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Pistolet Le Français Type Armée en 9 mm Browning Long

À la fin de la Première Guerre mondiale, les autorités militaires dressent un état de l’armement. De gros programmes de développement sont alors mis en œuvre tant dans l’armement lourd que dans les communications et les moyens de transport. L’armement individuel n’est pas en reste et va connaître dès le début des années 1920 une effervescence. Les programmes de développement concernent entre autre un fusil d’infanterie, un fusil-mitrailleur, un pistolet semi-automatique, un pistolet-mitrailleur et deux nouvelles munitions. Ces programmes aboutiront entre autre à deux armes emblématiques et une munition, les MAS 1936, FM modèle 1924 M29 et la cartouche de 7,5x54mm.

De nombreux fabricants positionnent leurs productions ou leurs prototypes auprès des commissions d’évaluation. Les Manufactures Nationales comme Saint-Étienne, Tulle ou Châtellerault se positionnent face à des entreprises privées comme Browning, SACM, ou, dans l’exemple qui nous intéresse la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Étienne. Cette dernière va dès 1928 proposer un pistolet semi-automatique particulièrement original et novateur. Cette arme sera refusée à deux reprises par la Commission d’évaluation, mais elle deviendra un des pistolets les plus convoités des collectionneurs d’armes françaises !

La Manufacture d’Armes et Cycles de Saint Étienne.

Nous avons évoqué dans notre article sur le révolver « l’Africain » la création de cette grande Maison de l’armurerie française. Cette société a rapidement connu un succès commercial, notamment par la mise sur le marché, d’armes performantes et correspondant aux attentes des clients. On peut citer les différentes carabines Buffalo dès 1885, le célèbre et très recherché fusil « Idéal » dès 1887, le pistolet à répétition manuelle ou « mitrailleuse de poche » Le Gaulois. La liste complète des innovations et des succès de la «Manu » est trop importante pour être mentionnée dans un article, de nombreux ouvrages consacrent des études très pertinentes sur ses productions.

Au début du vingtième siècle, la « Manu » a déjà acquis une notoriété commerciale, proposant un nombre de pièces considérables. Certaines sont des armes développées et conçues en propre, d’autres sont des armes achetées en « blanc » principalement en Belgique puis refrappées des logos et marques de la « Manu ». En ce début de siècle les avancées techniques sont aussi nombreuses que rapides. Les pistolets semi-automatiques deviennent  plus fiables et plus abordables, prenant une part de plus en plus grande sur le marché de l’armement civil. La « Manu », après avoir été à la pointe de l’innovation, accuse un retard important en la matière. Sa gamme d’armes de poing est essentiellement constituée de révolvers, de pistolets à répétition manuelle et de quelques pistolets semi-automatiques d’importation. Aucune arme de poing novatrice et de conception interne n’est présente au catalogue. Consciente de ce point faible, elle met en développement un pistolet semi-automatique qu’elle veut simple, novateur et fiable. Le 06 aout 1913 sera déposé le premier brevet portant sur la réalisation du pistolet « Le Français ». Cette arme arrivera tardivement sur le marché et sera essentiellement commercialisée après la Première Guerre mondiale.

Sans revenir sur l’historique de ce glorieux pistolet « Le Français », qui aura une carrière aussi riche que longue et qui sera décliné en de nombreux modèles, il convient d’en rappeler les principes de base. Afin de se distinguer de la concurrence, le cahier des charges prévoit les points suivants :

  • Avoir un fonctionnement aussi simple, fiable et sécurisant qu’un revolver. L’arme ne nécessite pas de manipulation de culasse, une fois chargée elle est prête au tir. L’arme ne dispose d’aucune sécurité active ou passive.
  • Le pistolet ne doit pas pouvoir être utilisé sans chargeur, il n’est pas possible de l’alimenter et de tirer une munition sans ce dernier en place, le canon étant débrayé sur son axe.
  • L’arme ne doit pas comporter de pièces ou de ressorts sous tension permanente. Afin de limiter l’usure et les risques liés à une rupture. Tous les ressorts de l’arme sont donc au repos, l’action d’armement du percuteur et de son décrochage étant liés à la pression sur la détente.
  • Enfin l’arme doit être facilement démontable, sans avoir recours à des outils spécifiques.

