcast réalisé autour de ce sujet sur la chaîne YouTube “Le Feu aux Poudres”. La seconde partie sera diffuser à partir du Lundi 12 Février 2024. Bon visionnage!).

Les origines conceptuelles : une similitude et beaucoup de différences

Les origines des FG 42 et de la famille d’arme du STG 44 ont un point commun : c’est le besoin auquel elles répondent. En effet, les deux sont des armes individuelles automatiques à mode de tir sélectif. Et dans les deux cas, la destination principale de l’arme est bien le tir semi-automatique pour un tir ajusté. Dans les deux cas, l’idée est donc bien d’augmenter la « puissance de feu » à l’échelle individuelle à une époque où le fusil à répétition manuelle (ou plus rarement, semi-automatique) constitue l’armement de base du fantassin.

Il faut ici définir la notion de puissance de feu, ou à minima, proposer une « vision » de la chose. Comme évoqué dans l’article « Quelques réflexions sur le tir en rafales » : de notre point de vue, la puissance de feu, c’est la capacité d’atteindre des cibles (d’un type déterminé) avec une capacité destructive de façon répétitive et rapide. Donc, quand on augmente la « puissance de feu », on augmente tout ceci par des choix adaptés et on gagne en efficacité (et notamment au regard du nombre de munitions consommées). Il faut à notre sens la distinguer de la notion de « volume de feu ». Cette dernière consiste à saturer par le tir les zones de combat de son choix sans se soucier de l’aspect « efficacité » en matière de bilan, mais uniquement pour envisager les ouvertures tactiques que cela permet. Bien évidemment, ces deux notions ont des implications logistiques et pratiques très différentes. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le livre de Hand-Dieter Handirch « Sturmgewehr ! » aux éditions « Collector Grade Publications » est sous-titré « From Fire-power to striking power », ce qui induit ici aussi une réflexion dans ce domaine. Enfin, nous avons fait le choix ici de préciser « par des choix adaptés », car ces choix doivent englober l’ensemble des implications sur le dispositif militaire, logistique de tout niveau (de sa fabrication jusqu’à sa distribution) incluse. Exemple notable dans le sujet qui nous intéresse ici, la puissance du calibre et de la munition employée doit être « la bonne » : ni trop, ni trop peu, juste ce qu’il faut pour détruire une cible d’un type déterminé aux distances envisagées, sans impliquer des considérations logistiques déraisonnable.

Il est par contre évident que passé ce besoin originel commun, les deux armes sont finalement très différentes. Parmi ces différences, on peut soulever ici de façon liminaire la problématique des publics initialement visés par chaque arme : ils ne sont pas les mêmes. Outre la vocation aéroportée des Fallschirmjäger (parachutistes Allemands sous le commandement de la Luftwaffe, l’armée de l’Air), on peut noter ici qu’elles sont assimilées à ce que d’aucuns appelleraient des troupes « d’élite ». Nous n’aimons pas ce terme « d’élite », on lui préfèrera celui de « spécialisées » : elles ont un travail différent. Moins nombreuses que les unités d’infanterie « ordinaires », elles bénéficient d’une sélection et d’un entrainement différent, que l’on peut considérer comme objectivement plus exigeant. Notons que les unités parachutistes Allemandes avaient alors une spécificité par rapport à beaucoup d’autres armées : celle de sauter directement sur les positions de l’adversaire, et non à distance de celles-ci. Cette spécificité exigeait donc de sauter « en armes », avec de l’armement prompt à une riposte conséquente, sans devoir « récupérer » les habituels conteneurs qui véhiculaient l’armement « lourd » (dont le K98k faisait partie) sur la zone de saut. Ainsi, lors de l’opération « Merkur », les Fallschirmjägers avaient sauté avec comme unique armement immédiatement à disposition des pistolets et pistolets-mitrailleurs en 9×19 mm. De son côté, la famille du STG 44 a été pensé comme une arme destinée à des troupes d’infanterie plus « ordinaires ».

Cette première différence est palpable sur les armes mêmes : elles ont de toute évidence été développées à partir d’une réflexion assez différente :

  • Le FG 42 conçu par Louis Stange (et produit par la firme Kriegoff), est un fusil-mitrailleur transformé en arme individuelle, notamment par son allégement et l’optimisation des résultats en coup par coup par le tir à culasse fermée. En effet, le FG 42 tire à culasse fermée en coup par coup, et à culasse ouverte en tir par rafale (la différence est exposée au chapitre 6 de notre livre « Petit Guide de l’Armement » consultable sur notre site et en lien ici).
  • Les armes de la famille du STG 44 conçues par Hugo Schmeisser (et produites par la firme Haenel), et surtout les pré-séries MKb42(H), se situent entre le pistolet-mitrailleur et le fusil-mitrailleur. Si au début de leurs conceptions, les armes de cette famille ont été présentées aux autorités Allemandes comme un PM, voire comme une PM « alourdi » (Schewer- MaschinePistol ou SMP) puis comme « MaschinenKarabiner », ceci relève assez clairement à notre sens d’un « tâtonnement conceptuel ». Créant une nouvelle catégorie d’armes avec une nouvelle catégorie de calibre, tout était à penser. Ce tâtonnement nous semble donc assez naturel. Par la suite, le retour de l’appellation « MaschinenPistol » est uniquement destiné à continuer son développement face à des responsables hostiles au remplacement du 7,92×57 mm IS dans l’arme d’infanterie par une munition moins puissante. Ici aussi, la problématique du tir à culasse ouverte (favorisant le tir en rafale) ou fermée (favorisant le tir en coup par coup) a conduit l’arme à plusieurs versions : d’abord tirant en culasse ouverte dans les deux modes de tir, l’arme définitivement adoptée tirera uniquement à culasse fermée.

Immédiatement après cette première considération, on note que les deux armes font un choix de calibres très différents (Photo 05) :

  • Le 7,92×57 mm IS, le calibre « standard » du fusil d’infanterie (alors le K98k) pour le FG 42 : ce choix est à priori un mélange d’à minima deux motivations. La première est vraisemblablement le retour d’expérience, voire même du « traumatisme », de l’opération « Merkur » en Crête. Si cette bataille s’est soldée par une victoire Allemande, les Fallschirmjäger avaient subi de nombreuses pertes et avaient été mis en difficulté par le feu nourri des soldats de l’empire Britannique à longue distance, notamment par leur FM BREN. La seconde motivation fût constituée par l’obstination de certaines dignitaires du régime Nazi à vouloir conserver le 7,92×57 mm IS en calibre de dotation principale. De façon plutôt consensuelle dans la littérature spécialisée, Hitler lui-même aurait tranché pendant longtemps dans cette direction. On peut également se demander si une certaine analyse des conséquences logistiques (difficile à juger objectivement plus de 80 ans plus tard…) de l’introduction d’un calibre supplémentaire dans l’arsenal Allemand n’a pas constitué un frein qui pouvait paraître plus que légitime. Bien que la 7,92×33 mm était plus économique à produire, la 7,92×57 mm IS ne présentait pas que des défauts. En service depuis plusieurs décennies, l’industrie Allemande s’en accommodait fort bien et elle resterait de toute façon nécessaire pour alimenter les armes collectives, embarquées et les fusils de tireur d’élite. Introduire un nouveau calibre, c’est toujours une prise de risque. Le faire pendant une guerre, où les chaînes logistiques sont capitales et déjà sous tension, c’est évidemment encore plus risqué. D’ailleurs, les Soviétiques ne se risqueront à la mise en service du 7,62×39 mm, dont les études ont commencé en 1943, que quelques années après la guerre. Notons ici pour ne pas ouvrir la voie à des raccourcis un peu hâtifs (jeunes Hobbits !) que la réflexion sur la réduction de puissance de la munition d’infanterie en Russie Impériale / URSS a débuté avant la Première Guerre mondiale. De nombreux travaux dans ce domaine ont eu lieu avant ceux lancés en 1943 et qui se finaliseront par l’adoption de la 7,62×39 mm en 1945. Nous y reviendrons ultérieurement dans cet article.
  • Le 7,92×33 mm « Kurzpatrone » (cartouche courte) pour ce qui deviendra le STG 44. Ici, le développement de ce nouveau calibre s’est basé sur la réflexion de la « puissance utile » dans le combat jusqu’à 600 m (distances « maximales » évaluées par les Allemands et les Soviétiques pour déterminer l’efficacité balistique de leurs calibres intermédiaires). La réflexion de base étant bien : le 9×19 mm est indubitablement insuffisant et le 7,92×57 mm IS est objectivement « trop puissant » pour de nombreuses raisons. Parmi ces raisons, l’adoption d’un calibre moins puissant permet au concepteur d’arme de réaliser des armes plus économes d’un point de vue « productique » (le terme est légèrement anachronique, mais illustre bien le propos des problématiques de production) à un moment où les difficultés en approvisionnement d’acier de qualité sont réelles. Là, on est dans le pragmatisme pur et dur, celui du constat. On peut noter ici que la « distance exacte » du domaine d’emploi des calibres intermédiaires peut se discuter, mais jusqu’à 300, 450 m et voire même 600 pour aller au plus loin (à notre sens, trop loin), on parle globalement de la même chose.

Le calibre 7,92×33 mm est l’aspect conceptuel le plus intéressent de la famille STG 44. Il est indubitablement novateur dans le sens où c’est le premier calibre intermédiaire effectivement adopté par une armée.

Un calibre intermédiaire peut se définir comme étant un calibre dont les caractéristiques de ses balistiques externes et terminales se situe entre les calibres usuellement dévolus aux armes de poing (et utilisé de façon incidente, car logistiquement disponible, par les pistolets-mitrailleurs) et les calibres de fusils d’infanterie qu’on pourrait qualifier « d’ordinaires ». Ordinaires car utilisé par la majorité des nations industrialisées avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Ces calibres sont alors employés à la fois dans leurs fusils d’infanterie, leurs mitrailleuses et leurs fusils-mitrailleurs. Par rapport aux calibres « ordinaires », les calibres intermédiaires offrent plusieurs avantages :

  • D’un point de vue industriel, les munitions sont moins couteuses à fabriquer car plus économes en matières premières.
  • D’un point de vue logistique, elles sont plus légères. Ceci va impacter la chaîne logistique à tous les niveaux : du train aux soldats, à masse égale, on emporte un nombre coups supérieur. Dans le cas des 7,92×57 mm et 7,92×33 mm, la Kurtzpatrone est environ 30% plus légère. Ce bénéfice logistique entraine un bénéfice tactique évident, et qui n’est pas des moindres : les soldats auront plus de coups à tirer au combat à masse égale.
  • D’un point de vue « armurier », l’utilisation de munitions moins puissantes permet la conception d’armes moins gourmandes en matières premières, car nécessitant des mécanismes moins robustes, y compris avec des armes semi-automatiques et automatiques. Cet avantage en induit un autre : à caractéristiques équivalentes, ces armes sont nécessairement plus légères que des armes en calibres supérieurs. Un véritable plus pour le soldat qui passe le plus clair de son temps à porter son fusil et non à tirer avec.
  • D’un point de vue tactique, outre l’avantage logistique déjà présenté, les armes produisent un recul très inférieur aux armes en calibres « ordinaires ». Ainsi, elles sont plus aisément maitrisables au tir, en coup par coup comme en rafale et permettent donc de maximiser les probabilités d’atteinte, notamment avec un public plus large et moins entrainé.

