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La carabine de chasse soviétique BARS en calibre 5,6×39

L’Union Soviétique est bien connue pour ses productions de matériel militaire. Pourtant, concernant l’armement petit calibre, elle s’est également montrée créative en matière de matériel destiné au monde civil. Ainsi, que ce soit pour la chasse ou le tir sportif, de nombreuses créations ont vu le jour, et tout comme leur armement militaire, certaines optèrent pour des choix étonnants. C’est le cas de cette carabine de chasse BARS.

La chasse en URSS

Contrairement à une image qu’on pourrait s’en faire – certains ne voyant l’URSS que comme un immense Goulag à ciel ouvert –, la chasse ne fut pas interdite sous le règne des Politburos. Ainsi, durant cette période, la chasse « sportive » mais aussi professionnelle (pour la fourrure notamment) se sont côtoyées, avec des pratiquants plus ou moins fortunés. Si on conserve l’image de L.I. Brejnev ou de M.T. Kalashnikov lui-même s’adonnant à cette activité, il ne faut pas oublier que différentes ethnies pouvaient recourir à la chasse de par leurs modes de vie traditionnels. Ainsi, le besoin en armes pour cette activité était loin d’être inexistant, et à l’image du besoin d’un véhicule tout terrain à usage civil (notamment incarné par la célèbre VAZ 2121, plus connue sous nos latitudes comme Lada Niva), la gamme dans ce domaine fût développée…et abondamment produite ! Cela étant, cela n’empêchera pas de voir régulièrement l’emploi de vénérables Mosin-Nagant et autres SKS-45 (dépourvus de leurs baïonnettes) à la chasse. Dans les armes produites spécifiquement à cet usage pendant cette période, on trouve notamment le fusil superposé TOZ 34 ou encore la carabine Medved (« МЕДВЕДЬ », l’ours en Russe), directement dérivée du fusil SVD-63 « Dragunov ». L’arme qui nous intéresse ici est bien plus rare en Occident, surtout dans cette variante précoce : il s’agit de la carabine BARS (« БАРС », ce qui signifie « Léopard » en Russe) commercialisée sous la raison sociale « Baïkal » (Photos 01 à 04).

Une carabine plutôt atypique

De prime abord, cette carabine qui date du début des années 1960 (on trouve souvent 1961 comme date pour la carabine et pour le calibre) semble “ordinaire”. Pourtant, celle-ci est originellement centrée autour d’une action finalement peu employée pour des armes de chasse : un mécanisme très inspiré du fusil MAS 36, lui-même inspiré (pour sa noix de culasse) par les fusils Arisaka (Photos 05 à 09). On s’éloigne donc radicalement de la classique culasse du Mauser 98, ou même de celle du Mosin-Nagant, pourtant omniprésente en URSS. Ce choix n’est pas aberrant : cette action propose une culasse qui est – en toute objectivité – un modèle de simplicité. Elle est constituée de peu de pièces et permet, par l’emploi de tenons à l’arrière de la culasse (chose inspirée du MAS 36 et non des Arisaka), la création d’un boîtier de culasse court. Le démontage de cette culasse est donc extrêmement aisé :

  • On retire la culasse de l’arme (en appuyant sur la détente)
  • On presse le bouchon de culasse et on le tourne dans le sens horaire : après un quart de tour, le bouchon se désolidarise de la culasse et permet de retirer le ressort de percuteur et le percuteur (Photo 10). L’opération est facilitée par le désarmement préalable du percuteur.

On est loin d’une culasse de Mauser…qui n’est pas franchement complexe à démonter non plus, mais qui comporte plus de pièces, dont la sûreté de l’arme, restons objectifs ! Ici la sûreté est positionnée sur le côté droit du boîtier, à l’arrière du levier de culasse en position verrouillée (Photo 11). Lorsqu’elle est activée, en plus de neutraliser l’action de la détente, elle verrouille la culasse en position de fermeture. La chose est donc résolument pensée pour le « port » en action de chasse munition chambrée…rien de surprenant en réalité.

