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4 - Le Pistolet Soviétique Makarov

La fin de la Seconde Guerre mondiale fut le crépuscule d’un monde multipolaire et l’aube de la Guerre Froide. Un moment de bascule qui s’ouvrait vers l’inconnu. Beaucoup de choses étaient à reconstruire, mais aussi beaucoup de concepts, étaient à repenser. Bien que la chose puisse paraître dérisoire face au cours de l’Histoire, c’est ce que firent les Soviétiques pour leurs armes de poing et leurs calibre : repenser le concept pour un usage défensif. De cette réflexion naîtra une arme réglementaire particulièrement atypique dans son contexte : le pistolet Makarov de calibre 9×18 mm.

Un nouveau calibre

Le calibre de 9×18 mm « Makarov » fut finalisé vraisemblablement entre 1947 et 1948 par Boris Semin, un des pères de la 7,62×39 M43. La munition originelle comportait un projectile cylindro-sphérique à base plate doté d’un noyau en plomb chemisé acier plaqué tombac pour un poids de 6,2 grammes. Ce projectile sera rapidement remplacé par un projectile de même forme à noyau en fer doux (en forme de champignon) enrobé de plomb et chemisé acier plaqué tombac pour un poids de 5,75 grammes (Photos 06 et 07). Les étuis seront d’abord construits en laiton, puis en acier cuivré ou en acier laqué. Cette évolution consistant à généraliser l’emploi de l’acier, que l’on retrouve sur la majorité des munitions soviétiques, répond avant tout à la volonté d’économiser des matériaux coûteux et stratégiques : le plomb et le cuivre. Concernant le projectile, la présence d’un noyau en fer doux accroît également les capacités de perforation dans certaines circonstances. Cela étant, un noyau en fer doux ne constitue pas un noyau “perforant”: il s’agit bien d’une balle ordinaire au regard de ses capacités de perforation. Pour ce dernier point, il s’agit d’une considération technique et non légale : dura lex, sed lex. La vitesse initiale de la munition réglementaire est annoncée dans la documentation officielle à 315 m/s lorsqu’elle est tirée dans un pistolet Makarov et à 340 m/s (donc légèrement supersonique) tirée dans pistolet Stechkin.

