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Le coffret soviétique 56-И-01 pour armes en 7,62×39

Voici quelques années, un de mes fournisseurs habituels a eu la chance de mettre la main sur un des graals du technicien féru de matériel de Soviétique que je suis : une mallette de contrôle 56-И-01 pour les trois armes en 7,62×39 mises en service concomitamment à la fin des années 40, RPD-44, SKS-45 et AK-47. C’est sans aucune hésitation que je me suis rendu acquéreur de cet ensemble d’outils…ainsi que d’un coffret de contrôle pour les fusils Mosin-Nagant, dont je parlerai une autre fois…

Un coffret pragmatique

Dans la carrière de technicien en armement petit calibre, l’utilisation d’outillage de contrôle est un point récurrent de « l’inspection armement » réalisé dans chaque institution française…et sans doute dans tous les pays de monde. Les mallettes de contrôle peuvent, suivant les armes et les fabricants, être plus ou moins fournies…avec des outillages plus ou moins loufoques, voire inquiétants !

On y trouve généralement quelques incontournables :

  • Les jauges de feuillures.
  • Les jauges de saillie de percuteur.
  • Les jauges d’espacement sous extracteur.
  • Les jauges d’usure de l’âme du canon.

Le protocole d’emploi peut contenir de légères différences, mais l’esprit de ces outils reste identique : contrôler les points critiques relatifs au fonctionnement des armes, voire, à des problématiques de sécurité concernant les jauges de feuillures. C’est sans surprise que nous retrouvons chacun de ces outils dans ce coffret de contrôle, ainsi qu’un magnifique outil de réglage en direction du guidon pour SKS-45 et AK-47 (Photos 01 et 02). Ce dernier est compatible avec l’AKM ainsi que ses dérivés qui partagent les mêmes dispositions de réglage : un support de guidon cylindrique enchâssé dans la tourelle et un guidon vissé dans ce support (Photo 03). Cependant, il n’est pas compatible avec l’AK-74 ou ses dérivés, le diamètre de la tourelle porte-guidon et du dispositif de bouche étant plus important que celui de l’AK-47 et de l’AKM. La troisième arme concernée par le coffret, le RPD-44, voit le réglage en direction des organes de visée se faire par simple coulissement après desserrage de deux écrous. Elle ne nécessite donc pas d’outil spécifique (Photo 04). Enfin, pour les curieux…l’outil n’est pas compatible avec les Vz.58 ! Le coffret ne comporte pas de superflus : direct à l’essentiel dans un esprit très…soviétique ! Le coffret lui-même est en bois, chaque outil étant logé dans un fraisage approprié.

L’ensemble a été fabriqué par l’Usine d’Instruments Lozovsky (Лозовской Инструментальный Завод – ЛИЗ), localisé à Lozova en Ukraine (Photo 05). L’usine fut baptisée en l’honneur de Solomon Lozovsky, une figure importante de la révolution de 1917 et de la gouvernance soviétique. Le coffret est parvenu jusqu’à nous complet, mais certains des outils ne sont pas ceux d’origine. La chose n’est en rien choquante : s’agissant d’outillage de métrologie, un contrôle dimensionnel rigoureux doit être réalisé périodiquement, et en cas de non-conformité, les outils doivent être remplacés. Ce coffret ayant vraisemblablement connu une longue vie réglementaire, il est donc parfaitement normal que certains outils aient été remplacés au fil des années.

Les « Kalibres » et leurs utilisations

Ces jauges (appelées « tampons » par certaines institutions francophones), sont dénommées « Kalibre » en Russe (Калибр). Le coffret permet donc le contrôle des 3 armes adoptées en 7,62×39 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elles les mentionnent en utilisant leurs numéros d’indices GAU (ГАУ), système de référencement utilisé dans l’armée Soviétique jusqu’en 1960, à savoir :

  • 56-А-327 pour le RPD-44, dénommé «7,62-mm Ручной Пулемёт Дегтярёва (РПД)» dans le manuel de réparation réglementaire disponible en fin d’article (mais en russe !) (Photo 06).
  • 56-А-231 pour le SKS-45, dénommé «7,62-mm Самозарядный карабини Симонова (СКС) » dans le manuel de réparation réglementaire disponible en fin d’article (mais encore…en Russe !) (Photo 07).
  • 56-А-212 pour l’AK-47, dénommé «7,62-mm Автомат Калашникова (АК)» dans le manuel de réparation réglementaire disponible en fin d’article (mais toujours…en Russe) (Photo 08).