Le corps de la culasse est chromé. Il dispose donc de deux tenons positionnés sur sa partie arrière (certains diraient « centrale », mais nous sommes bien en arrière de la fenêtre d’éjection) et un long extracteur doté d’un fort bras de levier pour une action puissante. Le levier d’armement se termine par une boule en matière synthétique, toujours plus pratique par temps de grand froid.

L’éjecteur constitue aussi un choix original : captif dans la culasse, il est actionné par la mise en butée arrière de la culasse sur un élément solidaire du boîtier : en l’occurrence, il s’agit de la partie avant de la gâchette (Photos 12 et 13). Cette disposition est peu courante sur une arme à verrou…et même sur une arme automatique. Elle se retrouve en fait principalement sur…les fusils-mitrailleurs MG 34 et MG 42 ! L’idée est pourtant excellente, notamment sur une arme à répétition manuelle : elle permet une implantation peu complexe dans la culasse tout en évitant de recourir à un ressort pour mouvoir l’éjecteur. Ce dernier point est problématique, car la puissance de l’éjection, dépendante d’un ressort, peut être source d’enrayage en fonction de la vitesse de cycle. La chose étant aussi bien vraie pour une arme à répétition manuelle (vécu sur certaines armes avec des utilisateurs qui manipulent trop lentement ou trop brutalement !) que pour celles à répétition automatique. Par contre, sur la MG 42 (enfin M53), nous avons personnellement eu à déplorer un défaut au système : l’ensemble mobile devant être mis en butée sur l’amortisseur pour générer l’éjection, la résolution des incidents de tir de type « non-départ de coup » n’est pas aussi simple que sur d’autres armes. En effet, la munition défectueuse a tendance à rester dans la cuvette de tir. L’occasion de se rappeler qu’il s’agit d’une arme collective : à deux, tout devient plus simple !

Mais retour à nôtre БАРС. L’alimentation est assurée par un magasin interne de 5 coups qui est approvisionné par la fenêtre d’éjection et dont la plaque de fermeture, en tôle emboutie, n’est pas sans rappeler un Mauser 1898, mais sans la possibilité de l’ouvrir pour vider le magasin (Photo 14).

Les organes de visée mécaniques sont soignés : il s’agit d’un couple cran de mire en U / guidon (Photos 15 et 16). La hausse est ajustable par une molette sur le côté droit pour les distances 100, 200, 250 et 300 m. Ce sont des choix cohérents pour un calibre qui affiche des performances légèrement inférieures au .222 Remignton (nous allons y revenir). Il ne propose aucune disposition de réglage initial autre que celle en direction par dérive du guidon sur sa queue d’aronde.

La qualité de la fabrication est évidente, mais comme souvent avec le matériel Soviétique, sans ostentation : il s’agit avant tout d’un outil. On note que le canon, qui est chromé âme et chambre, est totalement flottant après l’embase de la hausse (Photos 17 et 18). Le reste de l’arme est peint en noir mat, dans un jus très militaire…mais surtout très utilitaire.

L’arme que nous avons entre les mains était dotée de sa lunette. Oui, il s’agit bien d’une lunette et d’un montage dédiés à l’arme, ce dernier étant même numéroté au numéro de l’arme ! Il s’agit d’une lunette ПО 4×34 (fabriqué par ZOMZ : Загорский Оптико-Механический Завод, soit « Usine optique et mécanique de Zagorsk », également connue sous la raison sociale « Kronos »), dotée d’une réticule N°1. Celle-ci peut paraitre de prime abord « basique », mais elle propose en réalité toutes les dispositions utiles pour un emploi optimal, avec notamment, sous des capuchons de protection, de véritables tourelles de réglages qu’il est possible de zéroter et un réglage de dioptrie (Photos 19 et 20). Elle est équipée d’un filtre jaune pouvant se visser sur son objectif, disposition bien utile pour le tir dans un paysage enneigé, le jaune permettant une augmentation de la perception des contrastes (Photo 21). Et dire que certains affirment que ces lentilles sont jaunes car il s’agissait de colle qui vieillit… Le montage de la lunette permet de viser avec les organes mécaniques lunette montée…décidément, l’ensemble se veut pragmatique (Photo 22) !