L’inconvénient, car il en faut un : c’est la « perte de puissance » de la munition, bien évidemment. Celui-ci restreindra la portée pratique de l’arme et la capacité à engager des cibles « protégées ». Mais en réalité, ce travail « à longue distance » (comprendre ici à notre sens, à partir de 500 – 600 m) et « anti-matériel » (comprendre ici, cible très légèrement blindée ou derrière un couvert léger) ne concerne pas réellement le fantassin non spécialiste (comprendre ici, qui n’utilise pas d’armement collectif ou spécialisé comme un fusil de tireur d’élite ou des moyens anti-matériel).

Ici, il est important de balayer des idées reçues parfois rencontrées : non, les 6,5×50 mm SR Arisaka et 6,5×52 mm Carcano ne sont pas des calibres intermédiaires (Photo 06). Par là même, non, les fusils automatiques V.G Fedorov et Cei-Rigotti ne sont pas des fusils d’assaut. Pour le Cei-Rigotti, nous sommes clairement en présence d’une arme individuelle automatique, certes, précurseur, mais nous sommes bien dans « la préhistoire armurière » (expression inspirée par les travaux de Luc Guillou et Hervé Matous) qui n’a jamais abouti sur aucune adoption. Le cas des armes automatiques de V.G. Fedorov en 6,5×50 mm SR Arisaka est évidemment un sujet qui mérite une attention particulière. Il s’agit effectivement de travaux intéressants sur la notion de réduction de calibre par rapport au calibre alors en dotation en Russie Impériale / URSS : le 6,5×50 SR Arisaka étant environ de 20 à 30% moins puissant que le 7,62×54 mm R alors en service. Ceci permet à V.G. Fedorov de développer une arme automatique « légère », notamment en comparaison de ce qui se faisait alors. Clairement, l’arme a été pensée comme se situant « entre le fusil et la mitrailleuse ». Mais précisons peut-être pas encore comme « entre le fusil et le fusil-mitrailleur » tel que compris après la Première Guerre mondiale : les travaux de V.G. Fedorov ayant débuté en 1909 ! Conserver le contexte en tête en évoquant ces sujets est plus que nécessaire. De même, on ne peut pas le nier, l’arme est originellement plutôt pensée comme une arme individuelle. Mais le fait que le fruit de ces travaux ait peiné à convaincre (en matière de fiabilité, mais surtout en ce qui nous concerne, sur l’efficacité de son tir en rafale) et qu’ils aient finalement abouti à des fusils-mitrailleurs plus conventionnels (et in fine, abandonnés) pour cette époque tend, à notre sens, à désavouer son rapprochement avec la catégorie des « fusils d’assaut ». D’ailleurs, il est intéressant de regarder la place accordée aux armes automatiques de V.G. Fedorov par l’historien Soviétique spécialisé sur les armes D.N. Bolotin dans ses travaux :

  • Dans son ouvrage traduit en Anglais « Soviet Small Arms and Ammunition » (1995), elles sont placées dans le chapitre V « Machine Gun », où elles côtoient DP, RPD, PK et non dans le chapitre IV « Automatic rifles and Carbines » (le titre du chapitre en Russe peut être par ailleurs traduit par « Automatic and semi-automatic rifles and carbines » …sans doute un oubli à la traduction). Dans ce chapitre IV, seule une arme de V.G. Fedorov, un modèle d’essai semi-automatique à magasin fixe de 1925 cotoie, entre autres choses, AVS-36, SVT-38 et 40 et SKS-45. Mais le fait que l’ouvrage ne soit pas dans la langue natale de l’auteur (ce qui est souvent une barrière dans la transmission d’idée) nous a poussé à nous pencher sur les versions en Russes de ce même travail, dont deux sont à notre disposition.
  • Dans ces versions Russes (1990 et 1995), les armes automatiques de V.G Fedorov occupent un chapitre à part : « Автомат Федорова и унификаця стрелкового оружия на его базе » ce qui peut se traduire « Arme automatique de V.G. Federov et armes légères unifiées sur celle-ci ». À notre sens, ceci traduit bien la pensée de l’auteur : nous sommes en présence de travaux très atypiques.

Dans toutes les versions, aucune des armes de V.G. Fedorov ne sont présentes dans le chapitre « Пистолеты-Пулеметы и Автоматы », qui peut se traduire par « Pistolets-Mitrailleurs et Automatiques » (traduit en Anglais par « Submachine-Guns and Assault Rifles »), chapitre qui regroupe les Pistolet-Mitrailleurs et ce que nous appelons fusils d’assaut. Ceci est l’occasion pour nous de préciser que les deux concepts sont distincts chez l’auteur comme dans la pensée tactique Soviétique…et non, les « Avtomat » Soviétiques n’ont pas été conçus comme des « Pistolet-Mitrailleurs », mais bien comme une arme remplaçant à la fois le fusil d’infanterie et le pistolet-mitrailleur.

Ainsi, tenter d’inclure les armes automatiques de V.G. Fedorov dans des catégories d’armes, qui ne partagent pas réellement leurs philosophies conceptuelles, serait sans doute une erreur de pensée introduisant des biais d’interprétations. Enfin, il est nécessaire de préciser ici que Vladimir Grigoryevich Fedorov peut être considéré comme un des pères de la pensée armurière Soviétique de petit calibre. Ceci non seulement par ses travaux armuriers, mais également par son rôle direct dans le développement de l’industrie de l’armement, son mentorat auprès de nombreux concepteurs et enfin par ses publications sur le sujet.

Pour remettre un peu d’ordre dans cette problématique calibre / munition, le tableau ci-dessous permet de se faire une idée objective sur les proportions énergétiques d’un panel sélectionné par votre serviteur, notamment des calibres et munitions déjà employés au moment de la mise en service du 7,92×33 mm. Ce dernier sert de base « 100 » pour une comparaison énergétique avec les autres calibres. On constate ainsi que la cartouche la plus « faible » (le 6,5×52 mm Carcano) du panel représentatif des calibres « ordinaires » d’infanterie est déjà plus de 30% supérieure à une 7,92×33 mm, ce qui est considérable.

Les données présentées dans ce tableau sont issues de diverses sources : tant que faire se peut, nous les avons recoupées avec des sources sérieuses. Cependant et comme toujours, les valeurs n’étant pas mesurées directement par l’auteur, elles sont soumises à caution. Bien évidemment, nous avons porté notre choix sur des couples armes / munitions permettant une exploitation balistique rationnelle pour chaque calibre. Présenter du 6,5×50 mm Carcano tiré dans une carabine 1938 n’aurait fait que peu de sens tant la réduction de canon est castratrice en matière de performances balistiques.

Concernant l’aspect novateur du 7,92×33 mm, il nous paraît nécessaire d’ajouter ici que, de notre point de vue, les travaux étrangers de recherche n’ayant jamais abouti à des adoptions (ni parfois même au moindre essai en corps de troupe) ne peuvent que rarement être considérés comme des facteurs « inspirants » pour d’autres nations…car leurs concepteurs d’armes n’en ont tout simplement jamais eu connaissance ! Nous pensons tout particulièrement ici au 8×35 mm Ribeyrolles dont personne ne semble jamais avoir vu un exemplaire au XXIe siècle ! Pour mener une réflexion parallèle avec celles évoquées pour les travaux concernant les fusils semi-automatiques dont nous parlons ci-après, nous sommes bien ici en présence de recherches très intéressantes et avant-gardistes, mais finalement marginales en termes de conséquences. Ceci n’enlève rien aux mérites des personnes ayant participées à ces travaux : certaines étaient très certainement des visionnaires incompris… Rien de ce qui résulte du progrès humain ne s’obtient avec l’assentiment de tous, et ceux qui aperçoivent la lumière avant les autres sont condamnés à la poursuivre en dépit des autres.

On peut également se poser ici la question du .30 Carbine et de l’USM1. De notre point de vue toujours, c’est une arme qui fait écho à quelque chose qui existe et qui est très spécifique aux États-Unis depuis le début de la conquête de l’ouest : la carabine légère, que nous qualifions par facilité comme « carabine de Ranch ». Nous avons fait ce choix sémantique informel, car il fait immédiatement écho aux spécificités de la ruralité Américaine. Ces armes furent dans un premier temps à répétition manuelle (Winchester 1866, puis 1873 et 1892, Colt Lightning, Marlin 1894…), puis semi-automatique (Winchester 1907, Remington Model 8). Ce sont des armes qui servent « à tout », mais dans le contexte principalement civil et rural États-Uniens : la défense, le tir du nuisible et du petit gibier, l’entrainement et même le loisir, à pied comme à cheval. Globalement considérées comme pas assez puissantes pour un usage militaire « offensif » (bien qu’elles seront évidemment utilisées dans certains conflits), les calibres utilisés ne peuvent pas prétendre performer jusqu’à 300 ou 400 m comme un calibre intermédiaire. La géométrie même de leurs projectiles, généralement plus adaptés au vol subsonique plus que supersonique, témoigne d’un usage pensé comme à plus courte portée, comme pour des armes de poing (Photo 07). Ce type d’arme est par ailleurs peu présent (hors stand civil) en Europe. Voici l’occasion de nous exprimer sur une théorie rencontrée sur les réseaux sociaux : le 7,62×39 mm serait-il le fruit de la rencontre du .30 Carbine et de la 7,92×33 mm ? La réponse est évidemment non et nous sommes dans l’obligation de préciser ici qu’il s’agit d’une des théories les plus stupides que nous avons pu lire ou entendre… « Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. » Évidemment, cette citation apocryphe est attribuée à Albert Einstein. Comment peut-on croire une demi-seconde que le .30 Carbine puisse avoir une parenté quelconque avec le calibre intermédiaire Soviétique ? Quel cerveau malade invente ce genre d’ineptie ? Tout sépare ces calibres : la morphologie de l’étui, du projectile, les performances balistiques et même, le diamètre réel du projectile (Photo 08). Sur ce dernier point, si les 7,92×33 mm, .30 Carbine et 7,62×39 mm ont bien un point commun, logistique, industriel, rationnel…c’est d’employer le même diamètre de projectile que le calibre du fusil d’infanterie en service, à savoir respectivement : 7,92×57 mm IS, .30-06 Springflied et 7,62×54 mm R.