J’aime bien « taquiner » mes collègues de stand possédant des Glocks , en leur affirmant qu’ils sont des clones du système « Le Français » mis au point 70 ans plus tôt, là s’arrête toute comparaison…

Ces petits pistolets connaîtront un grand succès, lié autant à leur qualité de réalisation qu’à leur fonctionnement irréprochable. Les derniers modèles seront produits par MANUFRANCE (nouvelle entité commerciale de la Manufacture d’Armes et Cycle de Saint-Étienne après 1945) jusqu’en 1968 pour le modèle Policeman. Ils seront essentiellement destinés à la défense personnelle, acquis avant-guerre avec une relative liberté, ou après-guerre avec une détention de défense. La majorité de ces armes n’a jamais tiré une cartouche et rarement quitté le tiroir d’une commode ou d’une table de nuit.

Le PA Type Armée

Convaincue d’avoir élaboré l’arme la plus compatible à la demande de l’armée, alliant la simplicité et la fiabilité du revolver à la capacité et la rapidité du pistolet, la « Manu » se lance rapidement dans les épreuves d’évaluations des armes de poing pour l’armée française. Le 5 juin 1928, un exemplaire est confié à la section technique de l’artillerie. Plusieurs pistolets de ce type seront testés par la commission d’expérience de Versailles, entre le 6 novembre 1928 et le 17 février 1933 dans sept séries d’essais.

Comme l’indique la réclame de l’album catalogue de 1930 :

 «Notre pistolet automatique LE FRANÇAIS TYPE ARMÉE a été établi pour répondre à toutes les exigences d’une arme de ce genre destinée à des militaires. Il n’est jamais armé et peut par conséquent être tenu en main, sans le moindre danger, par un cavalier au galop, un officier au pas de course… ».

Dans une période de transition, cette arme se veut la synthèse des avantages des revolvers et pistolets modernes. Il est toujours délicat d’étudier les causes exactes de rejet d’une arme aux critères militaires, les raisons pouvant être clairement objectives, mais parfois plus obscures. Dans le cas présent les points les plus marquants pouvant expliquer la mise hors compétition de ce modèle sont, d’une part, la double action obligatoire et d’autre part l’absence d’extracteur. La double action obligatoire ne favorise pas le tir de précision, la course de détente relativement longue peut ralentir la cadence de tir, quant à l’extracteur il est jugé indispensable sur une arme de poing réglementaire. Nous verrons plus loin lors de l’essai que ces points étaient loin de constituer de réels défauts pour une utilisation civile. La munition a certainement joué en la défaveur de notre arme. Le 9 mm Browning Long (appellation officielle attribuée par la CIP), n’était déjà pas à l’époque une cartouche de grande diffusion, présentant de surcroît moins de qualités balistiques que le 9×19 mm Parabellum. Un autre point à souligner, dès les années 1930, le choix du calibre militaire avait déjà été clairement orienté par la Commission de Versailles.

Ce pistolet fut employé par quelques officiers l’ayant personnellement acquis. La majorité a été vendue sur le marché civil et ne sera pour ainsi dire jamais utilisée. Les modèles parvenus jusqu’à nous en état de tir sont pour la plupart dans un état proche du neuf. Quelques exemplaires ont certainement quitté le territoire pour l’une des colonies d’Asie ou d’Afrique.

Les variantes, premier et second modèle

L’arme connut essentiellement deux versions dans sa courte carrière. Le premier modèle abouti se caractérise par un canon non cannelé, les plaquettes en bois ont rapidement été remplacées par des plaquettes en ébonite quadrillée. Ces plaquettes sont fixées à demeure sur un étrier. Un canal d’évacuation a également été aménagé sur la culasse, au-dessus du canal de percussion. Il permet le cas échéant d’évacuer les gaz liés à une rupture de culot. Le premier chargeur est directement copié sur le pistolet « Le Français numéro 1 » en 6,35 Browning.

L’évolution principale qui caractérise le second modèle apparaît en 1931. Le canon est cannelé afin de l’alléger. Les plaquettes de crosse sont de nouveau en bois, fixées sur une contre-plaque en tôle. Le chargeur adopte une bague destinée à porter une munition à son extrémité. Cette bague comporte un ressort à lame assurant la rétention de la cartouche une fois en place, une cartouche est donc rapidement disponible pour approvisionner la chambre du pistolet et le rendre prêt à l’emploi.

