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Booster ? Quelle est vraiment l’utilité du dispositif de l’AKS-74u ?

L’idée de cet article est née d’une publication sur InstaGram. Dans celle-ci, le compte « thedixiemauser » questionnait la véracité de quelque chose que je tenais pour acquis : le dispositif de bouche de l’AKS-74u constitue un « booster » sur la cadence de tir de l’arme. Se remettre en question paraît être un aspect fondamental du travail que nous réalisons ici. Après quelques échanges avec le camarade d’InstaGram, je décidais de faire l’essai comparatif avec et sans dispositif de bouche, mais aussi d’étendre l’expérimentation à deux autres armes : l’AK-74 et l’AMD-65. La finalité devant être le présent article.

Doute et préjugé

Le préjugé est énoncé dans l’introduction : nous sommes initialement convaincus que le dispositif de bouche de l’AKS-74u amplifie – de façon volontaire – la cadence de tir de l’arme (un « booster » pour emprunter un mot Anglo-saxon…), en plus de constituer un cache-flamme. Pourquoi ? Le dispositif de bouche de l’AKS-74u est constitué d’une première chambre percée d’un passage pour la balle et qui se voit prolongée par un cône favorisant la dispersion des imbrûlées à la sortie du canon (Photo 01). Par conséquent, cette chambre permet un travail supplémentaire des gaz à la sortie du canon. Ce principe de chambre générant un travail des gaz à la bouche est rencontré dans différents cas :

  • Sur le « gas-trap » d’un G41 (W ou M, au choix…) ou d’un Garand précoce, elle permet au gaz d’actionner un piston (Photo 02).
  • Sur les renforçateurs de recul des mitrailleuses Maxim, MG-34 et MG-42 (pour ne citer qu’elles, il y en a d’autres), elle permet d’accélérer le recul du canon par action sur sa tranche avant pour amplifier l’impulsion de réarmement (Photo 03).
  • Sur un silencieux « conventionnel » (nous ne parlons pas de double flux, nous n’avons pas encore expérimenté la chose), elle augmente la vitesse de cycle des mécanismes à emprunt de gaz et à culasse non-calée (avec ou sans artifice – Photo 04). Pour les armes fonctionnant par recul du canon, cela dépend des modalités de fixation du dispositif sur l’arme (sur le canon ou sur la carcasse), mais c’est une autre histoire…et ce n’est pas vraiment l’objet de l’article.

On mélange volontairement ici un peu de tout, car ce qui nous intéresse, c’est bien ce qu’induit l’adjonction d’une chambre à la sortie d’un canon : une extension de la durée de l’action des gaz à la bouche du canon.

Sans reprendre dans le détail les propos tenus dans le chapitre 6 de notre livre « Petit Guide de l’Armement » (disponible sur ce même site et en lien ici !) sur les armes à culasse calée fonctionnants par emprunt de gaz (cas de l’AKS-74u), nous pouvons décomposer l’impulsion des gaz à l’évent selon les trois facteurs suivants :

  1. La pression à l’évent, liée au positionnement de l’évent sur le canon : plus le prélèvement est proche de la chambre, plus la pression est élevée, donc l’action énergétique.
  2. La quantité de gaz prélevée à l’évent, liée au diamètre (voire au nombre d’évent) : plus le diamètre est élevé, plus la quantité de gaz est importante, donc l’action énergétique.
  3. La durée d’action, liée à la longueur de canon après l’évent : plus cette longueur est importante, plus l’action sur le piston est longue.