Parfois le « 56-A » de l’indice, signifiant l’appartenance de la référence à la catégorie « armes légères automatiques et à chargement automatique» est remplacé par « 56-И » ou simplement « И », pour la catégorie « outils et accessoires ».

On note que le panel d’armes couvert ainsi que l’utilisation de l’indice GAU semble indiquer que le coffret est daté d’avant les années 1960. En effet, au tournant des années 1950, l’URSS amorcera une standardisation de l’armement qui conduira à écarter l’utilisation du SKS-45 par les forces armées (au profit de la généralisation de l’AKM) et au remplacement de la RPD-44 par la RPK (très proche de l’AKM). De même, au début des années 1960, l’indice GRAU (ГРАУ) remplace l’indice GAU.

Ces « Kalibres » sont numérotés de 1 à 6, avec leurs valeurs de contrôle inscrites accompagnées par les mentions « ПР » pour « Проходной » (« acceptable », que nous appellerons par habitude et pour plus de clarté « GO ») , « НЕ » pour « Непроходной » (« pas acceptable », que nous appellerons « NO-GO ») ou « БР » pour « Браковочный » («avec un défaut », que nous appellerons « REJET ») pour la jauge K-5 (nous y reviendrons). Précisons que l’utilisation d’outillage de contrôle ne s’entend que sur une arme propre et dégraissée…comme toutes les opérations d’inspection visuelle qui sont sans doute au moins aussi importantes que l’utilisation d’outillage comme celui-ci.

Il peut être déstabilisant pour les non-initiés de trouver deux types de jauges, qui de prime abord, semblent indiquer un refus lors du contrôle. Il est nécessaire de comprendre ici que le contrôle d’une arme (ou de tout autre système mécanique) peut se faire suivant au moins deux prismes lectures :

  • À la sortie de la chaine de production ou lors d’une réparation : il convient alors de vérifier, non seulement que les cotes sont bonnes, mais aussi de les considérer au vu de l’espérance de vie de l’arme. Ainsi, il est nécessaire d’employer des jauges permettant de garantir une durée de vie acceptable : donc, des jauges plus « serrées ».
  • Au cours de la vie opérationnelle de l’arme : il est normal que certaines cotes varient (usure par frottement ou tassement des matériaux par exemple). Il convient alors de vérifier que l’arme n’atteint pas des dimensions incompatibles avec un emploi sûr et fiable sans pour autant exiger que l’arme reste « à l’état neuf ».

La chose s’apprécie donc au regard de « l’espérance de vie » de l’arme avec un maximum de pragmatisme. Il en découle des jauges de refus différentes : « NO-GO » pour du matériel neuf ou tout juste réparé, et « REJET » pour des matériels opérationnels.

K-1 : jauges de saillie du percuteur

La mallette contient deux outils dédiés à cette vérification (Photo 09) :

  • La jauge 56-И-327 (pour RPD-44) avec pour valeur de contrôle : GO = 1,36 mm et NO-GO = 1,24 mm. L’exemplaire en notre possession dispose également de deux orifices : un de 2,3 mm (NO-GO) et un de 2,6 mm (GO). Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé la vocation de ces orifices, qui semblent n’être présents que sur cette variante bulgare de la jauge.
  • La jauge 56-И-231 / 56-И-212 (pour SKS-45 et AK-47) avec pour valeur de contrôle : GO = 1,52 mm et NO-GO = 1,40 mm. On note que certaines notices techniques donnent comme valeur « GO » 1,6 mm : cependant, on retrouve bien la valeur 1,52 mm dans les manuels de réparation de 1958 disponibles en fin d’article.