Comme pour les autres armes vendues par la Manufactures d’Armes et Cycles de Saint-Étienne, plusieurs finitions étaient disponibles, de la classique finition « de guerre », à finition luxueuse avec gravures et ajustages de précision. Le nombre d’armes produites n’est pas connu avec précision faute d’archives. Certains auteurs estiment ce nombre à moins de 5000 exemplaires, toutes versions confondues, d’autres évoquent une production proche du double. Quoi qu’il en soit, cette arme est restée très confidentielle en son temps, et représente aujourd’hui une pièce de choix dans une collection. La production du « Type Armée » prit fin dans le milieu des années 1930.

Si la fabrication de ce pistolet est intégralement le fruit de la Manufactures d’Armes et Cycles de Saint-Étienne, on peut distinguer deux circuits de distribution. Le premier, classique, distribuant ces armes et accessoires via le réseau des succursales de la « Manu ». Un second réseau de distribution a été crée pour distribuer ces produits aux grossistes et professionnels, la « Manu Modèle ». L’identification de ces modèles est simple, les marquages et les appellations étant différentes :

  • Sur le modèle de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Étienne : sur le flanc droit « Manufacture Française d’Armes et Cycles », sur le flanc gauche « Type Armée » sur le dessus de la culasse « Le Français ».
  • Sur le modèle Manu Modèle : sur le flanc droit « Fabrication Française » sur le flanc gauche « Manufacture Française d’Armes et Cycles », sur le dessus de la culasse «Franco ».

Un fonctionnement original

La culasse n’est pas calée, la munition étant cohérente avec ce mode de fonctionnement dans une arme de poing. Sans être verrouillé, il faut souligner la puissance du ressort récupérateur qui est considérable pour ce type d’arme. Il est en effet quasiment impossible d’armer l’arme en manipulant la culasse. Notons qu’aucune notice ne prévoit cette action, l’approvisionnement s’effectuant directement via la chambre. Notons que l’arme n’est pas équipée d’arrêtoir de fin de chargeur. En fin de cycle, la culasse se referme sur une chambre vide. Il n’est donc pas possible de maintenir mécaniquement la culasse en position arrière. Les modèles produits ultérieurement en 7,65 Browning pallieront ces « défauts ». La culasse restera ouverte après le dernier tir, le chargeur retenant cette dernière ouverte via son élévateur. La culasse sera également striée, facilitant dès lors un armement plus classique par coulissement de cette dernière.

Précepte capital de notre arme, le canon est basculant. Dès le retrait du chargeur, le canon pivote sur son axe, libérant la chambre et mettant l’arme en sécurité. Il est également possible de basculer le canon en actionnant un levier situé sur la droite de l’arme, afin de remplacer une munition défaillante ou de décharger l’arme. Ce procédé n’est pas inédit, puisque apparut en 1908 sur un pistolet Steyr et sur un pistolet Piepper. D’autres armes adopteront avec succès ce canon basculant, comme le Beretta modèle 950 ou le pistolet Taurus PT22.

Comme sur l’un des pistolets Webley & Scott, l’arme est équipée d’un ressort récupérateur vertical, ce qui est une disposition particulièrement originale ! Le ressort récupérateur est captif d’un carénage et situé dans la poignée pistolet. Ce ressort transmet son énergie via deux équerres positionnées sur chaque flanc de la carcasse. Ces équerres sont mobiles sur un axe et permettent la translation de la culasse. Il est à noter également que la différence de longueur des bras génère une démultiplication de la course mais aussi de l’effort de la culasse par rapport au ressort. En effet, les bras agissant sur la culasse sont plus grands que ceux en contact avec le ressort, ce qui induit un effet de levier en faveur de la culasse. Si la démultiplication de la course est sans doute un effet recherché pour intégrer le ressort d’un point de vue géométrique, la démultiplication de l’effort est vraisemblablement un effet induit.

L’action sur la détente qui est solidaire de la barrette de transmission, agit directement sur la gâchette qui entraine le percuteur. Ce dernier recule sur son ressort et en fin de course la gâchette s’abaisse sous l’effet d’une rampe inclinée et libère le percuteur. Lorsque la gâchette libère le percuteur, les ressorts de gâchette la remettent en place afin d’attraper le percuteur lorsque la glissière termine son cycle. Pour assurer le deuxième coup, il faut relâcher la détente et reproduire la même action. Il n’y a pas de pré-armement, la résistance sur la détente est identique de la première à la dernière cartouche. Nous sommes bien en présence d’un « strike-fire » en double action obligatoire.

