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Le fusil Gustloff Volkssturmgewehr

Au début de 1945, apparut aux mains des combattants Allemands du Volkssturm, (unité combattante constituée de vieillards et de gamins armés en hâte pour essayer d’endiguer l’avancée des Anglo-américains à l’ouest et du rouleau compresseur soviétique à l’est) toute une série d’armes dites « de nécessité ». Ces armes étaient construites de manière très simple dans des usines d’armement en ruine ou assemblées à partir de pièces détachées fabriquées en sous-traitance par des ateliers de mécanique dont la fabrication d’armement n’était pas la spécialité. C’est ainsi que des combinats aéronautiques et maritimes comme Blohm und Voss à Hambourg ou des fabricants de coutellerie célèbres comme Karl Eickorn à Solingen ont produit des pistolets-mitrailleurs simplifiés plus ou moins inspirés de la STEN  britannique, ou encore que des firmes comme Erma ont conçu un pistolet-mitrailleur en 9×19 mm, le EMP-44 (à ne pas confondre avec le StG-44) principalement réalisé en tubes soudés.

Le contexte

Le temps passant, la situation se détériorant, nécessité devint loi ; l’ingéniosité des responsables de la production industrielle allemande sous l’impulsion du ministre de l’armement Albert Speer atteignit alors son paroxysme. Si cet exploit n’avait pas été possible sans l’emploi d’une main-d’oeuvre d’esclaves constitué par des déportés, on pourrait regarder les créations de cette période comme exemplaires à bien des égards.

L’usine Gustloff Werke à Weimar au centre de l’Allemagne avait une grande expérience en matière d’armement puisqu’elle était issue du démantèlement de l’usine Simson. Celle-ci était spécialisée dans les années 1925-1930 dans la fabrication de P.08 et avait produit pendant la Première Guerre mondiale des fusils Gewehr 98 en grand nombre dans son usine de Suhl.

Un des responsables de Gustloff, l’ingénieur Karl Barnitzke avait mis au point durant la Deuxième Guerre mondiale un fusil d’assaut simplifié tirant la mythique cartouche de 7,92×33 Kurz dévolue au Sturmgewehr : le MP507. En novembre 1944 son arme fut soumise à l’approbation d’Adolf Hitler qui, voulant tout contrôler, s’empressa de la rejeter car faisant double emploi avec le Sturmgewehr 44. Il fallut attendre Janvier 1945 pour que la production de l’arme soit relancée en version simplifiée (dépourvue du mécanisme de tir en rafale) pour doter le Volkssturm. Néanmoins, l’arme aurait dû être dotée d’un chargeur limité à 10 coups sur ordre express du Führer qui considérait sans doute que sa milice populaire n’avait pas une espérance de vie supérieure au temps nécessaire pour vider le chargeur ; de toute façon la production de cartouches de Sturmgewehr n’était déjà plus suffisante pour les besoins de l’armée.

Le seul « fusil d’assaut » semi-automatique du Volkssturm était né. Précisons ici que l’appellation que nous utiliserons ici est celle de « Gustloff Volkssturmgewehr », employé par W. Darrin Weaver dans son excellent ouvrage « Desperate measures : the last-ditch weapons of the Nazi volkssturm ». Celui-ci y précise pourquoi l’appellation « VG 1-5 » parfois employée, est vraisemblablement issue d’une erreur et ne possède en l’occurrence, aucune légitimité historique, contrairement à l’appellation « Gustloff Volkssturmgewehr » employée à l’époque dans des correspondances.

Lorsque la situation se dégrada encore vers le début de 1945 chaque Gauleiter (responsable local équivalant à un préfet) fut doté de pouvoirs accrus, et chargé d’organiser les fabrications de moyens de défense à l’échelle locale. Ainsi, Fritz Sauckel utilisa au mieux les ressources de son Gau (province) de Thuringe en faisant fabriquer chez Gustloff environ 10 000 exemplaires du modèle. Précisons qu’il s’agit bien ici de l’individu surnommé le « négrier de l’Europe », qui fut responsable du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) et de la déportation de centaines de milliers de jeunes gens d’Europe vers les usines allemandes. Il sera condamné à mort et pendu par le tribunal de Nuremberg.

L’arme ne fut produite que quelques mois. Elle est devenue rarissime de nos jours : dans son ouvrage W. Darrin Weaver n’en a repéré que 27 exemplaires subsistants à travers le monde.

La découverte récente d’un 28e exemplaire sert de support et de prétexte à cette étude qui va essayer de décrire et d’analyser cette vénérable pièce d’archéologie industrielle, un des derniers avatars de la course effrénée aux armements qui caractérise l’industrie militaire d’un 3e Reich agonisant.