Donc, non, il faut bien considérer le 7,92×33 mm comme une innovation conceptuelle majeure.

Cette conséquente question du calibre passé, on constate une différence assez flagrante de l’organisation des deux armes :

  • Celle du FG 42 favorise un emploi en position allongée bien que le tir dans les autres positions soit bien évidemment possible. De ce côté-là, l’arme n’est finalement pas en rupture avec les fusils d’infanterie de la première partie du XXe siècle : ceux-ci sont parfaitement adaptés au tir en position allongée. Il comporte aussi une spécificité liée à son « public cible » : il est développé pour ne pas gêner lors du parachutage « en arme ». Ainsi, il est conçu de façon à éviter de s’accrocher de façon impromptue avec tout le matériel qui entoure le parachutiste pendant sa phase de descente. Il en découle des organes de visées rabattables, un chargeur 10 coups (utilisé lors du saut pour être immédiatement prêt à faire feu une fois au sol…car, non, on ne tire pas pendant la phase de descente d’un parachutage !) dans l’unité collective aux côtés de 8 chargeurs 20 coups, un bipied, qui une fois replié, « lisse » les flancs de l’arme et dissimule la baïonnette et une poignée pistolet exagérément inclinée sur les versions A à E. Sur ce dernier point, on notera qu’en réalité, cette poignée est seulement « un peu plus » inclinée que les autres armes Allemandes, qui reprenaient souvent la pente du P.08. Mais au final, la pente de ces versions précoces de FG 42 est peu confortable (notamment en position allongée), ce qui explique sa modification sur les types F et G. Comme nous le faisait remarquer à juste titre le camarade Thomas de la chaîne YouTube « Le Feu aux Poudres », la pente de la poignée est finalement très proche d’une poignée demi-pistolet des Mauser 1898 Allemands.
  • Sur la famille du STG 44 le positionnement d’un chargeur aussi proéminent vers le bas peut interroger : dans l’absolu, il est peu pratique à utiliser en position allongée (comme pour le MP38 et MP40 : le positionnement sur le côté des chargeurs sur nombre de PM et sur le dessus pour nombre de FM répondent à cet unique impératif). S’il est parfois présenté comme un point d’appui « stable » pour le tir (y compris par des documents d’époque), nous sommes fortement dubitatifs : cette pratique nous semble à proscrire à tout point de vue, tant les bénéfices sont douteux et les problèmes liés à ce type de pratique, nombreux. Il semblerait plutôt qu’ici, on ait favorisé le tir en position « debout » ou « à genoux », ce qui semble induire un emploi sur des phases de mouvement. Mais en dehors de ce chargeur encombrant (et qui contribuera probablement à la conception de chargeurs 10 coups sur les travaux tardifs des Allemands), l’organisation de l’arme est plutôt « ordinaire » pour une arme automatique individuelle, jusqu’alors principalement représentée par la catégorie des pistolets-mitrailleurs. Ici aussi, l’arme paye sans doute en « tâtonnement » ce qu’elle a de novatrice.

À l’issue de ce « catalogue » des deux armes, on peut constater que d’un point de vue conceptuel, et notamment à cause de son calibre, le STG 44 ne trouve pas de précédent significatif. Du côté du FG 42, la chose est sans doute un peu plus nuancée.

Dans un premier temps, il faut sans doute réaffirmer ici que le FG 42 est principalement destiné à tirer à en coup par coup, et plus occasionnellement, en rafale. La dotation en chargeur est donc de 8 chargeurs de 20 coups et un chargeur de 10 coups sur l’arme au moment du saut, soit 170 coups…ça ne fait pas lourd en rafale. Surtout que s’agissant d’une arme individuelle, le tireur n’est pas réapprovisionné par une « cohorte » de pourvoyeurs comme l’est une arme collective (à plus forte raison pour des unités parachutistes). De même, la capacité de monter une lunette de tir, exigée dès la première expression de besoin, va également plutôt dans ce sens : une augmentation de la « puissance de feu » telle que définie en amont (Photo 09).

Si on regarde les armes individuelles à mode de tir sélectif utilisant le calibre du fusil réglementaire ayant été adoptées avant le FG 42, on trouve surtout (exclusivement ?) l’AVS-36. L’arme Soviétique a été fabriquée de façon significative jusqu’en 1940 : 65 800 exemplaires selon D.N. Bolotin, bien plus que les quelques 7000 FG 42 de tout type fabriqués avant la fin de la guerre. D’autres mettraient ici aussi en avant les armes automatiques de V.G. Fedorov. Si la chose n’est pas complétement vide de sens, nous pensons, comme déjà évoqué, que l’arme appartient à une catégorie conceptuellement « orpheline ». Donc, la comparaison nous paraît trompeuse. En revanche si on fait fi du tir automatique, on trouve un grand nombre des fusils semi-automatiques (FSA) en calibre réglementaire : RSC-17, G41 (W), Garand, SVT-38 et SVT-40 (et j’en oublie peut-être). Ce dernier a été dérivé pendant la guerre en arme automatique avec l’AVT-40, mais la chose est anecdotique et le résultat, décevant de l’aveu même des Soviétiques. En complément de toutes ces armes adoptées avant le FG 42, de très nombreuses recherches très poussées (qu’on différenciera donc des travaux plus confidentiels) ont émergé un peu partout dans le monde. De façon générale, le monde industriel « tend » vers les FSA dans des calibres « ordinaires », notamment par pragmatisme industriel et logistique comme déjà évoqué. Alors, certes, dans le cas du FG 42, la recherche d’un tir automatique réellement exploitable (et nous allons y revenir) marque une différence notable. Mais en réalité, aussi maitrisable soit-elle, l’utilisation de la rafale qui peut être faite de l’arme nous paraît marginale. Si le tir à culasse ouverte en mode rafale met l’arme à l’abri de l’auto-inflammation, le canon reste frêle pour les tirs soutenus. Rappelons qu’avec la montée en température du canon et sa dilatation, l’arme devient sujette à des phénomènes de sous-cycle, et donc à des enrayages. Ajouté à comme déjà évoqué, une dotation en munitions plutôt faible et à vocation individuelle, l’arme est peu disposée au tir de soutien intensif. Mais il correspond bien à un usage « coup de poing », sans doute comme imaginé (fantasmé ?) par ou pour les parachutistes Allemands.

D’un autre côté, de notre point de vue les FM « légers » qui se sont généralisés autour de (et surtout après) la Première Guerre mondiale, dont certains disposent d’un mode de tir en coup par coup ou à cadence de tir lente, ne sont pas comparables. Cependant, ils témoignent effectivement d’une réflexion qui va dans le même sens en matière de « puissance de feu » telle que définie précédemment. Mais il faut regarder ces armes pour ce qu’elles sont : des armes collectives qui n’ont jamais été pensées pour se substituer aux fusils d’infanterie. Pour la comparaison, le fusil-mitrailleur le plus intéressant ici nous paraît être le LMG Johnson M1941. Un peu plus lourd (5,9 kg dixit le Wikipédia en Anglais) et encombrant car pensé comme un FM qui vient compléter le FSA 1941 du même inventeur, celui-ci nous a toujours paru étrangement similaire à l’arme Allemande. On retrouve les dispositions générales (le chargeur sur le côté, mais plus en avant que le FG 42) et la spécificité du tir culasse fermée en semi-automatique et ouverte en rafale. Mais comme évoqué sur le Wikipédia Anglais, on peut supposer que face à des problèmes similaires, ils ont adopté des solutions similaires (et gardons cette pensée très juste pour tout le reste cet article). Il est par ailleurs totalement invraisemblable que Louis Stange ait eu – à cette époque – connaissance des travaux de Melvin Johnson…et vice et versa.

Les origines mécaniques et productiques du FG 42

Conçu par Louis Stange pour la firme Krieghoff, il est évident que le FG 42 est une descendance de l’ergonomie générale de la MG 30 du même concepteur. Une des différences majeures porte sur le choix du système moteur :

  • La MG 30 fonctionne sur le principe du court recul de canon avec verrouillage rotatif mobile, le court recul du canon étant un système très prisé par les Allemands jusqu’au début des années 1940.
  • Le FG 42 fonctionne sur le principe de l’emprunt de gaz à piston attelé au transporteur de culasse avec verrouillage rotatif fixe. Les systèmes à emprunt de gaz étant peu présents dans la culture Allemande de l’armement, L. Stange s’est inspiré (ne parlons pas ici de copie, mais bien d’inspiration : les choses sont souvent plus subtiles) de la Lewis Britannique. Si la Lewis compte 4 tenons sur la partie arrière de sa culasse, Stange en disposera 2 en tête de culasse sur son FG 42 (Photo 10). Dans les deux cas, il n’y a pas d’extraction primaire…dommage pour des verrouillages rotatifs !

Il faut noter ici que la Lewis est une arme qui a marqué fortement (et positivement) les Allemands pendant la Première Guerre mondiale : celle-ci constituait un type d’arme pour ainsi dire inexistant dans l’arsenal Allemand. La MG08/15, refroidie par eau, ergonomiquement peu prompte à un déploiement et une mise en œuvre rapide, ne pouvant que difficilement rivaliser en matière de manœuvrabilité sur le champ de bataille.

Le placement du puits de chargeur, sur le côté gauche et au niveau de la poignée (ce qui en fait un « semi-bullpup », donc une arme plutôt compacte malgré un canon de 50 cm), est un héritage de la MG 30. Au final, la « silhouette » du FG 42 est proche de la MG 30. On note cependant que l’alignement du canon est un peu moins axé sur « le milieu » de la crosse sur le FG 42 : il est légèrement au-dessus. Mais le résultat est finalement similaire et ceci permet de conserver une ligne de visée près du canon. On peut donc considérer qu’il s’agit d’un bon compromis. On retrouve un emprunt au BREN (celui-là même qui avait « tancé » les Fallschirmjäger en Crête) : celui de permettre à l’ensemble boîtier de culasse / canon de « s’amortir » dans la crosse (Photo 11). Ceci permet de « transformer » le recul : de facto, cela casse son aspect sec et violent en le décomposant en une poussée plus continue qui est mieux appréhendée par le corps humain…cerveau compris. L’utilisation d’un frein de bouche (c’est la vraie fonction du dispositif de bouche de l’arme, parfois présentée à tort comme un cache-flamme) n’est pas réellement novatrice, mais suffisamment rare pour y prêter une attention particulière (Photo 12). Le concept est connu depuis longtemps et est déjà employé par exemple sur l’AVS-36 où les fonctions de frein de bouche et compensateur de relèvement sont réalisées par un seul et même dispositif.

