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La carabine custom SDS .22 LR sur base de Drulov

Une fois n’est pas coutume, présentons ici une création de l’armurerie SDS : la conversion du pistolet monocoup Drulov 75 en carabine à silencieux intégré. Notre première rencontre avec cette arme remonte au début des années 2010 lors d’une séance de tir. Jean Paul Sape, le fondateur de l’armurerie SDS nous avait alors dévoilé deux pistolets Drulov 75 modifiés en carabines mono coup silencieuses. S’en était suivi une longue après-midi de tir à des distances de 100 à 200 m sur des plateaux d’argile. Les armes étaient « brutes », à l’état de prototypes, mais nous avions été surpris par la précision et charmés par l’originalité du concept.

Rien ne se perd, rien ne se crée…

Eh oui, mes braves amis, en France on n’a pas de pétrole, mais des idées. La citation apocryphe attribuée à Antoine Lavoisier est parfaitement illustrée ici « Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme » ! Depuis ces premiers travaux, le concept a évolué au gré d’essais, l’armurerie SDS propose – quand l’approvisionnement en « matière brute » le permet – une version aboutie de cette carabine. Classée en catégorie C dans la législation Française, l’arme est particulièrement insolite et originale, mais également redoutablement précise. Elle est directement basée sur une famille de pistolets .22 LR monocoup Tchèques Drulov. Ces armes mises sur le marché au début des années 70 et en vente libre en France jusqu’à la fin des années 1990 ont fait le bonheur de nombreux tireurs. Extrêmement bon marché, les modèles les plus élaborés offraient une excellente précision jusqu’à 50 m. Elles furent notamment employées dans les disciplines du pistolet libre et de la silhouette métallique. À la fin des années 1990, l’évolution de la législation, les soumettant à autorisation préfectorale, scellera leur sort. Si les propriétaires purent conserver leurs armes « hors quota », ce changement de catégorie en rendit la vente quasi impossible. Elles furent ainsi condamnées à rester dans les rayonnages de nombreuses armureries ou à tout simplement être détruites. Ainsi la « matière première » de ces carabines est en principe disponible, il ne restait qu’à mettre en œuvre le projet.

Dans la conception de l’armurier, l’arme se veut minimaliste et épurée : elle en est à la fois élégante et intrigante pour un profane. La ligne générale est tubulaire, seule la poignée en position centrale rompt la silhouette. Le Drulov 75 est monocoup, donc point de magasin… Avec 82 cm, ce custom se veut extrêmement compact, tout en assurant la longueur minimale pour un classement en catégorie C. Le boitier de culasse en acier est en position centrale. De forme rectangulaire, il rassemble l’ensemble des éléments de l’arme. La fenêtre d’alimentation / éjection est en position supérieure. L’arme ne dispose pas de levier de sécurité, la seule commande présente à l’arrière droit du boitier est l’axe de démontage de la culasse.  Cette dernière est une pièce cylindrique se verrouillant par un verrou mobile disposant de deux tenons positionnés à l’arrière. On y retrouve classiquement un percuteur lancé, son ressort ainsi qu’un extracteur. C’est sur le verrou de cette culasse qu’est fixée une tige reliée au talon de crosse. La manipulation de la culasse s’effectue ainsi via la plaque de couche et non par le bouchon de culasse à l’arrière du boitier comme sur l’arme de poing.

Un concept silencieux

Comme sur l’arme originale, le canon est vissé dans le boitier de culasse. D’une longueur de 25 cm il permet une exploitation intéressante de la munition bien au-delà des 25 m, d’où son excellente réputation de précision à 50 m. Ce canon n’est plus visible, puisque le silencieux vient le recouvrir sur 46 cm pour un diamètre de 30 mm. Les éléments de ce silencieux ont été conçus par SDS : il s’agit d’un ensemble d’alvéoles trapézoïdales usinées dans une barre d’aluminium (visible sur la photo 18). L’ensemble ainsi formé n’est plus démontable, puisque garantissant la longueur de l’arme et donc son classement administratif. Pour le tireur Français, on peut noter que l’arme dispose d’un numéro RGA la classant en catégorie C, précieux et incontournable sésame pour la commercialisation depuis janvier 2021.