Le numéro de série « Th. 3984 » que nous observons sur notre exemplaire est en très bon état. Il n’est seulement frappé que sur le côté gauche de la crosse qui est constituée d’une simple planche découpée et rivetée à la carcasse. Les lettres préfixes « Th. » identifient le « Gau » de Thuringe. Aucun poinçon de contrôleur, d’épreuve ou de fabricant n’est porté sur l’arme : ceci accrédite ainsi la thèse d’une fabrication d’urgence dans les dernières semaines de la guerre. Le seul marquage à part le numéro de série sont les lettres « S » et « F » au niveau du levier de sûreté. On retrouve cette arme équipant des bataillons sur le front de l’Oder, loin de la Thuringe, ce qui semble accréditer la thèse d’une diffusion relative de l’arme. On note l’absence de sa bretelle qui est réglementairement constituée d’une bretelle de masque à gaz clouée sur la crosse et maintenue à l’avant par un simple crochet triangulaire en ferraille. De même, après de nombreuses décennies de bons et loyaux services, les rivets du levier d’armement avaient tiré leur révérence. Ils ont donc été remplacés.

Description

D’un poids proche de 5 kilos, ce fusil semi-automatique fonctionne sur le principe d’une arme à culasse non-calée et à ouverture retardée par emprunt de gaz, ce qui est assez surprenant en matière de fonctionnement de fusil d’assaut.

Le concepteur a ainsi tablé sur un retard à l’ouverture de la culasse tout d’abord induit par son importante masse puis assisté par le prélèvement des gaz pour contrecarrer le recul initié par le départ du coup. Dans ce mouvement arrière, la culasse se trouve également amortie par un puissant ressort récupérateur.  

Lors de la percussion, la culasse se met immédiatement en mouvement vers l’arrière. La différence de masse entre la culasse et la balle induit que la vitesse de la culasse est proportionnellement inverse à celle de la balle. À quelques centimètres de la bouche, le canon est percé de 4 évents d’emprunt de gaz périphériques disposé à 90° les uns des autres. Lorsque, poussé par les gaz issus de la combustion de la poudre, la balle dépasse ces évents, les gaz envahissent la chambre constituée par le manchon qui entoure le canon. La pression de ces derniers contribue à ralentir le mouvement arrière de culasse en prenant appui sur la partie avant du manchon. Sous doute mis au point à force de mathématique et d’expérimentation, le placement des 4 évents doit correspondre à l’endroit permettant le meilleur «timing» quant à l’ouverture de la culasse de cette importante masse. Après que le projectile ait quitté le canon, c’est sur l’inertie de cette culasse massive que le cycle semi-automatique est accompli, générant l’extraction, l’éjection par rencontre de l’étui sur un élément fixe de la carcasse (une partie de la platine), et l’armement du chien. En fin de course le ressort ramène alors le manchon de culasse vers l’avant en introduisant au passage une cartouche dans la chambre, le cycle peut alors recommencer.

La construction l’arme recourt autant que possible à la tôle emboutie, au rivetage et à la soudure. Ainsi, la carcasse et le système de mise à feu font massivement recours à ces technologies. La culasse et son manchon sont issus de pièces usinées tout comme le canon, bien évidemment. Le système de mise à feu est très proche de celui des Stgw-44 et G43.

La mise en œuvre de l’arme est plutôt classique par rapport aux standards actuels. Un levier d’armement en tôle plié est riveté sur le côté gauche de la culasse au niveau de la fenêtre d’éjection. Si l’armement est possible par action directe sur la culasse à pleines mains, la chose paraît bien périlleuse sur une arme ayant tiré ne serait-ce qu’un seul chargeur à cadence élevée…à moins de porter de bons gants !  On retrouve un levier de sûreté sur le côté gauche de l’arme, comme sur le Sturmgewehr. Il comporte donc deux positions « S » sans doute pour « Sicherheit » et  « F » sans doute pour « Feuer ». On notera le soin tout de même apporté à faire paraitre ces lettres à l’intérieur d’une ouverture du levier en fonction de sa position. Si ce raffinement paraît en décalage avec le contexte de l’arme, on peut noter qu’il ne doit pas coûter bien cher à produire ! Quand la sûreté est engagée, elle entrave le chien rendant la mise à feu impossible. Le crochet de chargeur possède sa commande sur le côté gauche de l’arme et son verrou du côté droit…ici aussi comme sur le Stgw-44. Sur une version précoce visible dans le livre W. Darrin Weaver, le crochet de chargeur était simplement constitué d’un ressort à lame disposé sur le côté droit de l’arme. Une simplification ultime certes, mais sans doute au prix de défauts rédhibitoires comme le décrochage intempestif de chargeur.