Par les trois dispositions précédemment évoquées : alignement du canon, amortisseur dans la crosse et frein de bouche, on constate qu’il y a bien eu ici une vraie recherche pour améliorer le comportement de l’arme lors du tir. Rappelons ici que cette amélioration n’impacte pas seulement le tir en rafale, mais bien les deux modes de tir : un dépointage moindre de l’arme en coup par coup permet une accélération de la répétitivité de l’action. Et donc, une augmentation de la « puissance de feu ». Le FG 42 se démarque ainsi réellement par une maitrise du tir tout à fait exceptionnelle pour une arme de 5 kg dans un calibre aussi puissant. Pour avoir eu le privilège de tirer (en mode semi et automatique) les FG 42 Type E et G (originaux !), on note que le relèvement des armes demeure faible. On peut noter au passage ici qu’en tir allongé, la position médiane du bipied du Type E pose à notre sens un grand problème dans son intégration. Si cette disposition est bien meilleure pour le suivi des cibles mobiles et pour la répartition des masses de l’arme, sur du tir automatique celle-ci tend au basculement de l’arme, et pire encore dans le cas du Type E, à la fermeture du bipied. La chose sera d’ailleurs modifiée sur les Types F et G par repositionnement du bipied et par conséquent de son sens de fermeture.

Sur un plan productique, le FG 42 est marqué par l’introduction de la tôle emboutie :

  • La chose est « accessoire » dans un premier temps. Sur les Type C, D et E : on compte notamment (mais pas seulement) des pièces massives comme la crosse, la poignée et le bipied. (Photo 13).
  • La chose est « majeure » dans un second temps. Avec les Type F et G, en plus des pièces précédemment évoquées (hors crosse, qui est en bois lamellé collé renforcé d’acier), c’est bien le le boîtier de culasse qui est réalisé en tôle emboutie (Photo 14). Avec une noix de verrouillage usinée, bien évidemment !

L’introduction d’un boîtier en tôle emboutie est le véritable tour de force, notamment pour une arme individuelle employant une munition aussi puissante. Il est vraisemblablement le fruit du même concepteur que celui de la carcasse de la MG42, le Dr. Werner Gruner (appelé Dr. Grunow dans certaines sources, mais il s’agit bien de la même personne), de la firme Grossfuss. Cela étant, c’est la même personne, mais pour des résultats assez différents. Et pour cause, les prérequis dimensionnels n’ont rien à voir. Pour de l’armement petit calibre, on est ici sur une des utilisations assez pionnières de la tôle emboutie dans des formes aussi complexes.

Il faut cependant noter qu’à cette même époque, d’autres travaux y recourent et aboutiront à l’adoption d’armes avant la fin de la guerre :

  • En Allemagne : avec les MP40, MG42 et STG 44, avec à chaque fois, des utilisations de la tôle emboutie finalement assez différentes.
  • En Russie : avec les PPSh-41 et PPS-43.
  • En Angleterre : on pourrait évoquer ici le cas de STEN Mk.III. Contrairement aux autres variantes de STEN, son boîtier est construit à partir d’une feuille de tôle enroulée et soudée en son sommet. Les boîtiers des autres variantes de STEN sont réalisés à partir d’un tube d’acier, dont l’obtention (potentiellement par divers procédés distincts) est finalement assez éloignée du procédé de tôle emboutie même si celui-ci présente des avantages industriels évidents par rapport à de l’usinage d’une pièce hors masse.
  • Aux États-Unis, vers la fin de la guerre avec le M3, sans oublier le pistolet mono-coup « Liberator ».

On note que les travaux hors Allemagne ne concernent cependant quasiment (à cause du Liberator) que des pistolets-mitrailleurs, donc des armes mettant en œuvre une munition d’une puissance plutôt faible. Une différence importante.

Notre camarade Pierre Breuvart nous rappelait à juste titre dans une conversation autour de ces thématiques que la réflexion autour de la simplification de production par des usages autres que l’utilisation de pièces forgées / usinées était déjà explorée en France pendant la Première Guerre mondiale. En effet, des armes comme le CSRG 1915 « Chauchat » explorent déjà des usages productiques visant à réduire les coûts et accélérer les cadences de production. Cependant, il ne s’agit de pas encore de tôle emboutie.

Parmi les innovations intéressantes (nous ne lui connaissons pas de prédécesseur sur ce point), on peut distinguer la façon dont le coup par coup a été incorporé, avec une grande simplicité, sur un mécanisme originellement conçu pour tirer en rafale et à culasse ouverte. Dans le cas des FG 42, on retrouve sur le transporteur de culasse deux crans d’armée « latéralisés » et fortement espacés sur sa longueur (Photo 15). Ainsi, en positionnant le sélecteur sur les positions « semi-automatique » ou « automatique », on bascule la gâchette sur un côté :

  • En semi-automatique, la gâchette est basculée sur la gauche, s’accroche sur un cran du transporteur de culasse situé à l’arrière de celui-ci tout en étant assujétie à un séparateur commandé par le mouvement arrière du transporteur de culasse. Sont créés ainsi : le tir à culasse fermée (par la localisation du cran d’armée à l’arrière) et la fonction semi-automatique (par la séparation ainsi induite).
  • En automatique, la gâchette est basculée sur la droite, s’accrochant sur un cran de transporteur de culasse situé à l’avant de celui-ci tout en shuntant le séparateur. Sont créés ainsi : le tir à culasse ouverte (par la localisation du cran d’armée à l’avant) et la fonction automatique (par absence de séparation lors du tir).

De façon plus anecdotique, on peut enfin mentionner que la baïonnette du FG 42 est inspirée de celle du MAS 36 et la bretelle est celle du Gewehr 1898.

Les origines mécaniques et productiques du STG 44

Passé l’aspect conceptuel de la famille STG 44, extrêmement lié à son calibre, les inspirations mécaniques n’ont…rien de bien exceptionnel ! On peut noter :

  • Le système moteur du piston attelé mettant en œuvre une culasse béquille via un plan incliné est présent dans nombre de fusils-mitrailleurs étrangers. Dans le cas de la famille STG 44, l’inspiration vient directement (et ouvertement) des travaux du Tchèque Václav Holek qui aboutiront entre autres FM au ZB-26, ZB-30…et donc au BREN Britannique (Photo 16). Dans le cas de la famille STG 44, l’alimentation se faisant par le bas, le piston est disposé en haut et le coin d’appui en bas (ça va généralement ensemble…).
  • Le ressort récupérateur en spirale de forte section qui rentre dans la crosse est l’héritage spirituel des MG Allemandes, et notamment des MG 30 et MG 34.
  • Le système de mise à feu, un brin trop compliqué pour les fonctions qu’il permet, n’est jamais qu’un énième resucé de la mise à feu par un chien circulaire, avec accroche en crête : on trouve ça sur les systèmes de chez John Mose Browning depuis le début du siècle. Précisons que sa complexité (en nombre de pièces) est vraisemblablement liée à un désir de « simplification productique » (en utilisant de nombreuses pièces plutôt simples à produire) …mais qui à notre sens, a clairement « mal tournée » (Photo 17) ! Sur la descendance de l’arme (CETME et HK G3, nous y renviendrons plus loin), la chose sera repensée en profondeur pour un résultat bien plus convaincant et en s’affranchissant de l’inspiration « Brownienne ». De façon générale, avant la Seconde Guerre mondiale, comme pour l’emprunt de gaz, les Allemands n’ont pas de vraie culture de la mise à feu par chien circulaire, notamment sur les armes d’épaule : les systèmes à percuteur lancé sont prédominants.
  • Le puit de chargeur et son bouton sont clairement dérivés de ceux des MP-38 et MP-40. L’introduction du chargeur se fait droit dans le puits de chargeur et non tête-bêche (contrairement au FG 42 – Photo 18).
  • L’organisation de la sûreté et du sélecteur de tir en deux commandes distinctes se retrouve sur différentes armes, dont les PM Thompson (Photo 19). C’est aussi une des évolutions du passage des FG 42 de type E à F (puis G) : on sent ainsi qu’il ne s’agit pas d’un « hasard », mais bien d’un acte duement réfléchi (Photo 20 et 21). Dans le cas de armes de la famille du STG 44, la chose assez surprenante, c’est d’avoir fait le choix de positionner le sélecteur de mode de tir sur un bouton-poussoir transversal qui n’est pas sans rappeler la sûreté de la MG 42 ! Pour l’instruction, on aurait pu rêver quelque chose de plus uniforme. Mais il est important de rappeler qu’au moment de la conception des premières armes de la famille de STG 44, la MG42 ne faisait pas encore partie du paysage armurier. Par contre, au niveau ergonomique, ce choix est évidemment plus pratique : la sûreté est mise en œuvre avec une grande aisance alors que le changement de mode de tir demande une attention particulière. La sûreté reprend bien évidemment les « canons » du P.08 et de la MG34.

Du côté productique, c’est comme pour les FG 42 (F & G) et MG42 : on est à l’avant-garde. C’est une utilisation pionnière de la tôle emboutie pour la fabrication des carcasses pour des armes nécessitant un verrouillage. Nous le détaillerons plus loin dans ce même travail pour des besoins comparatifs.

Pour toutes ces armes, on peut souligner que l’utilisation de la tôle n’est pas le seul aspect novateur : face au défaut en approvisionnement en acier de qualité, les Allemands ont eu recours à la nitruration, qui rigidifie le métal en surface. De même, les prérequis en matière de contrainte supportable et de longévité des canons permettront l’émergence des premiers canons martelés à froid pour le MG42 et G43. Par ailleurs, ce procédé se relèvera particulièrement adapté à la fabrication de masse. Cependant, nous ne savons pas ici si les canons des FG 42 et STG 44 ont bénéficié de ce processus. C’est vraisemblable pour le STG 44, mais sans doute moins pour les FG 42 (l’arme n’ayant finalement pas réellement dépassé le stade de pré-série).

Les héritages conceptuels

D’un point de vue conceptuel, si certains pensent que le FG 42 préfigure le « Battle Rifle » de la guerre froide, pour notre part, nous serions plus nuancés. À notre sens, et comme déjà esquissé, c’est l’ensemble des fusils semi-automatiques et les quelques fusils à mode de tir sélectif produit jusqu’en 1945 qui préfigureront le « Battle Rifle » de la Guerre Froide. En effet, d’un point de vue purement pratique, le mode automatique de ces armes n’est pas exploitable : il s’agit au mieux d’un errement conceptuel (qui devient souvent éphémère) ou au pire d’une « escroquerie » mercantile (regardez, mon fusil est automatique !). Mais il faut bien noter que dans le cas des FG 42 la rafale paraît bien plus exploitable que sur un G3 ou un FAL (ou un Zastava M77, etc.). Et nous parlons en connaissance de cause : nous avons donc eu le privilège d’essayer les FG 42 types E et G, en coup par coup comme en rafale, tout comme plusieurs « Battle Rifle », et notamment, les FAL et G3 à de nombreuses reprises (mais jamais le M14 en rafale…un jour peut-être ?).