Selon l’expression consacrée alors par les Soviétiques eux-mêmes (dixit D.N. Bolotin), la 9×18 “Makarov” devait remplacer la 7,62×25 tout en conservant « le pouvoir d’arrêt de leurs prédécesseurs en 7,62 mm) » (en Anglais dans le livre : « the striking power of their 7.62 mm predecessor », sachant qu’il s’agit ici d’une traduction du Russe). La chose paraît obscure, les deux munitions n’étant tout simplement pas comparables…la 7,62×25 est plus de deux fois plus puissante que la 9×18 en terme d’énergie cinétique, et ce de 0 à 50m. La notion même de « striking power » (parfois appellé « stopping power »), le « pouvoir d’arrêt » n’est pas une notion très scientifique, sujette à phantasme mais qui pourrait faire l’objet d’un débat intéressant…que nous ne ferons pas ici ! L’efficacité terminale d’une munition est une chose complexe, difficile à aborder rapidement et qui ne saurait se résumer à une simple comparaison d’énergie cinétique. La rapidité avec laquelle cette énergie est délivrée à la cible (dont la nature est à définir) est un facteur important à prendre en compte de même que les désidératas en matière de perforation. En bref, il faut un cahier des charges complet pour qualifier ce qu’attend le “client” d’une munition. Et les attentes peuvent être très variables d’un “client” à l’autre, par exemple entre celles d’un Policier et celles d’un Militaire ! Dans le cas du Makarov, il convient d’être pragmatique : il s’agit d’une munition à destination d’armes de poing dont la vocation se limite à la défense personnelle à distance rapprochée à une époque où les protections balistiques individuelles sont encore très rares. On peut cependant noter qu’en URSS, la fin de la Deuxième Guerre mondiale avait démocratisé le port des plaques d’acier « Stalnoi Nagrudnik » (Стальной нагрудник), une protection balistique, qualifiable de « cuirasse », dont les caractéristiques techniques sont cependant assez éloignées de nos « Gilets Pare Balle » actuels. Ainsi, dans ce rôle et dans son contexte, la 9×18 Makarov est excellente : elle est suffisamment puissante pour mettre un homme hors de combat efficacement et assez sobre pour ne pas nécessiter la conception d’arme trop compliquée comportant un verrouillage ou pouvant générer par sa puissance des bris de pièces comme cela était (vraisemblablement) le cas avec le 7,62×25 dans TT 33. Concernant la balistique lésionnelle, un choix intéressant mérite d’être souligné ici : le projectile n’est pas « Cylindro-ogival », mais « cylindro-sphérique » (différence visible sur la photo 06). Ce choix a deux conséquences : à longueur de projectile égale, sa masse se voit augmentée (de façon faible certes, mais en balistique, chaque gain compte) et le projectile présente un profil moins aérodynamique que la plupart des autres armes de poing contemporaine (et notamment, le 9×19 ou le 7,62×25). Ce dernier point, qui peut être considéré comme un désavantage en matière de balistique extérieure, est clairement un avantage en matière de balistique lésionnelle. Il est ainsi plus prompt à ralentir rapidement dans la cible et à transférer son énergie plus rapidement…tout en respectant les conventions de la Haye, car ne subissant aucune déformation ! Ainsi, tout en étant moins puissante et moins perforante qu’un 7,62×25, elle est sans doute plus létale avec ses 9 mm sphériques. Par contre, au regard de la pénétration pure (comprendre ici, dans un écran protégeant la cible), la 9×18 Makarov ne peut certainement pas prétendre rivaliser avec la 7,62×25 Tokarev…mais ce rôle « anti-matériel » est-il bien dévolu à une munition d’arme de poing ? Une fois de plus, cette question ne saurait être résolue que par la rédaction d’un cahier de charges en bonne et due forme !

Le 9×18 Makarov sera mis en service à travers deux armes en URSS pendant la guerre froide: le pistolet Makarov et le pistolet rafaleur Stechkin. Nous ne traiterons au travers de cet article que du Makarov, le Stechkin étant traité dans un article à paraitre dans deux semaines. Ce calibre connaitra d’autres utilisations au sein du Pacte de Varsovie dans quelques rares P.A. et P.M ainsi que des utilisations sporadiques dans d’autres armes de la Russie postsoviétique…dont certaines seront présentées dans ce recueil d’articles !

Plusieurs types de munitions seront produits, dont des munitions à déformation programmée (sans doute pour un usage « Police »), des munitions perforantes et même des munitions traceuses. La munition a même connu une production non négligeable chez les fabricants hors URSS. Notons également ici l’apparition au début des années 1990 d’une munition “modernisée” dénommée dans la littérature consacrée “9×18 PMM”. Cette munition afficherait des performances comparables au 9×19 Parabellum (affirmation soumise à caution) avec une vitesse initiale de l’ordre de 415 m/s tirée dans le pistolet “Pistolet Makarov Modernisé” que nous évoquerons plus loin. Son emploi est réservé à ce “Pistolet Makarov Modernisé” dit parfois de “seconde génération” et à quelques pistolets-mitrailleurs de la Russie postsoviétique. Attention : l’emploi de cette munition dans une autre arme (notamment les pistolets Makarov “PM” et Stechkin “APS”) peut aboutir à une rapide détérioration de celles-ci. Une fois de plus chaque arme est conçue pour une gamme de munitions précise et non pas nécessairement pour toutes les munitions existantes pour ce même calibre.