Ceci établi, sur ce type d’arme l’ajout d’une chambre à la bouche peut produire ces effets de deux façons :

  • Soit par renforcement de l’impulsion sur le piston par une augmentation de la durée d’action. Il faut cependant une pression considérable pour que cette action ne soit pas à la marge de l’impulsion déjà reçue, car la pression chute brutalement quand le projectile quitte les rayures. De plus, la plupart des systèmes d’emprunt de gaz disposent d’un ou plusieurs évents dégazeurs sur la course du piston : toute action de gaz supplémentaire passé ce dispositif de dégazage est donc fortement amoindrie voire annulée. Mais si le dispositif de bouche est très proche du dispositif de prélèvement des gaz, alors l’effet sur le piston n’est sans doute pas à la marge.
  • Soit si le mécanisme a déjà déverrouillé la culasse (car nous sommes dans une arme à culasse calée), par action sur la douille elle-même et donc directement sur l’ensemble mobile. Et là, l’amplification est accompagnée d’un retour gazeux en chambre plus important que d’ordinaire. Ce retour gazeux en chambre a été constaté par la plupart des tireurs de fusils d’assaut (sans régulateur adéquat) utilisant un silencieux conventionnel : l’arme encrasse rapidement autour des mécanismes de fermeture, souffle un peu sur le visage et sent plus fort.

Le doute, et bien c’est le questionnement de « thedixiemauser » : si nous avons des raisons techniques de croire que le dispositif de bouche de l’AKS-74u amplifie la cadence de tir, nous n’avons jamais cherché à vérifier et quantifier la chose ! Si notre affirmation n’est donc pas totalement péremptoire (car il y a un cheminement technique valable), elle n’est pas éprouvée par des tests. Enfin presque pas prouvée : nous avions déjà expérimenté les effets de l’adjonction d’une chambre à plusieurs reprises par l’emploi de silencieux sur diverses armes. Du pistolet .22 LR au fusil d’assaut, les effets mécaniques de l’adjonction du silencieux sont généralement très palpables :

  • Sur les pistolets semi-automatiques à culasse non calée, l’adjonction du silencieux fiabilisait l’emploi de certaines munitions de faible puissance. Avec d’autres munitions plus « vitaminées », des retours de gaz et de poudres imbrûlés se faisaient ressentir sur le visage. À titre personnel et comme beaucoup de tireurs, nous avons beaucoup « bricolé » la chose sur des P.A. en .22 LR.
  • Sur différents pistolets-mitrailleurs à culasse non-calée, lors du tir en rafale, le gain en cadence de cycle est tout simplement…perceptible ! De la STEN à l’Ingram MAC 10 « home made » en passant par la MAT-49, nous avons ici aussi participé à plusieurs essais au cours de notre carrière qui nous ont permis ce constat.
  • Sur certains fusils d’assaut, l’adjonction du silencieux génère des enrayages de par le sur-cycle, ce qui explique le régulateur spécifique à l’emploi de silencieux sur des armes comme les HK 416 / 417 et les FN SCAR L / H. Détails dans le chapitre 6… À titre personnel, nous avons été confrontés (professionnellement) à des problèmes de fiabilité avec des achats sur étagère de silencieux conventionnels pour des fusils d’assaut G36C…avec, en fonction des munitions employées, des taux d’enrayage pouvant atteindre légèrement plus de 30% de coups tirés. Oui, près d’un enrayage par chargeur de 30 coups !

Mais ces constatations demeurent de façon globale « empiriques » : nous n’avons pas cherché la proportion d’amplification apportée. Les effets sont constatés, mais non quantifiés.

Concernant les effets du dispositif de bouche de l’AKS-74u, nous avions un préjugé sur son augmentation, et par honnêteté intellectuelle, nous allons le livrer ici : nous pensions le gain à environ 10% dans le cas de l’AKS-74u sur les 650-735 cpm généralement annoncés, et qui sont assez conformes à ce que nous avions déjà mesuré (702 cpm). Donc quelque chose autour de 65-73 cpm en plus. La chose était faite au « feeling » pur et dur, mais aussi car nous savions qu’un silencieux « classique » peut apporter une augmentation d’environ 20% sur la cadence de tir. Oui, c’est énorme, mais la chambre constituée par un silencieux à la bouche est considérable et fait énormément travailler les gaz (c’est le principe du dispositif pour faire réduire le volume sonore !). Si les estimations au « feeling » ne doivent surtout jamais être prises en considération pour tirer des conclusions, il ne faut pas se mentir : le cerveau humain fonctionne ainsi, il aime combler le vide d’un questionnement. Donc, il crée, avec les informations qu’il a à disposition et on compose avec…pour le meilleur comme pour le pire ! À partir de là, il faut en être conscient…et se méfier de soi-même.