Ces jauges permettent de vérifier que le percuteur produit dans la cuvette de tir :

  1. Une saillie suffisante pour initier l’amorce de la munition.
  2. Une saillie non excessive pour ne pas perforer les amorces.

Utilisation de K-1

On positionne le percuteur en saillie maximale dans la cuvette de tir (Photo 10):

  • Lorsque la pointe du percuteur est positionnée dans l’encoche « GO », la totalité de l’extrémité arrière de la jauge doit être en contact avec la cuvette de tir : c’est la saillie maximale du percuteur.
  • Lorsque la pointe du percuteur est positionnée dans l’encoche « NO-GO », l’extrémité arrière de la jauge ne doit pas être en contact en intégralité avec la cuvette de tir : c’est la saillie minimale du percuteur.

Si le contrôle indique une défectuosité, il n’ordonne pas automatiquement le remplacement du percuteur ! Il indique simplement une anomalie : celle-ci doit mener à de plus amples investigations qui doivent conduire à une action corrective, dont le remplacement du percuteur n’est qu’un exemple. Dans le cas présent, un éclat d’amorce coincé en fond de canal du percuteur peut tout à fait être à l’origine d’une saillie minimale non conforme…et remplacer le percuteur n’y changera rien.

Les opérations de maintenance ne doivent jamais être le fruit d’automatisme ou de remplacement « pifométrique », mais bien de compréhension des phénomènes.

K-2 : jauge d’usure du canon

Celle-ci fonctionne par la mesure du diamètre d’âme en plat de rayure, avec pour valeur, 7,772 mm (Photo 11). On rappellera ici que la CIP donne pour valeur du diamètre du canon 7,62 en plat de rayure et 7,92 en fond de rayure (valeurs auxquelles il faut évidemment ajouter des tolérances). La jauge autorise donc une usure de près d’environ 0,152 mm…mais sur une distance très courte comme nous allons le voir. La jauge est, de façon logique, commune aux trois armes. De fait, elle est identique à celle employée sur les Mosin-Nagant…et pour cause, les canons des calibres 7,62×54 R et 7,62×39 présentent normalement les mêmes dimensions internes sur leurs parties rayées…de même que ceux en 7,62×25 ! Pragmatisme industriel…

Pour une raison qui nous est inconnue, l’outil possède sur sa partie molettée, un repère qui correspond exactement à 100 mm de longueur à partir de l’extrémité rectifiée. (La récitification est une méthode d’usinage qui permet l’obtention des cotes très précises ainsi qu’un état de surface très régulier…donc particulièrement compatible avec la réalisation d’outillage de contrôle).

Avant d’évoquer ici l’utilisation de cet outil pour la vérification du canon, il est nécessaire de garder en mémoire que les principaux critères d’évaluation d’un canon sont :

  • Son état de surface interne : absence d’oxydation, dans la chambre comme dans l’âme, absence de déformation (bague, écrasement, flexion)… Ce contrôle se réalise de façon visuelle, avec et sans outils dédiés. Une fois encore, attention à l’usage de certains outils de contrôle (nous pensons en particulier aux endoscopes) : ils mettent parfois en évidence des défauts (et non des dommages) qui ne sont pas incompatibles avec un usage de l’arme…on ne le dira jamais assez : restez pragmatique.
  • Sa précision. Cette précision est constatée par…le tir ! Ainsi, pour chacune des armes ici concernées, le manuel réglementaire nous indique que la précision est acceptable si le groupement de 4 tirs s’inscrit dans un cercle de 15 cm à 100 m…tout en tolérant un « flyer » (i.e. une balle qui sort du groupement), qui est vraisemblablement imputé à l’incompétence du tireur dans l’esprit du manuel soviétique. Une précaution fort sage… Professionnellement, la majorité des cas où des armes nous ont été reportées comme « imprécises » était en réalité liée à un manque de maitrise de son utilisateur.
  • Le fonctionnement de l’arme : l’état du canon (de sa chambre, de son âme…mais aussi de son ou ses évents d’emprunt de gaz le cas échéant) peut impacter le fonctionnement d’une arme automatique. La vérification se fait une fois de plus au tir, mais en observant des protocoles qui favorisent l’émergence de pannes ou en mesurant la cadence sur des tirs en rafales. Une fois encore, ce type de contrôle ne se fait pas « au doigt mouillé », mais en connaissance du matériel employé : arme et munition !