La platine est un modèle du genre pour une arme de match, permettant des lâchers directs et pouvant être réglée à un poids de départ extrêmement léger. Petite curiosité du Drulov 75, il n’y a pas à proprement parler de « queue de détente », mais un bouton que l’on pourrait apparenter à une tête de vis. Perturbant au départ, mais réellement performant. Le système n’est pas armé par le mouvement et le verrouillage de la culasse, mais par un levier latéral disposé à gauche du pontet, qui s’apparente à un « Stecher » à armement séparé comme sur certaines armes de chasse. Dans la pratique, ce système permet de transporter l’arme de manière sûre en dissociant l’approvisionnement de l’armement, ce qui est un point positif, même sur un pas de tir. Le dispositif permet donc de palier à l’absence d’une traditionnelle sécurité par levier. Naturellement, le tir est impossible si la culasse n’est pas totalement verrouillée.

La poignée est en bois, fixée par une vis traversante au boitier de culasse. Une peinture noire la recouvre et renforce la sobriété de l’arme. Suivant le type de Drulov modifié, on peut avoir des différences dans les poignées, par exemple son angle ou par la présence d’éléments anatomiques réglables. Notre Drulov 75 comporte une poignée dont l’angle ne lui octroyait pas une prise en main confortable pour une arme de poing (à l’inverse du Drulov 90), en version carabine il n’en est rien et le tireur prend naturellement une prise en main adéquate.

Pour les plus cinéphiles, le carabine SDS Drulov 75 rappellera la carabine minimaliste utilisée dans le film « Le Chacal ». On ne parle pas ici de l’outrageant blockbuster Hollywoodien avec Bruce Willis, mais du film « The day of the Chacal » dont il est inspiré. Ce chef d’œuvre franco-britannique sorti en 1973   relate la traque d’un tueur professionnel agissant pour le compte de l’OAS et devant supprimer le Général de Gaulle, rien que cela ! Edward Fox est pisté par le commissaire Lebel interprété par l’excellent Michael Lonsdale, le tueur utilisant une carabine minimaliste et démontable, camouflée dans une béquille orthopédique et tirant des munitions de 8,15×46 R… explosives qui plus est ! On retrouve dans le custom de SDS, un peu de cet ADN…

Une mise en œuvre atypique

La crosse est donc constituée d’un tube accueillant une tige en acier directement reliée à la culasse, une plaque de couche en acier l’équipant à son extrémité. La plaque de couche permet de déverrouiller la culasse par une rotation antihoraire d’un sixième de tour (et inversement pour le verrouillage). Cette tige est insérée dans un tube directement relié au boitier de culasse.

Ayant destiné l’arme à être équipée d’une visée optique (ou optronique), l’arme ne dispose plus d’éléments de visées métalliques. La partie supérieure du boîtier a été fraisée et filetée, une embase Picatinny mise en place. On peut donc rapidement et facilement installer la quasi-totalité des montages optiques du marché. Notons que le corps du silencieux, de diamètre 30 mm permet l’utilisation de colliers pour lunettes du marché afin d’installer des accessoires en option. Ici, un collier disposant de deux rails Picatinny permet d’installer le bipied mais aussi une deuxième optique, comme un point rouge en « visée de secours ».

L’ensemble de l’arme reçoit une finition Cerakote « Midnight Bronze » du plus bel effet. À la fois discrète, la teinte de l’habillage met clairement en avantage la ligne fluide de l’ensemble avec un look hors du commun !

Pour nos essais, nous avons installé une optique compacte Hawke Frontier de diamètre 30 mm, d’un grossissement 1-6×24. Le réticule permet de facilement compenser la chute de projectile en fonction du type de munitions employées (standards ou subsoniques), ainsi qu’aux distances de tir. Le réticule est illuminé pour un usage par faibles conditions de luminosité. Un point rouge de type « Docter Optics » est donc installé comme « visée de secours » à l’avant.

Des essais concluants

Nous avons eu le loisir de pouvoir tester cette carabine sur une longue période et de la mettre entre les mains de plusieurs tireurs. Les distances de tirs se sont échelonnées de 25 à 100 m, en position posée ou en tir sans appui.

Les munitions employées ont été les excellentes RWS « Pistol Match » et « Rifle Match », la Subsonic HP, ainsi que des CCI Subsonic. La mise en œuvre et l’alimentation sont simples, quoiqu’assez inhabituelles. La main faible, en l’absence de fut, tient le tube du silencieux à l’avant du boitier pendant que la main forte passe de la poignée à la plaque de couche pour ouvrir la culasse. Le chargement est pratique, il suffit de déposer la cartouche dans son berceau et de verrouiller la culasse. L’extraction est fiable, l’éjection demande une action un peu plus franche à l’ouverture, mais en inclinant latéralement l’arme l’étui vide tombe au sol. En somme des habitudes à prendre. Une fois armée, la « détente » (bref, le bouton…) procure un départ direct, net et extrêmement léger, réellement profitable à la précision tout en nécessitant une certaine accoutumance pour des novices de ce type de platine.