Une arme de poing pour un emploi universel défensif

En 1945, l’URSS lance une mise en compétition où Nikolay Fedorovich Makarov, concepteur au bureau d’étude de Tula (le KBP) et d’autres concepteurs de l’Union Soviétique (dont Tokarev, Simonov, Korovin, pour ne citer que les plus connus par les amateurs d’armes Soviétiques) sont appelés à concevoir le remplaçant du TT 33. Le nouveau pistolet se devait d’être plus compact, plus léger, plus précis (une notion qui inclut vraisemblablement celle de « probabilités d’atteinte » dans l’esprit des Soviétiques) et plus fiable que le TT 33. Le calibre devait être de 7,62×25 ou de 9×18, calibre alors en développement : le choix étant laissé à la discrétion du concepteur. L’arme était particulièrement attendue au tournant sur des questions de fiabilités, une obsession bien justifiée pour une arme de guerre et très présente dans l’esprit militaire soviétique. En 1951, c’est l’arme de N.F. Makarov qui est adoptée en calibre 9×18 mm, bien que le concepteur ait proposé également une arme en 7,62×25. Son appellation officielle est “9mm Pistolet Makarova” (Пистоле́т Мака́рова), souvent abrégée en “PM”…qui pour les francophones évoque immédiatement la terminologie « Pistolet Mitrailleur » semant de par là même un certain trouble ! Cette nouvelle arme, aux dimensions proches d’un pistolet de poche, était destinée à une dotation “universelle” pour les forces armées et de polices de l’URSS.

Souvent considéré à tort comme un clone pur et simple du Walther PP (qui date de 1929 – Photo 08), le Makarov partage avec lui surtout une bonne partie de son ergonomie, mais finalement que peu de sa mécanique. Nous préciserons ces similitudes et ces différences au fur et à mesure de la description de l’arme. On ne peut cependant pas nier que les Soviétiques furent influencés par l’arme allemande : ils la connaissaient bien ! Elle semble avoir fait partie de la myriade de pistolets de poche achetés avant la Seconde Guerre mondiale (la production des TK-26 ayant cessé au milieu des années 1930) et elle fut sans doute saisie en quantités non négligeables lors de ce même conflit.

D’un point de vue ergonomique (sans parler ici du démontage, qui sera décrit plus loin), nous sommes en présence d’un pistolet semi-automatique équipé d’un système de mise à feu simple et double action et doté d’un levier de sûreté / désarmement positionné sur le côté gauche de la partie arrière de la culasse (Photo 09). Première différence, le levier de sûreté est actionné dans le sens inverse de celui de l’arme allemande : en bas, elle est prête au tir, en haut, la sûreté est engagée. Ce choix provient probablement du retour d’expérience du PP (mais aussi peut-être des pré-séries de Makarov, le dessin du levier ayant évolué) : à l’armement, on tend à désengager la sûreté et non à l’engager. Les utilisateurs de MAC 50, Beretta 92 (et ses variantes) et bien sûr du Walther PP comprendront aisément ici le propos. La chose est particulièrement criante avec le MAC 50, au point d’un devenir un défaut sous nos critères actuels : à l’armement, on tend naturellement à engager la sûreté. Et la chose semble bien avoir été pensée en ce sens sur le MAC 50 ! La légende dit même qu’à l’adoption du MAS G1 (variante du Beretta 92 en service dans l’armée Française, Gendarmerie incluse), le choix de ne pas disposer d’une sûreté, mais seulement d’un levier de désarmement fut en partie influencé par les « RETEX » (ça pète hein…non, plus sérieusement, les « RETours d’EXpériences ») du MAC 50. Sur le Makarov, c’est l’inverse : on tend à désengager la sûreté sur le même mouvement que l’armement de la culasse. Et de fait, pour pouvoir armer la culasse, la sûreté doit être ôtée.

Le crochet de chargeur est situé au bas de la poignée…comme sur un PPK, mais aussi sur quelques rares productions du Walther PP (Photo 10). Il est intéressant de noter ici une évolution qui peut paraître contre nature par rapport au TT 33 : le « moderne » bouton-poussoir prompt à « l’éjection » du chargeur cède la place à un dispositif favorisant « l’extraction » du chargeur…afin de ne pas laisser tomber ou perdre celui-ci. Non, le Makarov n’est pas une arme de parcours de tir conçue dans un esprit « tacti-cool »! C’est une arme de guerre de troupe de la Guerre Froide ! L’arme est dotée d’un arrêtoir de culasse commandé automatiquement en fin de chargeur qui, contrairement à l’arme allemande, possède une commande extérieure sur le côté gauche de l’arme (qui peut être vue sur la Photo 09).