Attention, plus exploitable ne veut pas dire que c’est la panacée : pour ma part, le FG 42 est, comme le MKb42(H) un errement conceptuel. Ceci n’est pas une critique mais un constat : ces errements sont nécessaires, mais il ne faut pas leur attribuer les mérites d’un concept qui a finalement « tapé juste » sur l’intégralité de la formule. Après-guerre, le FG 42 inspirera, certes, certaines armes sur des points de détail précis, mais finalement aucune arme adoptée ne reprend « la formule telle que pensée ». Ainsi, avec des armes comme les automatiques de V.G. Fedorov ou l’USM1, elles font un peu figure d’orphelines conceptuelles (les armes ayant repris le .30 Carbine existent, mais celles-ci sont objectivement marginales à une échelle mondiale).

Notons au passage que certaines comparaisons (conceptuelles) nous paraissent à nuancer.

Concernant les fusils Britanniques expérimentaux EM-1 (Korsac), EM-1 (Thorpe) et EM-2 (Janson) : d’un point de vue conceptuel les armes reprennent en effet une partie du cahier des charges de l’arme Allemande, mais dans un « vrai » bullpup. Mais rappelons qu’il s’agit simplement de la partie « arme individuelle automatique à tir sélectif compact ». À notre sens, ce qui pousse à comparer cette « série » d’armes sont les emprunts directs faits par le EM-1 de Korsac au FG 42 et qui sont indéniables. Par contre, quand on fait la comparaison avec le EM-1 (Thorpe) et EM-2 (Janson), les similitudes finissent par s’avérer être de l’ordre du « ça à 4 roues, donc c’est une Ford T ». Une fois encore, soulignons ici que ces armes ne connaitront, ni une mise en production, ni une descendance (le SA 80 Britannique ne partageant que le concept de bullpup).

Si le STG57 Suisse est par certain point évocateur, les armes sont finalement différentes par trop de points. Oui, certains prototypes réalisés à Bern comportent de fortes ressemblances avec un FG 42 mais :

  • Ceux-ci n’ont jamais dépassé ledit stade de prototype.
  • Ceux-ci utilisent un calibre intermédiaire.

Concernant la M60, l’ensemble mobile est certes, extrêmement proche. Cependant la M60 est très clairement un fusil mitrailleur (donc, une arme collective dédiée à l’appui) et non un fusil individuel à tir sélectif. Donc, conceptuellement, les armes n’ont strictement rien à voir. Alors oui, il existe des travaux (notamment le FM expérimental T-44) ayant consisté à modifier des FG 42 pour les alimenter par bande en utilisant des systèmes tracteurs de bande issus de la MG 42, mais ceux-ci doivent-ils être considéré comme les ancêtres directs et comme unique source d’inspiration d’une arme finalement très différente d’un FG 42 ?

Il paraît nécessaire de rappeler à ce stade de notre travail que l’acharnement dans le projet du FG 42, d’un concept vraisemblablement déjà identifié par certains comme peu rationnel, à l’époque de son développement, semble avoir été largement influencé par l’intérêt (financier) direct de H. Göring dans la firme Krieghoff et par le fait que Hitler ne voulait pas voir le 7,92×57 mm IS se faire détrôner par un calibre moins puissant. Deux considérations qui allaient à l’encontre du pragmatisme d’un Louis Stange, qui aurait bien vu son arme en 7,92×33 mm selon certaines sources.

Du côté de la famille du STG 44, de façon très claire, le MP43/1 (première version à se rapprocher de la version finalement adoptée par la Wehrmacht) détient la paternité conceptuelle de « fusil d’assaut ». Pourquoi spécifier ici précisément le « MP43/1 » et non le MKb42(H) ? Pour la simple et bonne raison que l’utilisation du tir à culasse ouverte (en coup par coup comme en rafale) sur une arme individuelle devant engager à des distances « intermédiaires » (i.e. autour de 300-400 m), c’est objectivement un errement technique. Cela induit une perte de précision in fine par le balourd de déclenchement du tir. D’ailleurs, la chose sera corrigée par les Allemands même, y compris sur des versions tardives du MKb42(H). Ainsi, le MKb42(H) constitue à notre sens un « proto fusil d’assaut raté », et le MP-43/1, le premier « fusil d’assaut » (le MP43/2 étant à notre connaissance, une autre version tirant à culasse ouverte). On peut rappeler ici que nous ne sommes pas adeptes de l’appellation « fusil d’assaut », que nous trouvons mal adaptée pour décrire les armes dont il est question. Ceci est abordé en détail dans notre article « Le choix des mots : réflexion sur la sémantique de catégorisation des armes à feu» : ce travail nous paraît fondamental, car il milite pour l’émancipation du prêt-à-penser.

On pourrait nuancer la chose en précisant que c’est le premier « à franchir la ligne d’arrivée » avec l’adoption in fine des MP43, MP44 et STG 44…Mais tout de même, 6 ans (et c’est beaucoup dans ce contexte) avant les premières productions d’AK-47 Type 1 (1949). Donc, c’est le premier « haut la main ». Car une fois encore, c’est bien ça qui est intéressant d’un point de vue pratique « à quel moment le concept entre en service et fait date d’un point de vue mondial ». Sinon, ça reste un « démonstrateur technologique », dont les bureaux d’études sont remplis…

Il remporte donc la paternité de la première arme en calibre intermédiaire et de l’arme décrite comme un « fusil d’assaut» effectivement adoptée. Et d’ailleurs, elle donnera le nom de baptême à la catégorie. Donc celle-ci aura un héritage considérable qui remplit encore à ce jour les arsenaux de toutes les armées du monde !

Au final, ce qui est assez ironique, c’est que le FG 42, au travers de ses promoteurs de « haut rang » de l’Allemagne Nazie, avait vocation à devenir l’arme « standard » de l’armée Allemande après la guerre. Ironiquement, ça ne sera pas le cas, et même, jamais le cas d’un point de vue conceptuel pur et dur. Non, c’est bien le concept porté par la famille du STG 44 qui aura cet honneur jusqu’à nos jours ! Et pourtant, le concept eut bien du mal à trouver une place clairement définie dans l’armée Allemande pendant la guerre : refusé par Hitler à 3 reprises, il finira par constituer 1/3 de la dotation des unités d’infanterie en 1944…pour avoir été au final produit à plus de 400 000 exemplaires (toutes variantes confondues : nous sommes dans les mêmes ordres du nombre de FAMAS F1 fabriqués !) alors que le FG 42 peinera à dépasser les 7000 exemplaires.

Les héritages mécaniques et productiques

Les héritages mécaniques du FG 42 sont finalement peu nombreux sans doute car sa formule elle-même, ne sera pas reprise. On notera des similitudes ponctuelles sur certaines armes : les freins de bouche des ZFK-55 et AR-10 précoces, les organes de visée du STG-57, l’ensemble mobile et l’amortisseur sur la M60. L’arme faisant le plus d’emprunt étant indéniablement le fusil expérimental Britannique EM-1 de Korsac…donc une arme qui ne connaitra jamais de mise en service.

On peut souligner ici qu’il ne nous paraît pas aberrant de penser que c’est bien le FG 42 qui introduira l’utilisation de la hausse à réglage rotatif qui sera repensée et simplifiée sur les G3 et sa descendance. De même, il est vraisemblable que l’arme ait quelque peu inspiré Eugene Stoner pour la conception de l’AR-10…mais une inspiration parmi tant d’autres (et ce n’est pas une critique, bien au contraire !). Il ne faut pas oublier que dans l’ombre d’Eugene Stoner, se trouve Melvin Johnson, consultant chez Armalite au moment de la conception de l’AR-10 et dont les travaux d’avant 1945 témoignent clairement d’une réflexion par certains aspects très similaire à celle menée par les Allemands pour le FG 42 comme évoqué précédemment.

Du côté du STG 44, nous allons devoir faire couler beaucoup d’encre (en fait, utiliser beaucoup de bits). Alors, essayons de casser ici définitivement un mythe : le STG 44 n’a pas la paternité mécanique ou productique du fusil d’assaut de M.T. Kalashnikov. Et nous allons détailler la chose ici plus que de raison pour bien faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’un avis idéologique, mais bien d’une analyse technique. Car il s’agit bien du « procès » qui est généralement fait lorsqu’on aborde ce sujet…généralement par des personnes elles-mêmes habitées de croyances et d’idéologie partisanes. Or, ici, nous ne parlons que « ferraille » …

Avant de parler des armes en elles-mêmes, nous allons nous intéresser aux calibres, qui comme nous l’avons évoqué dans le cas des armes de la famille du STG 44 constitue une innovation majeure. L’Histoire retiendra que les calibres intermédiaires Soviétiques 7,62×41 mm (version prototype, adopté en 1943) et 7,62×39 mm (version finale, adopté en 1945) sont le fruit des travaux dirigés par Nicolaï M. Elizarov et Boris. V. Semin. Le passage de la version prototype à la version finale serait dû à des difficultés rencontrées (notamment quant à la tenue du projectile dans l’étui) lors du développement des armes de M.T. Kalashnikov et S.G. Simonov. Fait anecdotique, le développement des calibres de 7,92×33 mm a également été influencé par H. Schmeisser : on lui doit la réduction de conicité de l’étui, car il se plaignait de la courbure du chargeur.

Autour du calibre Soviétique existe la même controverse qu’autour de l’arme de M.T. Kalashnikov : cette invention ne serait pas Soviétique, mais Allemande. Si nous verrons que pour l’arme, la chose peut être aisément démentie par un argumentaire technique objectif, pour le calibre, les choses sont un peu plus compliquées…car rien ne ressemble plus à une munition qu’une autre munition ! Et pourtant, les apparences sont, comme souvent, trompeuses.

Le fait est qu’il est vrai que la version « prototype » du calibre intermédiaire Soviétique, le 7,62×41 mm adopté en 1943 est très ressemblante au 7,75×40,5 mm de chez GECO développé pendant les années 1930. De ce fait, il paraît légitime de questionner le fait que les Russes se soient inspirés de la cartouche de GECO pour leurs travaux. De son côté, l’auteur Français Philippe Regenstreif, spécialiste des munitions Soviétiques de petit calibre, spécifie dans son ouvrage « Munitions Militaires Russes pour Armes Légères 1868 – 2008 » :

« Nous insistons sur le fait qu’il est ridicule d’évoquer une possible filiation de la 7,62 mm M43 à partir de la 7,92×33 (ou Kurzpatrone) allemande ou de toute autre cartouche comparable ! ».