Utilisation de K-2

Sans forcer, on présente la jauge à la bouche de l’arme : celle-ci ne doit pas pénétrer d’une longueur supérieure à 7,62 mm (soit 1 calibre, cette longueur étant indiquée par une marque sur l’outil). L’information, confirmée par les 3 manuels de réparation consultés, n’est pas sans nous surprendre : de notre côté du rideau de fer, le contrôle se fait généralement par la chambre, voire par les deux côtés (notamment pour les armes de précision, avec des jeux jauges incrémentés en centièmes de millimètre permettant d’assurer un suivi précis de la vie canon…), mais rarement (en fait, jamais à notre connaissance…mais nous ne sommes pas omniscient !) uniquement par la bouche. De même, le dessin de l’outil, d’une longueur importante et comportant une marque de contrôle très nette à 100 mm comme déjà indiqué, nous aurait porté à croire que son utilisation se réaliserait par la chambre avec un point de comparaison sur le boîtier ou le canon (la tranche arrière par exemple).

Autre fait déstabilisant : depuis que nous sommes en possession de cet outil, nous avons contrôlé une trentaine d’armes de ce calibre de différentes provenances et en différents états : aucune n’a succombé à la vérification…et pourtant certaines sont connues pour ne plus remplir les conditions d’emploi opérationnelles de par l’état de leur canon ! On constate également que l’outil est à l’état neuf…ce qui nous indique que contrairement à d’autres, il ne semble pas avoir connu d’utilisation significative. La chose n’est pas surprenante : de fait, sur les très nombreuses armes que nous avons contrôlées au cours de notre carrière, l’utilisation de ce type de jauge n’a jamais permis de diagnostiquer une arme de façon préventive, mais nous a uniquement permis de valider une défectuosité constatée lors de séances de tir. Enfin, sur des armes dont l’âme du canon est chromée (chose systématique sur les armes soviétiques après 1951 selon des informations collectées de différentes sources), le contrôle visuel doit indiquer par lui-même, une dégradation nécessitant une réparation de l’arme…ou sa mise en « réforme » (Photo 12). Sur ce type d’arme de guerre, le remplacement du canon n’est pas prévu de façon réglementaire…canon HS = arme réformée. Pour mémoire, un matériel « réformé » est un matériel envoyé à la casse ou à minima exclu d’un usage opérationnel.

K-3 : jauge de feuillure “GO » (Photo 13)

Elle permet la vérification de la feuillure minimale et détermine ainsi que l’ensemble canon / culasse / carcasse est capable d’accueillir la munition aux dimensions maximales lorsque la culasse est verrouillée. Cette jauge a pour valeur de feuillure 32,85 mm. Précisons que cette vérification se fait dans la norme soviétique : oui, nous n’évoluons pas ici dans le monde civil de la CIP ou de la SAAMI!

On peut noter qu’il est rare d’inspecter des armes en service qui ne passent pas ce test : cette vérification est normalement faite à l’usine avant livraison ou en sortie de réparation et il y a peu de raisons de voir la feuillure d’une arme évoluée…en se resserrant ! C’est bien évidemment l’inverse qui se produit. Bien entendu, rien n’empêche de contrôler le GO dans le cadre d’une inspection…car on ne peut pas exclure la « salade d’arme », une pratique qui consiste à remonter un arme avec des pièces qui ne sont pas originellement les siennes…et qui peut conduire à des situations surprenantes !