La prise en main est effectuée par des premiers tirs de réglage à 25 m, sur un pas de tir pour pistolier. À bras franc les groupements restent au 10 de la C50, la distance est courte mais permet de trouver ses repères et ses habitudes avec une carabine aussi courte et légère (à peine 1950 g). Les tirs à 50 m ont été réalisés principalement sur des cibleries réactives, en position debout ou assis, la chute du projectile évaluée et les corrections apportées au réglage permettent des résultats encore une fois très satisfaisants, mais le pistolet originel ayant déjà cette réputation, c’est à 100 m que nous procéderons à la plupart de nos tirs posés. Les groupements avec des munitions subsoniques restent groupés dans le visuel de 10×10 cm, ce qui vu la longueur du tube et le grossissement modéré de la lunette sont des résultats très satisfaisants. Les munitions RWS Pistol Match nous ont accordé un groupement de 5×5 cm à la même distance, que demander de plus à un canon de 25 cm…

On peut par ailleurs se demander quelle longueur de canon permet une exploitation optimale d’une munition de .22 LR “standard”. De son côté, l’armurerie SDS, afin de se faire sa propre idée pour ses travaux, a réalisé des essais : sans réelles surprises, il semblerait bien que 50 cm soit un excellent choix. Mais pour l’utilisation qui est faite ici (avec silencieux intégré dans une arme compacte), le choix de conserver le canon original de 25 cm, est plus que rationnel, tant d’un point de vue économique que pratique. Ce canon est par ailleurs particulièrement réputé pour sa précision…pourquoi changer une équipe qui gagne ?

Avec le temps, notre carabine a évolué : le point rouge « de secours » – finalement inutile – a disparu au profit d’un montage pour bipied plus léger et plus simple et la lunette Hawk a cédé la place à une lunette Shepherd 4-16×44 FFP installée sur un montage Warne Cantilever 20 MOA dans le but d’emmener la carabine SDS Drulov 75 à 200 et 250m. Et le résultat est probant : nos meilleurs groupements sont inférieurs à 15 cm de diamètre à 250 m…de quoi faire de belles séances de tir sur gong !

Le point fort, en dehors du look et de la précision, demeure la discrétion des tirs. En subsonique, le son produit est celui d’une petite carabine à air comprimé, sans le claquement « sec ». Avec des munitions standards comme les Rifle Match, l’arme produit une nuisance sonore extrêmement réduite permettant le tir sans protection auditive, voire sans gêne aucune pour le voisinage. C’est ce qui ajoute encore plus de fun aux séances de tir où tous les tireurs sont silencés. Le tir sur gongs ou silhouettes métalliques gratifient le tireur précis d’un tintement lui indiquant le coup au but !

Concernant l’entretien, comme évoqué, le silencieux n’est pas démontable afin de garantir le classement administratif de l’arme (à l’instar de la majorité des carabines .22 LR à silencieux intégré). Ainsi, l’entretien cette arme va se réduire aux boîtier, culasse et canon. Après s’être assuré qu’aucune munition n’est présente dans l’arme, retirer la goupille captive de démontage à l’arrière du boitier et reculer l’ensemble via la plaque de couche. À l’arrière du tube de crosse, à l’aide d’une clé BTR, enlever entièrement la vis afin de libérer la bague de guidage captive de la crosse. Une traction supplémentaire permet de sortir la culasse. Avantage indéniable de ces mécaniques simples, le nettoyage s’effectue facilement. Une bonne lubrification sera appliquée avant le remontage en sens inverse.

En conclusion

Ce custom haut en couleur est un véritable plaisir à tirer. Original et doté d’un look particulièrement soigné, il permet autant le tir ludique que la recherche de la précision. Courte et bien équilibrée, cette arme satisfera tous les gabarits, même les plus jeunes tireurs. L’arme présentée est issue d’une petite série produite sur réservation. Le procédé étant établi, de nouvelles carabines peuvent être réalisées sur commande, l’idéal étant de fournir le Drulov servant à la transformation. Le budget est somme toute raisonnable au vu du travail d’atelier et administratif, de l’ordre de 550€ en comptant le passage au Banc d’Épreuve de Saint-Étienne.

Julien Lucot

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L’armurerie SDS :

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    Julien Lucot

    Julien Lucot est amateur d'armes éclairé et un tireur Français qui à écrit de nombreux articles dans la presse française des armes à feu. Enthousiaste et ouvert d'esprit, sa soif de découverte n'a d'égale que sa joie de partager.

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