Spécificités du pistolet Type Armée      

Le pistolet Type Armée est en fait une extrapolation des modèles existants en calibres 6,35 et 7,65 Browning. Les dimensions de l’arme ont été revues en proportion de la nouvelle munition. Il est intéressant de souligner ce travail qui est particulièrement délicat, il est en effet , de notre point de vue, plus simple de réduire une arme que d’en augmenter les dimensions. Des détails ont été ajoutés à ce modèle afin de renforcer le caractère militaire, apparition d’un anneau de dragonne, bronzage plus rustique, organes de visée plus larges. Certains points ne sont pas non plus sans rappeler d’autres armes, comme le renforcement en bout de canon copié sur le pistolet Luger P08.

Comme précédemment évoqué, l’arme ne dispose d’aucune sureté, ni active ni passive. Le fonctionnement est donc très proche de la philosophie du revolver. Notons qu’il n’y a aucun risque de percussion accidentelle arme au repos (hors bris de pièce) : le percuteur n’est quasiment pas sous tension, et son pied est immobilisé par la gâchette. Ce dernier point est présenté comme étant une des trois « sécurités » de la « safe-action » des pistolets Glock. La mise en œuvre est simple. Dans un premier temps, engager un chargeur dans le pistolet. Il est ensuite possible de mettre une munition dans la chambre et de verrouiller le canon. Pour décharger l’arme, il suffit de retirer le chargeur et de vider la chambre se découvrant automatiquement. Il est également possible de déverrouiller le canon dans un premier temps puis d’extraire le chargeur.        

Un démontage complet sans outillage

Le point fort de notre arme est d’être démontable intégralement et sans outil. Comme pour le revolver d’ordonnance modèle 1892, les pièces sont numérotées afin de faciliter les opérations de démontage et de remontage.

En premier lieu, s’assurer que l’arme n’est ni chargée ni approvisionnée. Ôter le chargeur en le repoussant vers l’avant sur son verrou. Le canon bascule automatiquement sur son axe, libérant la chambre. À l’avant gauche du pistolet, faire pivoter le verrou en faisant coïncider l’encoche avec la contre vis de fixation.Tout en maintenant une pression sur la partie avant du canon, ôter la goupille de fixation. Cette opération doit être réalisée avec prudence, le pontet faisant office de ressort, risque d’expulser le canon vers l’avant. Tirer le pontet vers l’avant et le sortir de son logement. Pour extraire le corps de culasse, lever l’avant de celui-ci et tirer l’ensemble vers l’avant. À ce stade il est possible de sortir l’ensemble de percussion. Avec le pouce, appuyer sur le bouchon de culasse en faisant un quart de tour en sens anti-horaire, le bouchon se désolidarise de la culasse. Accompagner celui-ci en le retenant, puis extraire le percuteur et les deux ressorts.

Les plaquettes de crosses sont extraites de la carcasse en les poussant vers le haut. Pour extraire les équerres et désolidariser le ressort récupérateur, il faut positionner l’arme sur un support plat et rigide, comme par exemple un établi en bois. En saisissant la carcasse à pleine main, appuyer la base du ressort récupérateur sur une base dure. En comprimant ce dernier, les deux équerres sont libérées et sont retirées sans résistance. L’ensemble ressort récupérateur et ressort de rétention est extrait par le dessous. La détente est extraite par l’avant.La clé de verrouillage du canon est sortie par la droite.Ces opérations ne prennent que quelques minutes. Le remontage s’effectue en sens inverse en prêtant une attention particulière au remontage du ressort agissant sur la clé de verrouillage et sur les équerres de translation.