Comme à l’accoutumée chez les Soviets, la crosse est en authentique bois d’arbre…plus sérieusement, de bouleau, dont certains trouveront l’esthétique discutable : un outil on vous dit. De même, la plaque de couche est un classique de l’URSS : elle est en Bakélite (Photo 23).

L’ensemble propose une arme légère, peu encombrante, prompte à crapahuter dans l’usage quotidien de la Taïga Sibérienne…ou des sous-bois d’une forêt du Tarn ! Elle est même dotée d’une bretelle, de facture tout autant Soviétique que le reste (Photo 24).

Un calibre intermédiaire de seconde génération, vraiment ?

Une autre grande originalité de cette carabine de chasse est son calibre : le 5,6×39 (Photo 25). Ce calibre, proposé vraisemblablement dès 1961 (et qui est même CIP depuis le 15 Février 2000), est constitué d’un étui de 7,62×39 rétreint pour un projectile de…5,6 mm ! Alors, oui, ce calibre est donc employé avant même que le 5,56×45 ne soit adopté par l’US Air Force en 1964 et alors que le .223 Remington est en cours de développement chez Armalite / Remington… De quoi donner du grain à moudre pour ceux qui pensent que les États-Unis furent les seuls à explorer la réduction de calibre à cette période. Mais la .222 Remington est également antérieure à la .223 Remington…pour ne citer qu’elle ! En réalité, la piste de la réduction de calibres pour différents usages (dont militaires) n’est pas née à cette période : elle est bien évidemment antérieure et a eu lieu dans la plupart des pays producteurs d’armement petit calibre.

Comme l’écrivait Philippe Reigenstreif dans son ouvrage de 1983 « Munitions Soviétiques et des Pays de l’Est » (mais pas dans la ré-édition des années 2000, qui est tout aussi intéressante), il s’agit d’un calibre ayant fait couler beaucoup d’encre en son temps. En effet, certaines personnes y voyaient alors – non sans raison – une munition à usage militaire. Bien que la question fût certainement étudiée un temps en URSS, l’adoption d’un calibre finalement assez différent, le 5,45×39, nous confirme à minima que ce 5,6×39 ne fut sans doute pas jugé compatible avec un usage guerrier. Son usage se limita donc à la chasse de petit gibier, avec des munitions demi-blindées, (Photo 26) mais également au tir sportif avec des variantes blindées, notamment employées avec la carabine à action rectiligne МБО-1 (MBO-1). Cette dernière carabine était notamment destinée à la discipline « Cerf Courant 100 m », discipline Olympique jusqu’en 1956 selon nos recherches ! Les temps changent…

Les munitions de ce calibre propulsent donc un projectile de 3,45 grammes à environs 880 m/s…soit une performance légèrement inférieure à une .222 Remington. Le tout avec, comme généralement avec les Soviétiques, une pression raisonnable : 3500 bars de pression maximale moyenne annoncée par la CIP.

Alors oui, techniquement, le 5,6×39 affiche les caractéristiques d’un calibre intermédiaire de seconde génération : mais celui-ci n’a pas connu d’utilisation militaire. Donc, il reste avant tout, un calibre de chasse et de tir sportif, tout comme le .222 Remington ! Et ceci n’enlève rien à ses qualités, mais ici la notion de « calibre intermédiaire » perd de son sens quand on parle de chasse ou de tir sportif ! Dans un contexte militaire, elle a un sens très clair : d’une puissance intermédiaire entre le calibre de l’arme de poing et celui « classique » du fusil d’infanterie, que les Américains qualifient de « Full Power ». Kiki qu’a la plus grosse ?

Nous avons eu le privilège de tirer quelques cartouches : le tir est agréable, bien évidemment ! En matière de précision, si nous n’avons pas eu le loisir de mener des essais poussés, les retours que nous en avons eu nous indiquent que si l’arme n’est clairement pas une arme « de précision », celle-ci affiche des performances tout à fait compatibles avec sa vocation utilitaire. Ne cherchons pas à faire rentrer des carrés dans des ronds !

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    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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