De son point de vue, il y a un problème chronologique dans la version des faits mise en avant par les analystes défendant cette hypothèse. Et effectivement, on ne peut que lui donner raison : cette hypothèse repose sur le fait que les Soviétiques auraient découvert le calibre de 7,75×40,5 mm lors de leur entrée en Allemagne en 1945. Or :

  • D’une part, non seulement le calibre de 7,62×41 mm est adopté en 1943, mais des armes datantes de 1944 sont connus pour ce calibre.
  • D’autre part, 1945 est précisement l’année où le 7,62×39 mm remplace la 7,62×41 mm de 1943. Et précisons que la 7,62×39 mm n’est pas une 7,62×41 mm « légèrement modifiée », mais bien une refonte assez profonde du dessin de l’étui et du projectile.

L’hypothèse de la « copie » Soviétique nous parait donc peu vraisemblable sur ce fondement.

Cependant, deux hypothèses ne sont à notre quasiment connaissance jamais évoquées à ce sujet :

  • Celle des échanges industriels et de la coopération militaire entre l’Allemagne Nazie et l’Union Soviétique ayant existé avant-guerre (la guerre entre l’Allemagne et l’URSS commençant le 22 Juin 1941, et non le 1Septembre 1939).
  • Celle de l’espionnage. 

Certes, aucune des deux hypothèses n’est documentée dans le cas d’espèce : mais devons-nous les exclure de notre réflexion et du champ des « possibles » pour autant ?

Concernant les échanges industriels et la coopération militaire, on sait que l’extension du pacte Molotov – Ribbentrop à des accords économiques a touché le domaine militaire. Et ceci a donné lieu à des transferts technologiques bien plus sensibles que de l’armement petit calibre, comme l’aviation, l’artillerie, et la marine de guerre. Car, oui, il faut bien être lucide sur notre passion : l’arme individuelle d’infanterie n’a qu’un poids bien faible d’un point de vue stratégique dans un conflit d’envergure comme la Seconde Guerre mondiale (ce qui explique en partie le désamour de beaucoup de responsables de différents horizons pour la spécialité). Dès lors, comment totalement exclure que des spécialistes Soviétiques n’aient pas eu vent des travaux Allemands sur la réduction de calibre (sujet qui, pour rappel, était questionné en Russie / URSS depuis 1909…) avant le début de la guerre ? Si la livraison officielle de prototypes est sans doute à exclure, il y a bien d’autres raisons pour que les caractéristiques de ce calibre aient « fuité ». Ne serait-ce qu’au travers des échanges verbaux entre deux individus passionnés par leur travail au cours d’une visite officielle ou officieuse…c’est du vécu ! Dans ces instants, les barrières idéologiques tendent à s’effondrer, car partager une passion commune rapproche généralement plus que les idéologies mortifères ne séparent…oui, c’est encore du vécu ! On se surprend alors à sympathiser avec des gens que notre idéologie réprouve…

Concernant l’espionnage, gardons à l’esprit que les opérations d’espionnage les plus réussies sont celles dont personne n’entend jamais parler ! Certains m’accuseront ici de virer au complotisme, ce à quoi je leur adresserai en retour une accusation de naïveté. Croire que les États (tous, quels que soient leurs systèmes politiques) ne se livrent pas à des activités clandestines et que celles-ci sont bien souvent (toujours ?) cachées du public (et pour toujours !) relève à notre sens de la profonde méconnaissance de la nature humaine et de l’Histoire de l’Humanité…et ce depuis la nuit des temps ! On rappellera tout de même que les Soviétiques ont eu un accès facilité à la bombe atomique par des « fuites » qui venaient directement de Los Alamos… Par ailleurs, il est tout à fait vraisemblable que les Soviétiques aient mis à profit les moyens de production Allemands après leurs captures ! Ne pas le faire relèverait d’une erreur stratégique.

Malgré tout ceci, il est nécessaire de comprendre ici qu’in fine, la 7,62×39 mm effectivement adoptée et mise en service est techniquement très différente de la 7,75×40,5…et encore bien plus de 7,92×33 mm. Par rapport à cette dernière, le corps de l’étui de la 7,62×39 mm est bien plus conique, et « compense » (dans la recherche de performance) cette perte de volume de la chambre à poudre par un allongement de l’étui. Il en résulte un chargeur plus profond et plus courbe…et plus apte au tir en position allongée. Précisons qu’un corps plus conique facilite les phases d’alimentation et surtout d’extraction (le décollage de l’étui des parois de la chambre est plus aisé). Au niveau architectural, l’ogive de la 7,92×33 mm est constituée d’un noyau en fer fritté, enrobé de plomb, le tout chemisé acier plaqué tombac : celle de la 7,62×39 mm M43 « PS », la balle ordinaire originellement adopté, c’est un noyau en acier doux estampé, enrobé de plomb, chemisé acier plaqué tombac. On retrouve donc la même volonté d’économiser du plomb et du cuivre des deux côtés (une volonté qui est antérieure à la naissance des calibres intermédiaires), mais avec des technologies très différentes et des performances balistiques terminales sans doute en conséquence. Le fer fritté et l’acier doux estampé sont tout de même deux choses très différentes.

L’épineux problème du calibre évoqué, nous allons commencer la comparaison des armes Allemandes et Soviétiques par un des aspects les moins mis en avant dans ce domaine, et pourtant des plus révélateur : la façon dont ces armes sont fabriquées.

Pour la réalisation de la carcasse en tôle emboutie de la famille du STG 44, Hugo Schmeisser eut recourt au savoir-faire de la firme Merz-Werke : car Schmeisser lui-même n’était pas du tout spécialiste du sujet. Bien que Hugo Schmeisser, père du STG 44, ait fait un « séjour » par la Russie, à Izhevsk, de la fin de la guerre jusqu’en 1952, il est évident que les travaux de la tôle emboutie Allemande passeront par la France (CEAM, Mulhouse), puis par l’Espagne (CETME, Santa Barbara), pour revenir en Allemagne avec le concours de la Hollande (Photos 22). Tout ceci donnera in fine naissance à la famille des armes G3 / HK-33 / MP-5, de la firme Heckler & Koch, elle-même constituée d’anciens employés de chez Mauser. Il faut préciser que si Hugo Schmeisser se trouvait à Suhl à la fin de guerre, zone occupée par les Soviétiques après-guerre, la société Merz-Werke était basée à Frankfurt, zone occupée par les Américains. Ainsi, les spécialistes de cette usine, auteurs du boîtier des armes de la famille du STG 44 (dont nous n’avons pas trouvé les noms) ont peut-être réussi un exil dans une contrée…plus accueillante ! Peut-être ont-ils accompagné un certain Ludwig Vorgrimler (père des CEAM-50 et CETME) …qui, nous le savons, n’était pas seul dans son « exil » à travers la France et l’Espagne. Mais ils sont peut-être tout simplement restés en Allemagne, pour faire des machines à écrire et du mobilier de bureau, ce qui était initialement leur cœur de métier.

Comme évoqué précédemment, les Soviétiques n’avaient pas attendu les Allemands pour faire de la tôle emboutie. Et dans le contexte du début des travaux de M.T. Kalashnikov sur son « Avtomat » (1944), c’est tout naturellement la méthode de fabrication qui est préalablement sélectionnée. Ainsi, l’arme de M.T. Kalashnikov trouve clairement son inspiration productique dans des armes Soviétiques, et vraisemblablement dans les travaux de A.I. Sudayev (concepteur des PPS-42 et 43 mais aussi d’un prototype d’Avtomat : l’AS-44). On sait par ailleurs que M.T. Kalashnikov reçut de l’aide de la part de nombreux acteurs de l’industrie Soviétique, parmi lesquels de A.I. Sudayev dont M.T. Kalashnikov partagé le bureau (il le « squattait » selon ses propres mots) au polygone de Chourovo. À ce titre, M.T. Kalashnikov n’a jamais prétendu être « un concepteur solitaire », mais bien avoir été à la tête d’une équipe tout au cours de sa carrière. C’est qu’il faut sans doute préciser une chose ici : le travail du concepteur d’arme n’est généralement pas de maîtriser l’intégralité des domaines nécessaires à la fabrication d’une arme. Non, entouré de spécialistes, il utilise des technologies à sa disposition (qu’il peut évidemment faire évoluer ou adapter) pour répondre à un cahier des charges. Il existe, certes, des « loups solitaires », mais ceux-ci sont finalement rares quand on étudie en détail leurs parcours et leurs créations. On les trouve surtout chez les pionniers de cette spécialité : et pour cause, tout ou presque était à inventer. Avant de rejoindre Izhevsk en 1948 pour la mise en production de l’AK-47 en 1949, M.T. Kalashnikov a réalisé le développement de son arme à…Kovrov, ville accueillant « l’usine d’outil N°2 » (par la suite renommé Usine V.A. Degtyarev) située à près de 1000 km à l’est de l’Izhvesk où était détenu H. Schmeisser. Donc, quand M.T. Kalashnikov rejoint Izhevsk, l’AK-47 de Type 1, la première variante à utiliser effectivement de la tôle emboutie, était déjà développé.

Quoi qu’il en soit, l’utilisation de la tôle emboutie pour la construction sur des armes de la famille du STG 44 et AK recourant à la tôle emboutie est radicalement différente :

  • Sur les armes de la famille du STG 44 : il s’agit d’une coque obtenue par emboutissage d’une feuille d’acier, repliée sur elle-même par son milieu (qui deviendra le sommet du boîtier), et soudée en ses extrémités (ce qui deviendra le bas du boîtier). Le guidage de l’ensemble mobile est obtenu par glissement sur les parois du boîtier, globalement en forme de « 8 » (Photo 23).
  • Sur les variantes de Kalashnikov en tôle emboutie, (AK-47 type 1, puis à partir de l’AKM) : il s’agit d’une feuille d’acier pliée en U, donc ouverte en son sommet, sur lequel sont soudés des éléments qui participent au guidage de l’ensemble mobile (Photo 24).