Comme tout système, il est possible de contourner les dispositifs techniques. Il est en effet possible de tirer sans chargeur. Cela peut paraître inutile, mais les chargeurs sont rares, couteux et il ne faut pas écarter qu’un tireur n’en possède pas (ou l’oublie à son domicile). La technique est simple, lors du remontage, une lame de tension s’insère dans la clé de verrouillage de canon. Son action est de pousser cette clé vers le bas et justement de ne pas permettre le verrouillage du canon en l’absence du chargeur. Il est possible de ne pas insérer cette lame dans la clé, mais en appui sur sa partie arrière. L’action est inverse et la clé est maintenue en position de verrouillage, même en l’absence de chargeur. Concernant la mise en sureté de l’arme, il est possible d’empêcher la percussion. Il suffit simplement lors du remontage de l’arme de positionner le pied du percuteur en position haute, en inversant le sens de remontage. Tout en étant dans son logement, la gâchette n’a plus de connexion avec le percuteur, l’arme est donc provisoirement neutralisée. Évidemment, dans cette position,  le percuteur ne fait pas saillie dans la cuvette de tir.

Une munition rare, le 9 mm Browning Long

Cette cartouche est comme sa dénomination l’indique l’œuvre de John Moses Browning. Elle est aussi parfois dénommée 9×20 mm SRBrowning Long (SR = Semi-Rimmed). Elle a spécifiquement été mise au point pour le pistolet Browning 1903. Cette munition fut la concurrente malheureuse de la 9×19 mm Parabellum, à la fois plus performante et plus diffusée sur le marché. Le 9 mm Browning Long sera quand même adopté réglementairement en 1907 par la Suède. On ne dénombre que trois armes chambrées pour cette cartouche, ce qui illustre parfaitement sa « confidentialité » : le Browning 1903, le Webley & Scott modèle 1909 et notre pistolet Le Français Type Armée. Cette munition ne connaitra jamais une diffusion commerciale réelle et restera l’une des cartouches de 9 mm la plus rare.

Cette cartouche est loin de posséder les qualités et les performances des autres munitions de 9 mm développées à la même période, elle n’affiche qu’une pression admissible de 1800 bars et une vitesse annoncée de 320 mètres par seconde. À titre de comparaison le 9×19 mm Parabellum a une pression admissible de 2600 bars pour une vitesse pouvant atteindre les 370 mètres par seconde. La douille est quasi cylindrique, d’une longueur de 20,20mm son culot est à « semi-bourrelet » (semi-rimmed en Anglois). Le diamètre à fond de rayure est de 9,09 mm. Les différentes publicités de l’époque donnent des caractéristiques optimistes pour cette munition :

« À 50 mètres de la bouche du canon la balle traverse 6 à 7 planches de sapin de 20mm d’épaisseur distantes l’une de l’autre de 30mm ».

L’auteur français spécialiste du rechargement René Malfatti a décrit dans plusieurs de ses ouvrages cette munition et apporté aux amateurs que nous sommes, les éléments de base du rechargement. J’invite les rechargeurs à consulter ses publications qui font, aujourd’hui encore, référence en la matière.

En premier lieu, ce calibre étant peu, voire pas utilisé par le commun des tireurs, il n’est pas nécessaire de perdre son temps en recherche de composants ou de munitions sur le marché. On trouve de temps à autre au détour d’une annonce des munitions à des tarifs très élevés et d’ancienne fabrication. Ces dernières doivent être considérées uniquement pour la collection. Les plus fréquentes sur le marché français sont nos cartouches nationales, Gévelot et SFM. La reproduction de cette munition est rendue possible par la modification de douilles modernes. La technique consiste à modifier des douilles de .38 Super Auto ou de .38 ACP (à ne pas confondre avec le .380 ACP qui est du 9 mm Browning Court) en les raccourcissant. Il faudra tout de même vérifier les tolérances de production, mais l’essentiel des douilles est compatible. Nous avons pour notre part utilisé comme douille de départ des .38 Super Auto nickelées de marque Remington.

Les projectiles sont également disponibles sur le marché, souvent sur commande. D’un poids inférieur au 9×19 mm Parabellum, ils doivent être sélectionnés entre 5.84 et 6.48 grammes. Les projectiles du 9 mm Browning Court sont particulièrement adaptés. Nous avons utilisé dans le cadre de cet essai trois projectiles, une balle plomb de 102 grains provenant du moule Lee référence 356-102-1R et deux balles blindées, une ogivale et une tronconique de 90 et 100 grains de marque Fiocchi. Ces projectiles sont au diamètre de .356 pouce.