Les organes de visée sont réduits à leurs plus simples expressions : un couple cran de mire / guidon dont la seule possibilité de réglage (en usine !) est le coulissement en dérive de la hausse sur sa queue-d’aronde. L’arme n’a de toute façon aucune vocation à la précision…Le guidon est tout de même « protégé » par deux oreilles en tôle. Sur notre exemplaire, celles-ci avaient fini pas se plier sur le guidon générant un étrange tunnel de section triangulaire peu pratique à l’usage …. Elles furent redressées, bien évidement.

Le démontage se fait donc autour des spécificités de l’arme, à savoir que la culasse et son manchon englobent le canon. On commence donc par la dépose du manchon de culasse, qui maintient le ressort récupérateur sous tension. Pour ce faire, on soulève la lame ressort faisant office d’arrêt pour le manchon et on tourne d’un quart de tour ce dernier. Ansi déverrouillé, il coulisse vers l’avant et libère le ressort récupérateur. On peut ensuite procéder au démontage de la platine et de la culasse. La platine est désolidarisée de la carcasse par le retrait du sélecteur et d’une goupille à détache rapide (similaire à celle d’un StG-44, mais aussi d’un G3 ou FAMAS) située au-dessus du bouton du crochet de chargeur. Pour retirer le sélecteur, après compression de sa partie supérieure faisant fonction de ressort d’arrêt, on outrepasse la position « F » dans une rotation anti-horaire, ce qui permet son extraction par la gauche. La platine peut donc être extraite de la carcasse, entraînant avec elle la partie arrière de la culasse. Ainsi, la culasse est démanchée du canon et peut être extraite de l’arme vers l’avant. La chose n’est curieusement pas sans rappeler le démontage de la culasse d’un Walther PP… Le chargeur, celui du StG-44 en vérité, se démonte aisément : on soulève la languette métallique située à l’avant du talon de chargeur et on fait coulisser ce dernier vers l’avant. Dès lors on fait attention à la brutale décompression du ressort de chargeur.

Aucun démontage complémentaire ne semble être prévu, une bonne partie des assemblages étant réalisée au moyen de rivets indémontables ou de soudure. Ceci n’est pas surprenant compte tenu de la vocation de l’arme. Malgré tout, le démontage de campagne est assez facile et l’accessibilité pour le nettoyage est plutôt bonne…toujours un point positif pour une arme de guerre.

En conclusion

Le génial système de fonctionnement de ce fusil d’assaut ne fut que marginalement employé sur d’ autres armes (dont le P.A. HK P7 et Steyr GB). L’époque était à l’urgence pour arrêter l’invasion, il fallait faire simple et efficace, ce qui fut parfaitement réussi avec ce génial modèle, sa généralisation dans les mains de troupes aguerries aurait pu rendre la tâche infiniment plus difficile aux alliées. Encore aurait-il fallut que l’approvisionnement en munitions suive, et que la logistique de transport ne fut pas à ce point démantelée. Mais il est important de souligner ici que ce type d’arme ne peut voir le jour que dans de pareilles circonstances…et se réjouir quelle n’ait pas pu renverser le cours de cette guerre !

Gilles Sigro-Peyrousère

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Données techniques :

Calibre : 7,92×33 Kurz
Longueur : 882 mm.Longueur du canon : 374 mm.
Poids à vide sans le chargeur : 4,25 Kg
Capacité : chargeur amovible de 30 coups (identique à ceux du Sturmgewehr)
Fonctionnement : semi-automatique par culasse non-calée et ouverture retardée par emprunt de gaz

Numéros identifiés et connus dans des collections.

101 ,Th.1135, Th.1185, Th.1430, Th.1839, Th.2157, Th.2343, Th.2574, Th.2661, Th.3512, Th.3671, Th.3770, Th.3984, Th.4158, Th.460, Th.5672, Th.6545, Th.7011, Th.7221, Th.8034, Th.8493, Th.8859, Th.8953, Th.9198, Th.9307, Th.9469, Th.9464, Th.9901.

Sources :

Collection de l’auteur.

Bibliographie :

« Desperate measures : the last-ditch weapons of the Nazi volkssturm » par W. Darrin Weaver, édition Collector Grade Publications Incorporated (2005)

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    Gilles Sigro-Peyrousère

    Armurier diplômé de l'école de d'Armurerie de Saint-Étienne, Gilles est avant tout un passionné d'histoire, d'armes et de militaria. Armurier à son compte depuis plus de 30 ans, Expert près la Cour d'Appel de Toulouse en armes anciennes, il expertise de nombreuses collections pour des ventes aux enchères partout en France.

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