Si la technologie Allemande s’inscrit dans une réflexion plutôt « tubulaire » très fréquente en Germanie d’avant-guerre, celle des Soviétiques en « U » est très fréquente en URSS avant-guerre ! On la retrouve sur les armes de V.G. Fedorov, S.G. Simonov, F.V. Tokarev, une partie des armes de V.A. Degtyarev (le FM DP, mais pas les PPD qui sont tubulaires) puis pendant la guerre de G.S. Shpagin et A.I. Sudayev. Sur la forme de l’ensemble mobile et le guidage « par le bas » de l’ensemble mobile, l’influence de F.V. Tokarev avec les SVT-38 / 40 nous paraît prégnante (Photo 25). Sur les deux PM Soviétiques et l’arme de S.G. Simonov, la partie « couvre-culasse » assure un rôle dans le guidage de l’ensemble mobile, sur l’arme de M.T. Kalashnikov comme de F.V Tokarev, c’est « juste » un capot de protection, d’où le fait qu’on puisse tirer sans…enfin, en tenant la tête éloignée de l’arme et juste pour en visualiser le fonctionnement ! Sur l’arme de F.V. Tokarev, le couvre culasse indexe l’ensemble récupérateur…dans tous les cas, ne tirer pas sans !

En résumé, la technologie de tôle emboutie des Allemands est plus « sophistiquée », car impliquant des formes plus complexes, des tolérances plus fines et des nuances d’acier plus spécifiques. Mais concernant une arme de production de masse, ce n’est pas nécessairement un compliment, car la chose peut se révéler moins pragmatique d’un point de vue industriel. On note au passage que cette technologie Allemande particulière donnera bien du fil à retordre :

  • Aux ingénieurs de chez Merz-Werke, les tolérances de Louis Stange étaient bien plus fines que celles qu’ils étaient habitués à employer pour la fabrication de machines à écrire et de mobilier de bureau qui constituaient le cœur d’activité de la firme.
  • Aux Espagnols dans la conception du CETME (sous l’égide de Ludwig Vorgrimler). Les versions pouvant tirer des munitions de 7,62×51 mm « pleine puissance » (i.e. celle adoptée par l’OTAN) de façon viable ne pourront être mise en production uniquement après que les Allemands de chez Heckler & Koch se soient penchés sur la métallurgie de la carcasse et la technologie de l’amortisseur de culasse en réalisant le G3 (Photo 26).

Le point sur la méthode de fabrication de la carcasse établie, la comparaison entre STG et AK peut être détaillée ainsi :

  • L’utilisation du piston attelé est présente sur les deux armes, mais comme évoqué précédemment, ce n’est clairement pas une création Allemande. Et même au contraire, ceux-ci ne se sont réellement intéressés aux emprunts de gaz que très tardivement en comparaison des autres nations industrialisées et notamment des Soviétiques. D’ailleurs, pour fiabiliser leur G43, ce sont bien les Allemands qui copieront – ouvertement – l’emprunt de gaz du SVT-40. D’un autre côté, les Soviétiques utilisaient déjà divers emprunts de gaz et notamment à piston attelé avec les DP (1927) et SGM-43. Mais ils connaissaient bien évidemment avec d’autres armes étrangères qui y avaient recours parmi lesquelles, le Garand…
  • …dont M.T. Kalashnikov a lui-même expliqué s’être inspiré pour son arme. Parmi les similitudes avec cette arme Américaine, on retrouve un verrouillage rotatif, que lui et son équipe ont su merveilleusement dessiner pour en supprimer la fragilité liée à l’implantation de l’extracteur qu’on trouve sur l’arme Américaine. Donc rien à voir avec le verrouillage « béquille » des STG 44 emprunté au Tchèque Václav Holek et présent sur le ZB-26, ZB-30 et BREN (Photos 27 et 28).
  • Le dessin des chargeurs est finalement très différent, car comme pour le calibre, il ne faut pas se laisser abusé par l’apparence des choses, mais bien se concentrer sur la manière dont celles-ci ont été conçues et fabriquées. Le chargeur du STG 44 reprend la même méthode de fabrication que sa carcasse : il s’agit d’une feuille de tôle emboutie, repliée sur sa partie avant, et soudée sur sa partie arrière. Celui de l’AK reprend en réalité la recette de celui du PPS-43, tout en étant renforcé sur la partie arrière des lèvres : il s’agissait d’une fragilité visiblement connue sur les chargeurs des PPS-43 de A.I. Sudayev. Ainsi, il s’agit de deux demi-coquilles assemblées par soudure : en « plaquage » sur l’avant, avec une crête, sur l’arrière. On trouve sur les chargeurs d’AK (toutes variantes confondues) une subtilité absente de l’arme Allemande : une réduction d’épaisseur au niveau de l’ogive de la munition. (Photos 29 et 30). Même le nervurage de la tôle est différent : sur les armes de la famille du STG 44, il est en profondeur, sur les chargeurs d’AK nervurés (plus tardifs que les originaux, lisses et d’une tôle plus épaisse), en relief. Et là aussi, c’est un dessin rencontré sur les chargeurs précoces de PPSh-41 : le nervurage est en relief. D’ailleurs, il est amusant de noter que les Soviétiques auront une démarche avec les chargeurs d’AK, inverse par rapport aux chargeurs de PPSh-41. Pour le PPSh-41, ils les produiront d’abord d’une tôle fine nervurée, puis d’une tôle épaisse et lisse pour les fiabiliser. Pour l’AK-47, ils les produiront d’abord d’une tôle épaisse et lisse, puis d’une tôle fine nervurée pour les alléger. La chose n’est pas surprenante : c’est simplement l’apprentissage de la technologie « qui rentre ».
  • L’introduction du chargeur et son verrouillage dans l’arme s’opposent radicalement : droit et commandé par un bouton-poussoir dans la famille STG 44, la famille AK recourt à une introduction tête-bêche avec un levier de verrouillage sur l’arrière. Les conséquences de ces choix sont exposées dans le chapitre 6 « Fonctionnement » de notre livre « Petit Guide de l’Armement ».
  • Organisation du levier d’armement : à gauche chez les Allemands (comme sur les MP 38 et 40 Germaniques, favorisant l’emploi de la main « faible » du tireur droitier, donc d’une majorité d’utilisateurs, pour les manipulations de l’arme), à droite chez les Russes (comme toutes les armes longues en URSS, favorisant, pour un tireur droitier l’emploi de la main forte et incitant à retirer le doigt de la détente pour les manipulations).
  • Les organes de visées : la hausse tangentielle est en usage dans les deux armées bien avant le début de la Seconde Guerre mondiale. On la retrouve sur le fusil d’infanterie des deux pays le K98k (1934 – mais cette hausse est utilisée avant sur les Karabiner 1898 A, B et AZ et même les Gewehr 1898 à partir de 1920) et le Mosin Nagant 1891/30 (1930). Attribuer ici une paternité paraît vain, d’autant plus qu’il ne s’agit pas des premières armes à employer ce type de hausse (on les trouve déjà sur des armes du XIXe siècle). Cependant, contrairement au STG 44 qui reprend la recette des Mausers en service (mais adaptée à son calibre) sans de plus amples fantaisies, l’AK reprend une innovation également présente sur le SKS-45 (et sans doute liée au cahier des charges) : la position « hausse de combat ». Il s’agit d’une position supplémentaire située sur l’extrémité arrière de la hausse (donc facile à trouver) correspondant à la hausse 300 m et permettant l’engagement à visée constante de 0 à 300 m. On note qu’il s’agit d’un compromis entre les hausses de beaucoup de fusils de la Première Guerre mondiale (qui commençaient à 400 m) et celle de la Seconde Guerre mondiale (qui commencent généralement à 100 m ou yards). Le guidon sur une tour ? C’est simplement lié à la présence d’un piston sur l’arme. Ici aussi, quand on regarde en détail la façon dont les pièces sont fabriquées : c’est assez différent. Enfin, le guidon Soviétique est réglable en hauteur et en direction, simplement sur le terrain : cette disposition est totalement absente de l’arme Allemande. Précisons que cette dernière disposition n’est pas une innovation des armes en 7,62×39 mm : c’était déjà présent sous une forme différente sur la DP en 1927… Rien en Germanie : la culture du tir n’est simplement pas la même (Photos 31 à 33).
  • Le sélecteur de tir des armes de la famille AK-47 est copié (ou à minima, extrêmement ressemblant ! Personnellement, nous ne doutons pas de l’inspiration directe) de la Remington Model 8, d’une conception bien différente de l’arme Allemande : ici aussi, on favorise l’usage de la main droite pour le tireur droitier. Chose amusante, les premiers protos de fusils de M.T. Kalashnikov avaient des sélecteurs très inspirés de la Thompson, avec une organisation à deux sélecteurs sur le côté gauche (Photos 34 et 35) !
  • Le système de mise à feu de l’AK est, comme pour les MP43/1, MP43, MP44 et STG 44, inspiré des travaux de John Mose Browning, mais de façon très simplifiée par rapport à ceux du STG 44. La filiation est d’ailleurs plus évidente sur la mécanique Kalashnikov que sur celle du STG 44…qui est une fois de plus, inutilement complexe (Photo 36).
  • Un héritage Allemand indéniable de la Kalashnikov, ou du moins des versions pliantes AKS-47 et AKMS, c’est la crosse pliante. Mais elle ne vient pas du STG 44…mais bien des MP 38 et 40 ! Ce type de crosse avait déjà été adopté pour le PPS-43 et on peut penser qu’elle résulte, comme pour la hausse de combat, du cahier des charges. On note cependant que la chose a été quelque peu repensée. Malgré tout, celle-ci est très inconfortable au tir, et sera substituée avec l’AKS-74 par une crosse pliable sur le côté gauche de conception Soviétique (Photos 37 et 38).
  • La bouche du canon est filetée sur les deux armes pour recevoir des accessoires (comme un Bouchon de Tir à Blanc – BTB – visible sur la photo 33). Mais ici aussi, l’emprunt est en réalité fait au MP 38 et 40 (le MP 40 ayant visiblement positivement marqué M.T. Kalashnikov pendant la guerre, du moins en lui démontrant les avantages des pistolets-mitrailleurs – Photo 39). Par ailleurs, faire un filetage sur un tuyau est une solution technique qui ne relève en rien de l’innovation dans les années 1940… On note au passage que les prototypes de M.T. Kalashnikov étaient équipés d’un frein de bouche et dépourvus de filetage : il est vraisemblable que ceci lui a été imposé pour satisfaire aux besoins du BTB et parce que le frein de bouche était jugé superflu et générant des désagréments auditifs au tir.
  • Le démontage des deux armes est très différent : mieux que des mots…en images (Photos 40 à 46) ! Ceci découle bien évidemment des différences dans le choix de fabrication déjà évoqué. Il change également drastiquement les opérations de maintenance sur le terrain. Tous ceux qui ont eu à entretenir une arme de la famille AK et une arme de la famille G3 (très proche du STG 44 au niveau de l’accessibilité du boîtier  pour son nettoyage) savent à quel point l’AK est plus plaisante à ce niveau. Ajoutez donc à ceci que sur un STG…le tube d’emprunt de gaz ne se démonte pas ! Comme le tube du levier d’armement d’un G3…qui est un vestige du tube d’emprunt de gaz du STG 44).
  • La pente de crosse des AK-47 (Type 1 à 3) favorise la montée des organes de visée dans l’alignement naturel du regard lorsque l’on épaule l’arme. Ce faisant, l’arme tend à dépointer au tir plus amplement qu’une arme ayant une pente de crosse « nulle » (comme le STG 44) favorisant l’alignement du canon sur l’épaule. Ceci témoigne que M.T. Kalashnikov n’a pas eu la même réflexion que les Allemands ici. Cette disposition sera finalement adoptée à partir de l’AKM, sans qu’on puisse savoir si cette évolution soit le fruit de retours d’expériences internes ou d’une inspiration étrangère. Les deux sont tout à fait possible, et comme déjà évoqué, la question de l’alignement de l’axe du canon par rapport à l’épaule du tireur n’est pas une exclusivité ou une innovation du STG 44 (Photo 47).