Le chargeur simple pile est d’une capacité de 8 coups. Il possède de larges ouvertures sur les flancs, ce qui permet de visualiser aisément le nombre de munitions présentes et qui facilite son garnissage (Photo 11). Ces larges ouvertures vont également permettre de limiter le frottement des munitions dans le corps du chargeur et de fiabiliser ainsi l’arme en évitant de freiner leurs ascensions dans le court laps de temps autorisé par le cycle rapide de l’arme.

L’arme est transportée dans un étui réglementaire en cuir, qui contient en plus de l’arme, un chargeur additionnel et la baguette de nettoyage (Photos 12 et 13). Cet étui possède une tirette en cuir permettant un retrait de l’arme plus aisé. Doté d’un large rabat, cet étui est bien destiné à protéger l’arme des éléments extérieurs lors de son port…et non à favoriser son dégainer dans un esprit… « tacti-cool » ! De fait, une arme de service va passer la majorité de sa vie à l’étui sans être souvent dégainée ! L’arme peut être assujétie à une dragonne qui vient s’accrocher sur la poignée. Contrairement au Tokarev, le chargeur ne reçoit pas d’anneau pour une dragonne.

Une mécanique très aboutie

Mécaniquement l’arme est finalement très différente du Walther PP et ne partage en réalité sur ce plan que son principe moteur, celui de la culasse non calée avec l’agencement du ressort récupérateur autour du canon, ce dernier étant fixe dans la carcasse. Ce principe moteur est par ailleurs commun à la plupart des pistolets automatiques de calibre 6,35×15 SR, 7,65×17 SR et même 9×17. Il est de loin le plus simple à réaliser mécaniquement. Les lecteurs désirant plus de détail sur ce principe de fonctionnement (et les autres points techniques évoqués dans cet article) peuvent consulter le Chapitre 6 du Petit Guide de l’Armement disponible sur ce même site. Comme pour l’usage de la culasse non calée, l’agencement du ressort récupérateur autour d’un canon fixe n’est pas spécifique au Walther PP : il est employé sur des armes de poing depuis la fin du XIXe siècle ! Les similitudes s’arrêtent là : le Makarov se distingue totalement du Walther PP au niveau du système de mise à feu. Au total, le Makarov compte 31 pièces constitutives dont 18 pièces mobiles lors des phases de mise en œuvre et de tir. Pour le Walther PP, c’est 52 pièces au totales, dont 30 pièces mobiles lors des phases de mises en œuvre ou de tir (Photo 14).

Précisons ici que nous parlons ici de mobilité “relative”, c’est-à-dire de pièces en mouvement les unes par rapport aux autres pendant la mise en œuvre de l’arme. Par exemple, la hausse (pièce constitutive) qui est solidaire de la culasse au tir, n’est pas comptabilisée comme une pièce mobile car elle se déplace de façon solidaire de la culasse lors du tir. De même lorsque nous évoquons les pièces “constitutives”, nous comptabilisons l’intégralité des pièces nécessaires à la construction de l’arme à l’exception des pièces synthétiques comportant des surmoulages: pour exemple les rails de guidage du Glock ne sont pas comptabilisés comme une pièce supplémentaire vis-à-vis de la carcasse. Nous considérons leur présence comme une opération de fabrication assimilable à une phase d’usinage.

On note que le Walther PP possède une fonctionnalité dont ne dispose pas le Makarov : un indicateur de chargement (constitué de 2 pièces). Si le PP dispose d’une « entrave de chien » (constituée de 3 pièces), il est dépourvu de cran de sûreté comme le Makarov. Ces deux dispositifs ont le même but : empêcher le mouvement avant du chien tant que la détente n’est pas actionnée. Et le dispositif du PP n’apporte rien si ce n’est des pièces et des usinages en plus : dans les deux cas le dispositif est uniquement commandé par le mouvement de la gâchette…et bloque le mouvement avant du chien !