Utilisation de la jauge K-3 (Photo 14)

Ayant retiré préalablement de la culasse le percuteur et l’extracteur et sans remettre en position le ressort récupérateur, on insère la jauge dans la chambre du canon et on raccompagne l’ensemble mobile en position de fermeture: la culasse doit se verrouiller sans forcer.

Pourquoi ne pas employer la jauge avec l’extracteur ? Les jauges sont des outils de précision : tant que faire se peut, il convient d’éviter tout type de dégradation et de choc à l’usage. Or, le passage de l’extracteur, le choc contre l’éjecteur et éventuellement, le choc de l’outil sur le sol, ne sont pas vraiment indiqués ou utiles pour une opération dont la finalité est « vérifier une dimension » !

K-4 : jauge de feuillure “NO-GO » (Photo 13)

Elle permet de vérifier que la feuillure n’est pas excessive…dans une arme neuve ou lors du remplacement de la culasse! En effet, ce type de jauge est normalement employé à la fabrication ou à la réparation pour contrôler que l’arme n’est pas mise ou remise en service avec une feuillure trop proche de l’excès, mais sans pour autant être « non-conforme ». Il s’agit en réalité d’une jauge destinée à vérifier qu’il y a bien une « marge », non pas de sécurité, mais bien de vieillissement. Cette jauge a pour valeur de feuillure 32,95 mm…seulement 0,10 mm de plus que la jauge « GO ». On note que les manuels de réparation pour RPD-44, SKS-45 et AK-47 évoquent également l’existence (et l’emploi) d’une jauge « К-4Р » (K-4R) dont la valeur est 33,05 mm…encore 0,10 mm de plus. C’est normalement cette jauge qui est employée pour le remplacement de la culasse lors d’une réparation.

L’existence de cette jauge « К-4Р » nous paraît être une invitation supplémentaire à faire preuve de pragmatisme : pour l’évolution de 0,10 mm de feuillure, combien de coups tirés et combien d’années de service ? Pour 0,10 mm de feuillure de moins, combien de réparations inutiles ? Combien « d’immobilisations » inutiles ? Une fois encore, l’espérance de vie de l’arme, dans une utilisation « normale », doit nécessairement rester le point de mire d’une inspection…la « sur-qualité », dans cette mission, est un gaspillage parfois très couteux pour le contribuable…

Utilisation de la jauge K-4 (Photo 15)

Ayant retiré préalablement de la culasse le percuteur et l’extracteur et sans remettre en position le ressort récupérateur, on insère la jauge dans la chambre du canon et on raccompagne l’ensemble mobile en position de fermeture: la culasse ne doit pas se verrouiller sur une arme neuve ou tout juste réparée. Sur une arme en service, si la culasse verrouille, on teste avec la jauge K-5. On peut noter que le manuel de réparation de l’AK-47 précise que sur une arme en réparation, le verrouillage ne doit pas intervenir avec un effort de 20 kg à la fermeture ! Un protocole plutôt précis pour une arme ayant la réputation (complétement infondée) d’être « primitive ». De fait, les gens qui énoncent cette bêtise (oui, c’en est une…) confondent « primitive » et « rustique ».

K-5 : jauge de feuillure « Rejet » (Photo 13)

Elle permet de vérifier qu’il n’y a pas d’excès de feuillure. Un excès de feuillure conduit à des incidents de tir, voire à des accidents (rupture de culot…). Il s’agit de LA jauge de feuillure utile pour le contrôle d’une arme en service. Cette jauge donne une valeur de feuillure de 33,15 mm, soit 0,20 de plus que la jauge NO-GO K-4 (0,10 de plus que la К-4Р) et 0,30 de plus que la jauge K-3 « GO ». Ce contrôle se joue bien sur 0,30 mm au total…soit l’épaisseur d’une feuille de papier de 80g pliée en 3…

Utilisation de la jauge K-5 (Photo 16)

Ayant retiré préalablement de la culasse le percuteur et l’extracteur et sans remettre en position le ressort récupérateur, on insère la jauge dans la chambre du canon et on raccompagne l’ensemble mobile en position de fermeture: la culasse ne doit pas verrouiller. Si la culasse verrouille : l’arme est à considérer comme « interdite de tir », car présentant un danger à l’utilisation. Elle doit être réparée…ou réformée !