Il nous restait donc à expérimenter la chose sur l’AKS-74u elle-même !

Qu’expérimenter ?

La chose est simple : mesurer la cadence de tir de l’AKS-74u, avec et sans le dispositif de bouche (Photos 05 et 06). Mais à y être, pourquoi ne pas ajouter deux armes pour comparer les effets avec et sans dispositif de bouche ? Un groupe témoin en somme. Notre choix s’est porté sur deux armes de la famille Kalashnikov, pour rester sur la même mécanique :

  • L’AK-74, calibre 5,45×39 mm, ici de fabrication Bulgare (Photos 07 et 08).
  • L’AMD-65, calibre 7,62×39 mm, variante Hongroise de l’AKM, à canon de 317 mm (Photos 09 et 10).

Pourquoi l’AK-74 ? Parente de l’AKS-74u, elle se différencie principalement (mais pas seulement) du modèle subcompact par la longueur de son canon : 415 mm contre 206,5 mm (Photo 11). La longueur excessivement courte du canon de l’AKS-74u a entre autres conséquences, une distance entre l’évent d’emprunt de gaz et la bouche du canon extrêmement courte : environ 30 mm pour l’AKS-74u contre environ 135 mm pour l’AK-74 (Photo 12). Par ailleurs, les deux armes disposent d’un dispositif de bouche avec une chambre, mais avec une différence de taille : celui l’AK-74 est percée de trois évents pour orienter un jet de gaz en haut et à droite (Photos 13 et 14). Il s’agit du compensateur de relèvement / déport de l’arme pour un tireur droitier. Quoi qu’il en soit, les gaz « travaillent » dans cette chambre, mais la présence de ces évents y fait nécessairement tomber la pression. La vocation première de cette chambre reste, à notre sens, la combustion des imbrûlés de poudre dans un milieu confiné, donc de « casser » la flamme de bouche. C’est aussi le cas dans l’AKS-74u, mais comme évoqué, nous pensons qu’il y a un double effet « Kiss Cool » : consommer les imbrûlés en milieu confiné et exploiter la pression ainsi obtenue pour amplifier la cadence de tir.

Pourquoi l’AMD-65 ? Si l’arme ne partage pas le calibre de l’AKS-74u (c’est du 7,62×39 mm et non du 5,45×39 mm), elles partagent cependant deux points communs :

  • Un canon plus court que l’arme dont elle est dérivée, l’AKM : 317 mm pour l’AMD-65 contre 415 mm pour l’AKM.
  • Une distance entre l’évent d’emprunt de gaz et la bouche du canon plutôt faible : environ 47 mm. Sur l’AKM, elle est d’environ 115 mm.

De plus, ayant déjà expérimenté cette arme à plusieurs occasions, nous savions – là aussi de façon empirique – que la cadence de tir est « significativement » plus faible que celle d’un AK-47 ou d’un AKM…Pour paraphraser « Le Maître de guerre », ça ne fait pas le « Tac-à-tac typique de l’AK-47 », mais plutôt un « Poww-Poww-Poww » un peu plus lent ! Oui, je trolle un peu… Mais on entend et on sent bien la différence au tir. De plus, l’arme aussi dispose d’un dispositif de bouche impressionnant, mais ici pas de chambre, simplement un gros « frein de bouche » …qui officie aussi comme cache-flamme (Photo 15). Ah, oui, toujours dans l’honnêteté, pour une raison qui nous dépasse (car dénuée de toute forme de raison…), il s’agit d’une de mes AK préférées…La crosse est inconfortable, la poignée avant gène plus qu’autre chose…mais j’aime bien ! Il n’est écrit nulle part qu’il est nécessaire de n’aimer que des choses parfaites et utiles (sinon, je serai célibataire, déjà…) et puis j’aime bien le Desert Eagle aussi…merde, quand même ! Ou alors, c’est l’effet Rambo III pour l’un et Last Action Hero pour l’autre…Il n’y a pas de mauvaises armes, mais de mauvais usages…mais trêve de grivoiseries.