Dans la gamme de la SNPE, deux poudres conviennent particulièrement bien : la A1 et la Ba9. Elles offrent une bonne polyvalence et une densité de rechargement intéressante. La Ba9 est à l’utilisation plus souple au tir mais nécessite un sertissage plus important que la A1. Concernant l’élaboration des charges, je renvoie les lecteurs vers les ouvrages de René Malfatti. Il faudra accorder une attention toute particulière à l’étalonnage progressif de la charge, mais également à la capacité volumique des douilles. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce principe, à savoir que chaque marque de douilles présente des capacités volumiques différentes. Il est important de prendre en compte cette information avant d’appliquer une charge.

Peu de fabricants d’outils de rechargement ont à leur catalogue le 9 mm Browning Long. Ce calibre étant très confidentiel, il est systématiquement classé dans les jeux d’outils rares, «limited», donc couteux. Il est empiriquement possible d’utiliser les outils du 9×19 mm Parabellum avec un réglage ad hoc, mais il est tellement plus simple et efficace de posséder un jeu d’outils au calibre. J’affectionne personnellement les outils de la marque américaine CH4D, fiables précis et économiques.. Cette fois encore c’est dans leur production que j’ai trouvé mon bonheur. Notons au passage la gentillesse et la disponibilité des responsables commerciaux de cette entreprise, toujours prêt à apporter un conseil ou une information. Le jeu se présente de la manière la plus traditionnelle qui soit, 3 outils avec des réglages et des côtes conventionnelles. Le shell holder destiné à notre cartouche est aux cotes très serrées, puisque même les cartouches SFM et Gevelot ne peuvent s’y insérer. Il convient de compléter nos outils d’un shell holder de .38 Super Auto.

Un rechargement classique

La douille est obtenue par raccourcissement au case trimmer à la longueur de 20,20mm. Le reste des opérations est totalement conventionnel. Il faut souligner l’importance du sertissage qui sans être excessif doit être assez prononcé.

Ces armes peu courantes sur nos pas de tirs ont de longue date eu la réputation d’être imprécises, fragiles et peu fiables. Force est de constater qu’il n’en est rien pour un usage civil! Ces pistolets sont massifs, le poids est conforme à une arme de cette catégorie. L’équilibre et la prise en main sont excellents. La crosse est quasiment à angle droit, elle est très correctement dimensionnée et permet un maintien ferme et précis lors des tirs. La distance entre l’index et la queue de détente est correcte pour un tireur ayant des mains de taille moyenne. Le pointage est instinctif, caractéristique d’une bonne arme de combat. Les organes de visée sont, hélas, d’un autre temps. Déjà périmée lors de sa mise au point du pistolet, cette visée ne permet pas un ciblage constant. Le guidon de bonne proportion rappelle celui du Luger P08. Usiné dans la masse il présente des stries antireflets sur sa face avant. La hausse est également usinée dans la masse, malheureusement le cran de mire est en « V » soit exactement à l’inverse du guidon.

Le garnissage du chargeur est simple et souple jusqu’à la dernière cartouche. De finition exemplaire, il est clairement destiné à durer dans le temps. Cet élément fait aujourd’hui de plus en plus office de consommable, ce qui est regrettable. La cartouche destinée à la chambre est introduite manuellement, puis le canon remis en position de tir. Il n’y a aucun jeu, l’ajustage est réellement parfait !

Les premiers tirs ont volontairement été effectués à courte distance, afin d’appréhender le fonctionnement de l’arme et le contrôle des départs. Les sensations sont très particulières et nécessitent une accoutumance à la fois au poids du départ, à la course de la détente et à son coulissement horizontal. Étant habitué à utiliser des revolvers en double action, je retrouve les mêmes sensations et les mêmes attentions. L’arme doit en effet être fermement prise en main avec une pression constante du pouce sur la plaquette gauche. Le poids de la détente est identique de la première à la dernière cartouche, l’action étant constante, sans pré-armement du percuteur. Après une course d’environ 8 mm, le tireur ressent un point dur qui précède immédiatement le tir. Cette résistance intervient au moment où la gâchette va libérer le percuteur. Il est dès lors possible de maîtriser le départ et de se concentrer sur sa visée. À noter que la détente ne se déplace que sur un plan horizontal, ce qui est pour le moins inhabituel sur une arme en double action obligatoire. En tir de riposte, nous ne percevons plus ce point de décrochage, les tirs sont réalisés avec rapidité. Pour comparaison, nous avons effectué un comparatif de rapidité entre notre pistolet et un revolver de fabrication récente en .38 Special. À contenance identique, la puissance de feu est similaire.