K-6 : jauge d’espacement sous extracteur (Photos 17 à 19)

Ces jauges permettent de contrôler la distance entre la cuvette de tir et la surface antérieure de la griffe d’extracteur. Rappelons ici que l’extracteur a bien évidemment pour fonction le retrait de l’étui tiré de la chambre…mais aussi la fonction de guider l’étui lors de la phase d’éjection. L’extracteur est un élément mécanique particulièrement sollicité sur une arme automatique. La mallette comporte trois outils :

  • Le 56-И-327 (pour RPD-44) avec pour valeur de contrôle : GO = 1,6 mm et NO-GO = 1,8 mm.
  • Le 56-И-231 (pour SKS-45) avec pour valeur de contrôle : GO = 1,7 mm et NO-GO = 1,85 mm.
  • Le 56-И-212 (pour AK-47) avec pour valeur de contrôle : GO = 1,7 mm et NO-GO = 1,9 mm.

Utilisation de la jauge K-6 (Photo 20)

Sur la culasse comportant son extracteur assemblé, sans forcer (l’extracteur assemblé dans la culasse possède une grande élasticité, il convient donc de ne pas « fausser le contrôle »), positionner la jauge en maintenant l’extrémité avant de l’outil en contact avec la cuvette de tir, puis présenter l’outil en contact avec la griffe de l’extracteur :

  • Le côté « GO » doit passer sous la griffe.
  • Le côté « NO-GO » ne doit pas passer sous la griffe.

Il est à noter que dans certaines versions des manuels de réparation (de fait, les trois mises à disposition en fin de cet article, mais au moins un autre manuel de réparation pour SKS ne mentionne pas cette pratique), l’utilisation de cette jauge se fait associée à une cale rectifiée :

  • de 0,20 mm d’épaisseur pour l’AK-47
  • de 0,25 mm d’épaisseur pour le SKS-45
  • de 0,30 mm d’épaisseur pour le RPD-44.

Dans les trois cas, la dimension ainsi obtenue est 2,10 mm d’épaisseur. Les raisons de cette variation de protocole ne nous sont pas connues de façon formelle. Cependant, elle résulte sans doute de la volonté d’éviter des réparations inutiles : il est ainsi constitué une jauge « REJET » à 2,10 mm par l’emploi modifié de la jauge « NO-GO » de chaque arme. La cote de contrôle est « repoussée ».

L’outil de réglage en direction du guidon ПРБ-1 (PRB-1) pour AK-47 et SKS-45

Cet outil se présente sous la forme d’une presse à doubles commandes, possédant un vernier sur chaque commande (Photos 21 et 22). La graduation sur la tige de l’outil indique le déplacement du support de guidon (et donc, du guidon lui-même) en millimètres et sur le vernier, en 1/25 mm avec une graduation tous les 5/25 de mm. L’outil nous indique la correspondance du déplacement du guidon pour 1 graduation de 1/25 mm à 100 m pour chaque arme (la différence étant issue de la différence de longueur de mire) :

  • 1 cm à 100 m pour le И-212 (AK), soit 25 cm à 100 m pour 1 mm de déplacement.
  • 0,8 cm à 100 m pour le И-231 (SKS), soit 20 cm à 100 m pour 1 mm de déplacement.