À titre anecdotique, le Makarov est même plus simple qu’un Glock 17 : 42 pièces constitutives pour les générations 1 et 2, dont 23 mobiles ! Et le Makarov dispose d’un nombre de fonctionnalités bien supérieur : le Glock est une arme de simple action dépourvu de sûreté manuelle là où le Makarov est simple et double action et possède en plus un levier de désarmement, qui officie également comme une sûreté manuelle.

Nous prions le lecteur de ne pas tomber ici dans le piège tendu par le marketing : l’appellation “safe-action” employée pour le Glock est une appellation commerciale et correspond mécaniquement à une simple action pure et dure où il est nécessaire en cas de raté de percussion de réarmer par un mouvement de culasse les mécanismes de percussion. De même, l’éclaté officiel du pistolet Glock ne détaille pas la totalité des pièces constitutives ou mobiles, mais uniquement les pièces et sous-ensembles vendus (parfois comme ensemble complet) par le fabricant. Il y aurait bien d’autre chose à dire sur le marketing “ingénieux” de cet excellent pistolet…par exemple, l’entrave de détente n’est pas à considérer comme une « sûreté manuelle » (chose affirmée ou ayant été affirmée de façon promotionnelle, au moins en France) dans la mesure où sa mise en œuvre n’est pas dépendante de la volonté du tireur mais automatique dès lors que le tireur retire son doigt de la détente. Est-ce un problème ? Non, mais le pistolet n’a pas de « sûreté manuelle », il convient donc de décocher la case sur l’appel d’offres !

Attention, les Glock 17 et Walther PP sont d’excellentes armes, ayant toutes deux influencé leurs époques lors de leurs apparitions. Mécaniquement, le Makarov leur est – de mon point de vue de technicien – simplement supérieur en matière de conception car simplifié à l’extrême. Cet aspect a des implications sur le plan industriel et « opérationnel ». Sur un plan industriel, la fabrication est potentiellement (fréquemment) plus rapide et moins onéreuse, mais à la condition que les pièces ne soient pas d’une complexité excessive à fabriquer. Ce dernier aspect peut être questionné à la vue de certaines pièces (notamment la carcasse, la culasse et le chien) : il convient cependant de replacer l’arme dans son contexte, 1951. En comparaison des autres armes de l’époque, à fonctionnalité équivalente, le Makarov est sans aucun doute moins cher à produire que bon nombre d’armes…et notamment qu’un Walther PP ! De plus, nous faisons confiance aux Soviétiques pour avoir adopté des gammes d’usinage « simples », mais sans doute dotées de nombreuse opérations. Sur le plan opérationnel, en plus d’être simple d’emploi (comme la quasi-totalité des armes à feu en réalité !), le Makarov est très simple à démonter et à entretenir, ce qui va être un plus dans la vie de l’utilisateur et en matière de fiabilité. Une arme bien entretenue est une arme qui fonctionne au moment déterminant !

Enfin, sans ériger l’adage en règle, une mécanique simple est généralement une mécanique fiable. Et ici le Makarov se conforme bien à l’adage, il est très fiable. Cette fiabilité est donc due à cette simplicité ainsi qu’à un dessin des pièces sans fragilité (à notre connaissance !). Notons ici que la fiabilité d’une arme n’est pas due qu’à l’arme elle-même, mais aussi à sa munition : les Soviétiques furent très rigoureux dans la fabrication de leurs munitions où la fiabilité, une fois encore, était mise à l’honneur.

Le système de mise à feu est donc particulièrement bien dessiné et ne compte que peu de pièces. Le séparateur qui constitue l’extension de la barrette de transmission, d’un dessin pourtant apparemment simple(nous reviendrons sur la notion de simplicité apparente), réalise par son double pivot autour de la barrette et autour du chien le travail de simple et double action d’une façon étrangement « simple » (Photo 15):

  • En simple action : il est amené directement par le chien au contact de la gâchette lors de la phase d’armement. La gâchette retient alors le chien par son cran d’armée. Au tir, le séparateur dégage simplement la gâchette du cran d’armée.
  • En double action : il s’enclenche dans la base du chien (il fait fonction de « mentonnet ») pour contraindre sa partie avant vers le haut, générant ainsi la rotation du chien afin de l’armer, et, vers la fin du mouvement, il efface la gâchette en la soulevant puis libère le chien par la rupture de sa liaison mécanique. En double action la gâchette ne se retrouve jamais en face du cran d’armée, le chien est relâché avant de l’atteindre. La gâchette est soulevée afin de ne pas se heurter au cran de sûreté du chien lors de son abattement.

