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1 - Une moitié : le Villar Perosa italien perd un canon !

La mitrailleuse jumelée  Villar Perosa ultra-légère n’ayant pas réussi dans le rôle d’arme d’appui d’infanterie, de nombreuses pièces sont restées inutilisées dans les dépôts. Bien sûr, c’était un gaspillage de ressources, et donc en 1917, trois entreprises se mirent au travail pour les transformer en armes plus fonctionnelles.

Le Pistola Mitragliatrice Mod. 1915

Le Villar Perosa est en réalité deux armes jumelées mais indépendantes, chacune avec son propre canon, son propre système de mise à feu et son propre chargeur ; seul le mécanisme de détente commun commandait le tir des deux armes. De nos jours,  le choix de développer une arme d’appui chambrée pour une cartouche de pistolet ( la 9 mm Glissenti, moins puissante que la 9 mm Parabellum) paraît assez étrange, mais au moment de sa création, personne ne se doutait que le Villar-Perosa compterait parmi les précurseurs d’une nouvelle espèce d’arme, à savoir le pistolet-mitrailleur. Cette arme fut développée en 1914 par nul autre que le célèbre concepteur d’armes italien Abiel Bethel Revelli di Beaumont pour la société Officine di Villar Perosa (OVP). L’année suivante, elle fut officiellement adoptée par la Regia Aeronautica (nom de l’armée de l’air du Royaume d’Italie) sous le nom de Pistola Mitragliatrice Mod. 1915. Le nom qui passera à la postérité, « Villar Perosa », provient de l’emplacement du site de production, la municipalité de Villar Perosa près de Turin. Conçue à l’origine comme une arme de défense pour avions, elle ne fit pas ses preuves dans ce rôle. Les munitions pour pistolet de calibre 9×19 mm Glisenti, pour lesquelles était chambré le VP, offraient une portée insuffisante pour le combat aérien et montraient trop peu d’efficacité sur les cibles. De plus, la cadence de tir était beaucoup trop élevée : de 1200 à 1500 coups par minute. Une rapide pression sur la détente et tout le chargeur est vidé en à peine une seconde et demie. Dès 1916, l’armée de l’air remit ses stocks à l’armée de terre, où l’arme, souvent munie d’un bouclier de protection en acier, fut d’abordutilisée en tant que « mitrailleuse légère » dans un rôle défensif.

Le Villar Perosa dispose d’une paire de poignées avec des détentes « papillon » commandées aux pouces qui permettent de tirer chaque arme indépendamment. Ceci laissait le temps de changer le chargeur de l’autre arme. S’il n’y avait pas assez de chargeurs remplis à portée de main, le talon du chargeur engagé dans l’arme pouvait être ouvert pour laisser tomber les cartouches dans l’arme par gravité ! Une tâche fastidieuse au milieu d’un combat. Le mécanisme est classiquement celui d’une culasse non calée mue par un ressort récupérateur, le tir s’effectuant culasse ouverte. Cependant, la culasse est guidée par une rainure usinée dans le boîtier de culasse qui la fait pivoter de 45 degrés à la fermeture. Ce dernier dispositif est destiné à agir comme un retard à l’ouverture, car une partie du recul de la culasse est transmise à la carcasse avant qu’elle ne puisse continuer à reculer. Profitant de cette disposition, le percuteur dispose d’un pied guidé à la fois par une rainure du boîtier et par un chemin de came de la culasse. Ainsi, le percuteur, entraîné par le ressort récupérateur, ne peut pas faire saillie dans la cuvette de tir tant que la culasse n’a pas pivoté. Le bruit causé par la cadence de tir extrêmement élevée a valu à l’arme le surnom de « pernacchia » (bruit fait avec la bouche imitant un pet…).

Cependant, il est rapidement apparu comme évident que la portée, la pénétration et la précision de la cartouche de 9mm Glisenti, tirée par le Villar Perosa étaient également insuffisantes pour qu’il puisse être utilement utilisé comme arme d’appui par les forces terrestres. Un soldat était constamment occupé à changer et à remplir les chargeurs de 25 coups. L’OVP n’ayant  ni crosse, ni poignée pistolet et son bipied étant par ailleurs totalement instable, l’arme ne pouvait acquérir une certaine stabilité qu’en étant montée sur des affût trépieds ou des supports circulaires incorporant des boucliers de protection. En raison de son poids de 6,5 kg, le Villar Perosa était parfois utilisé avec un montage spécial qui se fixait sur la poitrine du tireur. Il fut utilisé de cette façon par les troupes de choc à partir de 1917 dans des combats en montagne. Un support spécial, pivotant sur le guidon d’un vélo, fut également testé.

La séparation

Le Villar Perosa pouvait parfois s’avérer efficace en combat rapproché, mais dans l’ensemble, ses succès furent limités. Par conséquent, les armes furent progressivement été remisées dans des dépôts. Dans le but de valoriser ce parc, le haut commandement militaire italien demanda une conversion du Villar Perosas en une arme d’infanterie plus pratique. C’est ainsi qu’en 1917, trois entreprises se mirent au travail. Le point commun à toutes les conversions était la séparation de chaque Villar Perosa en deux armes distinctes. Le boîtier de culasse était monté sur une crosse en bois, recevait un système de mise à feu plus « traditionnel » et des organes de visée. Ces armes conservaient leur alimentation par le dessus du boîtier ainsi que le calibre de 9 mm Glisenti.