On note ici que si la valeur de réglage du guidon pour le SKS correspond bien à celle du manuel réglementaire soviétique, celle de l’AK varie de 1 cm à 100 m par rapport à celle de son manuel. Elle est annoncée à 26 cm à 100 m pour 1 mm de déplacement dans le manuel réglementaire, contre 25 cm à 100 m sur l’outil. Est-ce problématique ? Non, évidemment pas : les spécifications d’emploi de ce type de matériel, notamment ici en matière de précisions, sont tout à fait compatibles avec ce type d’approximation. Il s’agit d’un fusil (d’assaut) d’infanterie, pas d’une arme de match : une fois encore, les Soviétiques ont fait preuve de pragmatisme.

Utilisation de l’outil ПРБ-1

Après un premier tir de 4 cartouches à 100 m, on établit le point moyen du groupement et on mesure sa déviation par rapport au point visé, en hauteur + direction. On dispose ensuite l’outil sur la bouche de l’arme de façon à encadrer la tourelle porte-guidon (on prend bien évidemment soin de disposer l’outil avec ses commandes dévissées afin de ne pas gêner sa mise en place – Photos 23 et 24). On déplace alors le support du guidon de la valeur correspondant à la différence constatée entre le point moyen du groupement et le point visé au moyen des commandes de l’outil. Le réglage en hauteur du guidon se fait à l’aide de l’outil combiné contenu de la crosse de l’AK ou du SKS : un tour de guidon le déplace de 0,75 mm (soit 15 cm à 100 pour le SKS-45 et 18,75 ou 19,5 mm à 100 m pour l’AK en fonction de la valeur prise en compte, 25 ou 26 cm pour 1 mm de déplacement du guidon – Photo 25). Les valeurs annoncées pour le réglage en direction sont donc identiques pour le réglage en hauteur. À l’issue de ce réglage, on réitère le tir de 4 cartouches pour constater la modification réalisée sur le point moyen.

Afin de ne pas « courir après son tir », il peut être judicieux de réaliser plusieurs groupements ( 3 x 4 cartouches paraît être un choix raisonnable) avec une remise en place du tireur entre chaque série. Le but de cette disposition est de vérifier que l’habileté du tireur n’influe pas excessivement sur le réglage de l’arme…un tireur irrégulier ne sera jamais en mesure de régler convenablement son arme…à bon entendeur…Et pour ceux qui veulent plus d’informations sur ce sujet…chapitre 9 du « Petit Guide de l’Armement »…sur ce même site !

Une fois encore, il convient également de rester ici pragmatique, que ce soit pour l’AK, le SKS ou la RPD, il s’agit d’arme de combat d’infanterie…pas des armes de match. À cet égard, rappelons une fois encore que la précision admissible dans les manuels soviétiques est un cercle de 15 cm à 100 m…

Enfin, après essai du dispositif, on constate que la mise sur « 0 » du support du guidon correspond à un centrage de celui-ci sur la tourelle de guidon. Plutôt précis pour une arme « primitive »…ok, je taquine.

En conclusion

Ce coffret de contrôle, comme tout outillage spécifique à l’armement, est une superbe pièce de collection pour l’amateur féru de technique. Il peut également, servi avec discernement, apporter une aide précieuse dans une utilisation professionnelle. Cependant, il est nécessaire de rester pragmatique : cet outillage, utilisé sans discernement, sera non seulement incapable de résoudre le moindre problème, mais pourra également conduire au rebutage d’armes en état de servir. Enfin, il est également nécessaire de garder à l’esprit que le contrôle d’une arme s’effectue avant tout par un examen visuel raisonné…ceux qui sont intéressés par le sujet peuvent se rapporter au chapitre 12 du « Petit Guide de l’Armement » (en libre accès!) en ligne sur ce site.

Arnaud Lamothe

Remerciement : Esistoire pour la fourniture de ce matériel.

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    Arnaud Lamothe

    Expert près la Cour d'Appel de Limoges, ancien contrôleur des services techniques du ministère de l'Intérieur, cofondateur du site LAI Publication, Arnaud est un spécialiste des armes de guerre de petit calibre. Auteur d'articles, il désire au travers de ce site partager sa passion et ses connaissances pour ces sujets.

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