Dans la famille des pistolets Tokarev-Tula (ou TT), une des variantes les plus « exotiques » est certainement ce pistolet Hongrois à destination de l’Égypte. L’arme s’éloigne en effet quelque peu des « canons » Soviétiques : passage au calibre 9×19 mm, révision de la prise en main par la dotation de plaquettes clairement inspirées du P.38, ajout d’une sûreté… D’une certaine façon, on pourrait croire que les TT-33 ont rencontré ici des ingénieurs Allemands ! Et pourtant, il n’en est rien.

Une commande circonstancielle de l’Egypte ?

L’excellent site sur les armes Hongroises http://www.hungariae.com/ nous indique que cette arme fut développée par Ambrus Balogh suite à une commande de 30 000 armes par l’Égypte en 1957 (nous y reviendrons en détail). Toujours selon le même site, l’arme aurait initialement été baptisée « TT-9P », sans doute pour « Tokarev-Tula 9 mm Parabellum » et sera finalement marquée « Tokagypt 58 » pour les exemplaires destinés à l’Égypte. Seules 13 250 armes auraient été livrées avant que le contrat ne soit interrompu. La cause de cette interruption n’est à ce jour pas formellement connue. La cessation de paiement par l’Egypte est avancée par la plupart des sources, sans être pour autant documentée à notre connaissance. De notre côté, une petite analyse circonstancielle semble apporter des éléments de réponse que nous trouvons intéressants…et à vrai dire plus vraisemblables. À prendre comme toujours, avec un regard critique : il s’agit de suppositions reposant sur certes, des faits historiques et des dates « communément » admises…mais en aucun cas dument sourcées par des documents officiels rendus publics !

Il est ainsi nécessaire de revenir ici au contrat d’achat d’armes de poing précédent l’achat du FÉG Tokaygpt 58. À une date non spécifiée de la première moitié des années 1950 (mais dans tous les cas, avant la crise du canal du Suez, certains de ces pistolets datés de 1955 ayant été récupérés lors du conflit), l’Égypte passe une commande de 50 000 pistolets Italiens Beretta 951 de calibre 9×19 mm. Cette commande s’inscrit dans une continuité : le désir Égyptien de se fournir en armement moderne. Cette volonté va même plus loin : elle vise in fine, à subvenir à ses propres besoins en la matière. Ainsi, cette commande de Beretta se fait après :

• L’achat de la licence de production des pistolets-mitrailleurs Suédois Carl-Gustav m/45 de calibre 9×19 mm (dès 1948 selon certaines sources, mais bien plus vraisemblablement au milieu des années 1950) qui seront dénommés « Port-Saïd », puis « Akaba » dans une version simplifiée.
• L’achat de la licence pour la production des fusils semi-automatiques « Hakim » de calibre 8×57 mm IS (vraisemblablement en 1954), dérivés de l’AGM/42b, également d’origine Suédoise.

Toutes ces armes sous licence (et d’autres que nous évoquerons plus loin) seront toutes produites à l’usine 54 de Maadi, ouverte en 1954 dans la banlieue du Caire qui a fermé en janvier 2024.

Il est à noter que la dotation du couple fusil semi-automatique (d’un calibre d’une puissance s’inscrivant dans la continuité des calibres employés pendant les deux guerres mondiales) / pistolet-mitrailleurPistolet-Mitrailleur More est résolument « moderne » dans les années 1950 : à cette époque, seuls les Soviétiques sont dotés d’un réel « fusil d’assaut » (donc, en calibre intermédiaire) avec l’AK (aussi dite AK-47 dans la littérature, bien que cette appellation ne soit pas réglementaire). En occident, il faudra attendre 1964 pour voir le premier fusil d’assaut (le M16) entrer officiellement en service…dans l’US Air Force ! Le couple fusil d’infanterie semi-automatique (voire automatique, mais inexploitable dans ce mode avec des calibres de type 7,62×51 mm) en calibre « standard » / pistolet-mitrailleurPistolet-Mitrailleur More aura encore de beaux jours devant lui. Certains pays occidentaux ne passeront au fusil d’assaut que tardivement (comme l’Allemagne réunifiée, au début des années 1990). Il est intéressant de noter que l’Égypte, elle, se dotera grâce aux Soviétiques des moyens de production (toujours à l’usine 54 de Maadi) de sa version locale de l’AKM, le « MSIR », dès 1963.