L’une des sociétés participantes était Beretta, qui employait le concepteur d’armes Tullio Marengoni qui mit au point la conversion.Dans les décennies suivantes, Marengoni développera pour le compte de Beretta de nombreux pistolets et pistolets-mitrailleurs célèbres. En apparence, le résultat de son travail ressemblait à une carabine avec une crosse en bois et une baïonnette à lame repliable, fixée en permanence au canon. Sur le plan mécanique, l’arme était identique au Villar Perosa et fonctionnait toujours sur le principe du retard à l’ouverture. La seule différence interne majeure résidait dans la refonte du système de mise à feu.

L’arme fonctionnait de manière fiable et fut classée en tête par la Commission d’essai de l’armée italienne devant les modèles concurrents présentés par FIAT et Ansaldo Crocetti. L’armée décida donc de l’adopter sous le nom de « Moschetto Automatico Beretta Mod 1918 », ou MAB 18. Dans les mois qui suivirent, tous les Villar Perosa disponibles furent récupérés et transformés par Beretta. Le premier modèle, et de loin le plus produit, fut le « Monogrillo », nom tiré de sa détente unique. Dépourvu de sélecteur de tir, il tirait exclusivement en rafale libre. De nombreux composants furent récupérés sur d’autres armes militaires italiennes, tel que la crosse en bois et le pontet, provenant du fusil Vetterli-Vitali 1870 et la baïonnette repliable de la carabine de cavalerie Carcano. Plus tard, un deuxième modèle appelé « Bigrillo » (« à deux détentes ») fut créé avec une capacité de tir sélectif commandé par chacune des détentes, ainsi que des garnitures redessinées. Ce modèle ne possède pas de baïonnette. Selon des sources italiennes, au total, environ 5000 exemplaires des deux types auraient été fabriqués. Certains d’entre eux arrivèrent sur le front aux mains des Arditi (troupes de choc) peu avant la fin de la guerre. De nombreuses années après la guerre, Beretta remit la main sur ces armes. À partir de 1930, beaucoup d’entre elles furent converties en carabine semi-automatique avec le chargeur s’introduisant par le dessous de l’arme. Cette version, employée par les polices italienne et argentine, a été adopté comme Moschetto Automatico Beretta Mod 1918/30 (MAB 18/30). Ce modèle tirait à culasse fermée et la méthode d’armement fut modifiée, passant d’un levier sur le côté droit du boîtier à un anneau rétractable disposé dans l’extrémité arrière de la culasse.

Le fabricant du Villar Perosa essaya également d’obtenir une part du gâteau en convertissant son arme d’origine en coopération avec la Fabbrica Italiana Automobili Torino (FIAT). Abiel Bethel Revelli se remit ainsi au travail. Il utilisa le système Villar Perosa presque inchangé, ajoutant un sélecteur de tir sur le boîtier et un déflecteur d’étuis en dessous de l’arme. La cadence de tir était de 900 coups par minute. Le pistolet-mitrailleur FIAT fut essayé en 1917 mais fut supplantée par le Beretta modèle 1918.

Revelli n’abandonna pas pour autant et révisa son arme rapidement et en profondeur. Le résultat fut officiellement appelé Moschetto Automatico Revelli (MAR), mais est surtout connu aujourd’hui sous le nom de « pistolet-mitrailleur OVP » (initiales de « Officini di Villar Perosa »). Cette arme était un peu plus complexe à fabriquer que le Beretta modèle 1918. Le système d’armement était constitué d’un manchon cylindrique qui coulissait le long du boîtier, un peu à l’image d’un fusil à pompe. Celui-ci était saisi par la main gauche du tireur et repoussé vers l’arrière afin de rétracter la culasse, puis il était poussé à nouveau vers l’avant pour chambrer la première cartouche et fermer la culasse. L’arme possédait deux détentes, une à l’avant pour un tir en rafale et l’autre à l’arrière pour le tir en coup par coup. Les organes de visée fixes comportaient de deux crans de mire vraisemblablement réglés pour des tirs à 100 et 200 m.

Malheureusement, le travail de développement prit trop de temps et entre-temps, Beretta avait déjà rassemblé la plupart des Villar Perosas disponibles. Les Officini di Villar Perosa durent se contenter du reste et, par conséquent, seul un petit nombre de cette nouvelle arme fut construit. Arrivé trop tard pour être utilisé pendant la Première Guerre mondiale, il a cependant participé à des essais de pistolet-mitrailleur d’après-guerre et a été adopté par l’Italie en 1921. Au début des années 1920, Revelli essaya de trouver des clients sur le marché international pour son « Revelli Automatic Rifle », mais ses efforts furent infructueux. Il présenta également l’arme au British Small Arms Committee (SAC) en 1928, mais encore une fois, sans succès. Contrairement au Villar Perosa à double canon, que Revelli avait introduit au SAC en 1915 en calibre .455 Webley (11,6 x 19 mm R), le MAR présenté était toujours chambré pour la cartouche de 9 mm Glisenti. Les Britanniques considéraient cette cartouche comme trop faible et il n’y eut par conséquent, ni commande, ni démonstration.

L’armée italienne a utilisé le Beretta et le MAR au combat seulement en 1935 et 1936 lors de la deuxième guerre italo-éthiopienne en Abyssinie et plus tard en petit nombre dans la campagne d’Afrique du Nord. À cette époque, ces armes ont déjà été progressivement remplacées par le pistolet-mitrailleur Beretta modèle 1938.

Michael Heidler

Photos: MOD Pattern Room Nottingham, VHU Prag, Leszek Erenfeicht

Données techniquesBeretta M 1918MAR (OVP)
Calibre9 x 19 mm Glisenti9 x 19 mm Glisenti
Longueur776 mm900 mm
Longueur du canon318 mm279 mm
Poids (à vide)3,26 kg3,67 kg
Poids (chargé)3,72 kg4,08 kg
Capacité du magasin25 coups25 coups
Cadence de tir900 coups par minute900 coups par minute
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