L’action de séparation (action qui déconnecte l’ensemble des pièces actionnées par la détente de la gâchette) est réalisée par le débrayage latéral du séparateur lors du recul de la culasse…comme sur un Glock (Photo 16) ! Mais plus de 30 ans avant ! Attention, je pense que ce principe de séparation « latérale » et non « verticale » comme sur la plupart des P.A. se retrouve sur d’autre armes avant le Makarov et je ne pense pas une demi-seconde que Gaston se soit inspiré du travail de Nikolay Fedorovich (alors, ça fait bien d’appeler les constructeurs par leurs prénoms ?…ou juste prétentieux ? Au passage, pensez à vous abonner à LAI Publications, il y en a qui travaillent et qui méritent un salaire).

Si cela peut paraitre simple dans la description (peu de pièces interviennent dans la chaine cinématique de mise à feu), sa conception dut en être effroyablement complexe. N.F. Makarov dira ainsi avoir travaillé pendant une longue période 7 jours sur 7 pendant près de 16 à 18 heures par jours pour perfectionner (et simplifier) son arme ! Les mécaniques les plus simples cumulant le plus de fonctionnalité sont souvent les plus complexes à concevoir. Et le Graal est atteint lorsque cette mécanique est fiable et robuste ! Et, c’est le cas ici. On peut ainsi dire que sa mécanique est simple, mais que sa conception est complexe. Il convient donc de se méfier d’une simplicité apparente.

Le chien et le séparateur sont mus par un même ressort à lame replié sur lui-même, possédant une branche pour chaque pièce précitée. Il officie en prime sur sa partie inférieure en tant que crochet de chargeur (le crochet et le ressort sont une seule et même pièce – Photo 17). Comme sur le Walther PP, le chien est rebondissant. Le rebond est réalisé directement par ce même ressort : sa position de repos étant une position “neutre” où le cran de sécurité du chien tombe en face de la gâchette. La percussion a donc lieu sur l’inertie du chien. Ce ressort réalise aussi par sa mise sous tension du séparateur, le rappel de la détente via la barrette de transmission. Ce ressort à lame, de réalisation simple et peu coûteuse à grande échelle apporte donc à l’arme cinq fonctionnalités. Cette volonté de multiplier les fonctionnalités de chaque pièce de l’arme se retrouve aussi dans le ressort de la gâchette qui réalise également la fonction de ressort de rappel de l’arrêtoir de culasse. L’arrêtoir de culasse, en tôle emboutie, fait également office d’éjecteur sur sa partie supérieure. En fait, la multiplication des rôles pour une même pièce est une marotte chez les Soviétiques qui atteint sans doute son paroxysme avec le Makarov. C’est bien évidemment la clef de la « simplicité » de l’arme.

La culasse comporte peu de pièces mobiles. Le percuteur est maintenu à demeure par le levier de sécurité / désarmement. La percussion est de type frappé / appuyé comme sur le TT 33, mais contrairement à ce dernier, le percuteur est dépourvu de ressort de rappel la chose ayant sans doute été jugée superflue compte tenu de la dureté des amorces réglementaires. À titre indicatif, sur le Walther PP, elle est de type frappé / lancé. L’extracteur est maintenu en position par son poussoir, lui-même mis en pression par le ressort d’extracteur. Autre différence significative avec le TT 33 : le ressort d’extracteur est d’une taille considérable. La cause en est simple : l’alimentation du Makarov n’est pas contrôlée comme sur le TT 33 et, par conséquent, la munition ne glisse pas sous l’extracteur, mais ce dernier doit sauter par-dessus le culot de la cartouche. La cuvette de tir intègre donc cette disposition : elle est complétement en creux et non lisse sur sa partie inférieure comme sur le TT 33 (Photo 18). Le but de ce dessin est probablement une meilleure gestion de l’éjection, la douille tirée étant mieux maintenue dans la cuvette de tir. Le levier de désarmement / sûreté agit directement sur la gâchette pour désarmer le chien, et vient en prime, entraver l’accès au percuteur, verrouiller le chien en position de sûreté et verrouiller la culasse en position fermée.