Une fois le départ maîtrisé, l’arme permet d’obtenir des résultats satisfaisants et d’obtenir un réel plaisir au tir. Premier point positif, l’arme tire juste ! Comme évoqué les instruments de visée sont usinés dans la masse, ce qui atteste d’un soin particulier lors de la réalisation de l’arme. Le recul est très sec, voir pour certains rechargements presque désagréable, n’oublions pas que la culasse est non calée. Il conviendra pour un usage régulier de déterminer la charge la plus souple et flexible possible, notre choix s’est arrêté à la Ba9 permettant un bon compromis entre volume et sensation de tir. Nos cartouches affichent des vitesses comprises entre 230 et 240 mètres par seconde. Il est par contre important de sélectionner les amorces utilisées lors du rechargement. Pour être très clair l’arme a une sainte horreur des amorces trop dures qui se traduisent immanquablement par des ratés de percussion. Après plusieurs tests, nous n’avons retenu que les marques Winchester et Federal qui assurent  une totale fiabilité.

L’éjection est régulière, chose plutôt surprenante pour une arme dépourvue d’extracteur. Les douilles touchent le sol dans un cercle de 30cm à 4 heures. Celle-ci ne sont ni marquées ni déformées, exception faite de la dernière douille qui a une fâcheuse tendance à se coincer entre la culasse et le tonnerre. Les prises de vues réalisées lors des tirs mettent en évidence la remise en batterie du système : la douille n’a parcouru que quelques centimètres avant que la culasse soit de nouveau en position de tir ! Cette rapidité s’explique par le fait que la culasse ne soit aucunement verrouillée.

Bien que cela ne soit pas sa vocation, nous avons pris le plus de plaisir en utilisant ces pistolets sur des gongs métalliques positionnés à 7m en tir rapide. Les probabilités d’atteintes sont alors très proches de celles d’un revolver moderne.

Conclusion

Ces armes nous ont agréablement surpris, tant par leur fiabilité de fonctionnement que par la relative précision des tirs. Loin des petits pistolets de la même famille, le PA Type Armée est réellement exploitable pour le tir sur cible. De là à en faire une bête de match, il y a un océan ! Rare sur le marché il est considéré par beaucoup de collectionneurs comme une pièce marquante de l’armement du début du vingtième siècle. Les modèles illustrant cet essai proviennent de deux armureries bien connues. Plusieurs de ces pistolets sont réapparus chez des professionnels au cours de ces derniers mois, de quoi laisser un peu d’espoir aux amateurs ! Notons que ces pistolets demeurent malheureusement classés en catégorie B-1. Nous pouvons espérer qu’une prochaine législation prenne en compte leur rareté et leur obsolescence comme critère de déclassement.

Julien Lucot

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Remerciements

François et Ludivine pour leur aide et leur assistance
Gilles Sigro armurerie de Toulouse http://www.ateliersaintetienne31.fr
Alain Robert armurerie James à Autun http://www.james-autun.com

Sources

Gazette des armes n°139 Mars 1985 Paul Régnier
Gazette des armes n°258 Septembre 1995 Luc Guillou
Gazette des armes n°436 Novembre 2011 Henri Vuillemin
Cibles n°502 Raymond Caranta

Frédéric Delvolte http://armesfrancaises.free.fr

Fiches Techniques :

Fabricant : Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Étienne
Modèles : 1928 et 1931.
Longueur de l’arme : 202mm
Longueur du canon : 128mm
Longueur de la ligne de visée : 190mm
Hauteur : 130mm
Poids à vide : 1040 gr (premier modèle), 900 gr (second modèle)
Capacité du chargeur :7 cartouches+ 1 dans la chambre.
Mode de fonctionnement : Semi-automatique à culasse non calée
Platine : Double action obligatoire, percuteur lancé.
Calibre : 9 mm Browning Long
Classement en France :B-1

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    Julien Lucot

    Julien Lucot est amateur d'armes éclairé et un tireur Français qui à écrit de nombreux articles dans la presse française des armes à feu. Enthousiaste et ouvert d'esprit, sa soif de découverte n'a d'égale que sa joie de partager.

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