Notre « protocole »

Pour chaque arme, nous avons donc tiré avec et sans dispositif de bouche, une rafale de 20 coups. Pourquoi 20 coups ? Tout d’abord car l’AMD-65 s’utilise principalement avec un chargeur de cette capacité (l’emploi de chargeurs 30 coups est possible, mais peu pratique à cause de la poignée avant). Par ailleurs, la longueur de la rafale nous paraît suffisante pour faire des relevés précis. Enfin, nous limiterons par ce choix la consommation de munitions…mais surtout l’échauffement de l’arme, qui a des conséquences sur la cadence de tir. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que nous avons attendu entre chaque séquence que le canon de l’arme soit totalement froid au toucher.

Les essais ont eu lieu fin Mars 2023, en début de soirée : le soleil est au bon endroit pour filmer. Il faisait plutôt frais, et il y avait du vent (ma barbe indiquant le sens du vent…de face !). Chaque séquence a été filmée (à l’aide d’une GO PRO 10 pour ceux que ça intéresse, pour la Phantom, il nous faut plus d’abonnés…) à 240 images par seconde, ce qui nous permet de ralentir 8 fois la séquence. Nous avons calculé la cadence de tir comme à l’accoutumée : sur la séquence à 240 images par seconde, de la première image où l’on voit le début d’une onde de bouche à la dernière image où l’on voit le début de l’onde de bouche du dernier tir. Les mathématiques (en fait, un fichier Excel…) font le reste. Bien sûr, nous ne limiterons pas nos observations à la cadence de tir ! Nous allons présenter et débriefer chaque séquence individuellement, puis nous allons faire une analyse globale.

Nous avions convenu de faire deux séries pour chaque arme…mais nous avons eu des problèmes avec la deuxième série de l’AK-74 : seul le tir sans dispositif de bouche a été filmé. Donc, il y a bien deux séries pour l’AKS-74u et l’AMD-65, mais une seule pour l’AK-74. Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreurs…Cependant, nous conduirons une nouvelle série de deux essais et mettrons à jour ce travail dans les meilleurs délais…

Alors, oui, pour affiner les résultats, on aurait pu renouveler l’expérience sur 10 séries…Mais pour être à la hauteur d’un test « labo », il faudrait 10 armes, étuvées à la température désirée avant chaque tir, avec des munitions également étuvées…etc. N’oublions pas d’où nous parlons : notre test a une valeur indicative, mais ce n’est pas un travail de laboratoire. Quant à la température, nous reviendrons sur ce sujet plus loin, car il mérite une attention particulière.

Nous avons déroulé le test comme suivant :

  • Première série, tir d’abord sans le dispositif de bouche, puis après refroidissement du canon, avec le dispositif de bouche.
  • Deuxième série, tir d’abord avec le dispositif de bouche, puis après refroidissement du canon, sans le dispositif de bouche.

Notons ici que le fait de devoir attendre le refroidissement total du canon, même à la fin du mois de Mars en France métropolitaine, est finalement assez long…

Les munitions utilisées pour le test sont du surplus militaire en lots homogènes (Photo 16) :

  • D’origine Soviétique pour le 5,45×39 mm.
  • D’origine Chinoise pour le 7,62×39 mm.

1. L’AKS-74u

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    *Nous aussi nous détestons les spams

    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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