Paradoxalement, les similitudes (dont certaines, troublantes) avec les AR-10 et AR-15 sont plus nombreuses :

  • Ressort récupérateur de fort diamètre se logeant dans la crosse des deux armes (partiellement dans le cas du STG, totalement dans le cas de l’AR-15 – visible sur la photo 45). Nous pensons cependant la chose plus « inspirée » des travaux de Melvin Johnson que du STG 44.
  • Volet obturateur de la fenêtre d’éjection très proche (et dont l’origine provient en réalité de la MG42…mais tout même, la ressemblance avec le STG 44 est troublante ! (Photos 48 et 49)).
  • Introduction du chargeur identique, avec un verrou littéralement… copié / collé (Photos 50 et 51). Une différence tout de même : la latéralisation de la commande. Sur l’arme Allemande, elle nécessite l’emploi de la main gauche du tireur droitier, favorisant ainsi la récupération du chargeur par la main qui commande son déverrouillage. Sur le AR-15, la commande est disposée sur l’autre flanc de l’arme, permettant un décrochage par l’index de la main droite du tireur droitier…et « favorisant » ainsi son éjection plus que ça récupération. Ce dernier point ne nous paraît pas de bon aloi : un chargeur a vocation à être ré-utilisé, et pas à être « consommé ».
  • Organisation de l’arme en charnière avec démontage par goupilles. Ici aussi, la chose n’existe, à notre connaissance, techniquement pas aux États-Unis avant l’avènement de l’AR-10 (visible sur la Photo 45). Pour rappel, la carcasse des premiers prototypes de l’AR-10 était…en acier, et notamment, pour le second prototype en tôle.
  • Un extracteur étrangement proche, avec un démontage…possible dans les deux cas à l’aide de la pointe du percuteur (Photo 52) !
  • De façon moins significative, le sélecteur de tir localisé au même emplacement que la sûreté du STG 44. Cela peut paraitre anodin, mais il s’agit plutôt d’une rupture avec les habitudes sur les armes Américaines, bien que le BAR 1918 présente un sélecteur placé à cet endroit (Photo 53).

Alors clairement, nous n’affirmerons pas que Stoner a copié le STG 44 : ça serait totalement stupide. Mais les « emprunts directs potentiels » sont simplement plus nombreux et plus évidents que sur l’AK-47.

Le paradoxe dans le procès (à ne point douter, toujours teinté d’idéologie comme déjà évoqué…) qui est souvent fait à l’arme de M.T. Kalashnikov…et bien, c’est que l’arme compte bien plus d’inspirations outre-Atlantique (à l’Ouest, et « outre-mer de Bering » à l’Est) qu’en Germanie ! Par ailleurs, il nous paraît important de mentionner ici que M.T. Kalashnikov semblait avoir conservé un certain ressentiment contre les Allemands dans l’immédiat après-guerre (impression personnelle que nous avons eue en lisant sa biographie) et une certaine sympathie pour les Américains. Si celui-ci ne s’est sans doute pas privé d’étudier leurs productions (le MKb42(H) N°503 était d’ailleurs sur le bureau de V.A. Degtyarev dès 1943…et ne pas le faire aurait été une faute dans ce domaine), on peut se demander s’il n’a pas mis un point d’honneur à faire le moins d’emprunts possible aux technologies Allemandes. D’autres concepteurs Soviétiques ne se priveront pas d’emprunter aux Allemands : le système d’alimentation de la RPD-44 et les maillons de ces bandes sont bien évidemment totalement dérivés de ceux employés par la MG34 et 42. De même, le pistolet Makarov fait quelques menus emprunts aux Walther PP et PPK. Par contre, présenter le pistolet Makarov comme un dérivé des Walther PP/PPK sous prétexte qu’il partage le même mode de démontage sommaire…relève une fois de plus d’un raccourci intellectuel qui nous rapproche toujours un peu plus de l’ignorance… L’article de votre serviteur sur ce sujet est également disponible sur ce même site en lien ici.

L’héritage productique du STG 44, clairement, ce sont les familles CETME / G3, au travers des Gërat 06(H), STG-45 et CEAM-50…ni les AK, ni les AR. Dans les deux derniers cas, nous sommes sur des conceptions « indigènes », qui font des emprunts à de nombreuses armes de divers horizons, pour le meilleur comme pour le pire… On peut noter aussi que par certains aspects (techniques et ergonomiques), le STG 44 a très certainement inspiré…le FAL ! Les premières versions de l’arme Belge avaient d’ailleurs été chambrées pour le .280 British et pour le…7,92×33 mm ! Mais il faut bien être également conscient que l’arme fait aussi des emprunts au SVT-40 ainsi qu’à d’autres armes. Dieudonné Saive, aussi, a bien fait son travail : s’inspirer de ce qui existe déjà pour produire une solution en adéquation à son cahier des charges.

Et c’est bien en ça que consiste, à notre sens, le travail de concepteur d’armes : ce n’est pas de révolutionner le schmilblick en introduisant toujours de la nouveauté, mais simplement de proposer un outil (en l’occurrence, une arme) viable sous tous ces aspects dans l’usage envisagé : militaire ou civil. Pour ce faire, entouré d’une équipe de spécialistes de divers domaines, il donne des orientations et arbitre des décisions.

En conclusion

Il est évident que les Allemands ont été pendant cette période, extrêmement actifs et inventifs en armement. Le simple fait de l’énoncer relève même d’une lapalissade éhontée… Au travers de cette créativité au service d’un état belliciste, leurs influences conceptuelles dans le domaine du militaire pour les décennies qui suivront seront considérables, surtout en occident. L’armement petit calibre ne fera pas exception. Cependant, quand on regarde en détail les travaux dans ce domaine en Allemagne Nazie, on observe un manque flagrant de dirigisme étatique. La chose peut paraitre paradoxale dans un État totalitaire, mais c’est oublier que celui-ci s’est bâti avec le soutien d’industriels libéraux. Si ceci est très certainement une des clefs de leur créativité, cela s’est payé au prix d’un cruel manque de pragmatisme dans de nombreux domaines. Les travaux partent dans toutes les directions dans un gaspillage de temps et de moyens plus que problématiques, surtout en temps de guerre. D’autres nations sauront mieux guider leur barque, en centrant leurs productions en accord avec les capacités existantes dans leurs pays : on pense tout naturellement aux États-Unis, mais aussi à l’URSS ou à la Grande-Bretagne.

Mais en réalité, il ne faut pas leur créditer la paternité de telle ou telle arme étrangère, il faut sans doute plutôt considérer la chose sur une dynamique mondiale : comme la course à la lune. Tout le monde espionne et parfois, copie ou s’inspire de tout le monde. Dans cette capsule temporelle, la Seconde Guerre mondiale, à notre sens, les deux protagonistes sont, les deux plus engagés dans la guerre, à savoir les Allemands et les Russes. Les Américains et les Européens ont été très créatifs jusqu’à l’aube de la Second Guerre mondiale, mais la guerre dopera la créativité des Russes et des Allemands, probablement car ce sont les deux pays, encore en possession de leurs moyens (ce n’est pas le cas de la France par exemple) les plus impactés par la guerre. La conception d’une arme à feu est toujours basée sur l’étude des travaux déjà existants – et c’est sans doute vrai pour toute conception. À partir de là, il ne faut pas retirer du crédit à une conception brillante quand elle fait des emprunts…

Enfin, il semble devenu d’usage à l’évocation du FG 42 de donner son sentiment personnel sur l’arme : pour ma part, et après avoir démonté et tiré les modèles E et G, je ne suis clairement pas transcendé. Et je m’en excuse auprès de mon excellent ami Pierre Breuvart, qui lui, est convaincu de la supériorité de l’arme sur ses contemporaines. On peut bien évidemment être ami…mais pas du même avis ! Et pourtant, comme beaucoup, découvrir cette arme constituait pour moi un des rêves d’enfance : le mythe est omniprésent dans la littérature. Si les FG 42 nous ont positivement impressionnés, c’est uniquement car leur démontage (même avancé) est extrêmement accessible (Photo 54). À l’inverse, le STG 44 que nous avons également démonté et tiré, constitue très clairement pour nous l’arme la plus impressionnante de la Second Guerre mondiale. De mon point de vue, c’est tout simplement une des dernières grandes révolutions dans l’armement petit calibre.

Arnaud Lamothe

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Remerciements :

Thomas de la chaîne YouTube « Le Feu aux Poudres », pour avoir partagé cette aventure avec moi (voir les deux émissions sur sa chaîne Youtube).

Pierre Breuvart pour partager avec moi son savoir et ses réflexions passionnées sur le sujet.

Gilles Sigro, pour le partage de sa passion, source d’inspiration pour ma personne.

Yann, toujours au poste !

L’armurerie ESISTOIRE pour la mise à disposition de certains des matériels présentés dans cet article.

Bibliographie choisie :

  • “Sturmgewehr! From fire power to striking power”, par Hans-Dieter Handrich, publié par “Collector Grade Publications”.
  • “Death From Above. The German FG42 Paratrooper Rifle”, par Thomas B. Dugelby et R. Blake Stevens, publié par “Collector Grade Publications”.
  • “The Last Enfield. SA80 – The Reluctant Rifle”, par Steve Raw, publié par “Collector Grade Publications”.
  • “The World’s Assault Rifles”, par Gary Paul Johnston et Thomas B. Nelson, publié par « Ironside International Publisher, Inc. ».
  • « Soviet Small-Arms and Ammunition », par D.N. Bolotin, publié par le “Finnish Arms Museum Foundation”.
  • « Munitions militaires Russes pour armes légères 1868-2008 », par P. Regenstreif, édition Crépin-Leblond.
  • « Ma vie en Rafales », par M.T. Kalashnikov avec Elena Joly, publié dans la série « L’épreuve des faits » par les éditions du Seuil.

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    *Nous aussi nous détestons les spams

    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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