Fabrications

La fabrication de ces armes est toujours soignée, mais sans ostentation…ce qui serait inutile pour une arme de guerre et même contreproductif économiquement parlant. Les surfaces extérieures sont tout de même polies miroir sur la totalité des exemplaires militaires rencontrés, la chose étant surtout utile pour limiter l’oxydation : moins de porosité dans le métal, moins d’accroches pour l’humidité. Les canons sont chromés, disposition très courante (quasi systématique en réalité à partir de 1951) dans les productions Soviétiques de la guerre froide. La chose est rendue nécessaire par l’utilisation généralisée des amorçages corrosifs (mais fiables) et des projectiles chemisés acier. Le chromage des canons est un atout appréciable pour une arme de service. Toutes les autres pièces sont bronzées au sel. La majorité des pièces sont forgées / usinées avec seulement 4 pièces en tôle emboutie : le corps de chargeur et sa planchette élévatrice, le curseur d’assemblage et l’arrêtoir de culasse. Elle compte sept ressorts dont l’ingénieux ressort à lame de chien évoqué plus haut. La poignée est en matière synthétique de type “Bakélite”. Sa matière synthétique englobe le point d’ancrage en acier pour la dragonne et la plaque d’appui/indexation pour sa vis d’assemblage. Comme évoqué plus haut, l’ensemble, de par l’usage intensif de l’usinage et de la complexité de certaines pièces, questionne sur le coût de revient ! Nous ne sommes clairement pas en face d’une arme conçue dans un esprit de « production de masse » à proprement parler…alors que l’arme fut produite en très grande quantité. La chose est sans doute moins problématique pour un pistolet de faibles dimensions que pour un fusil d’assaut ou un fusil-mitrailleur. Sans oublier une fois de plus de replacer l’arme dans son contexte : 1951. En tout cas, l’amateur de belle mécanique sera par contre comblé : clairement, d’un point de vue fabrication, c’est une « belle arme ».

En matière d’originalité, une rainure est usinée sur la surface inférieure de la culasse du Makarov afin de permettre à la munition de monter un peu plus haut préalablement à la phase de l’alimentation (visible sur la Photo 18). Cette disposition permet de réduire le temps nécessaire pour présenter la munition en face de la culasse lors du réarmement, ce temps étant très court sur une arme à cycle rapide, comme l’est le Makarov (culasse non calée avec une course très courte).  Si on trouve une disposition similaire sur certaines armes (notamment soviétiques) à chargeur double-piles et alimentation alternée (le dessous de la culasse est chanfreiné de chaque côté dans le même but), nous ne connaissons pas de pareille disposition sur une autre arme de poing à chargeur à présentation unique.

Nous avons eu le loisir d’examiner (tirs compris) de façon très détaillée les deux exemplaires militaires qui illustrent cet article:

  • Un exemplaire fabriqué en URSS à Izhevsk (Ijevsk) en 1973 (armes visibles sur les photos 02 à 05…entre autres).
  • Un exemplaire fabriqué en Bulgarie par l’usine « Arsenal » à Kazanlak en 1980 si le code des années (ici 20) pour les fusils Kalashnikov Bulgares s’applique au Makarov Bulgare (Photos 19 à 21).

Les deux armes sont de fabrication extrêmement similaire, parfaite pour une arme de guerre.

Le pistolet Makarov fut fabriqué par l’ URSS / Russie, l’Allemagne de l’Est, la Bulgarie et la Chine. À ce jour, nous n’avons pas eu le loisir d’examiner d’exemplaire Est-allemand, mais les productions Est-allemandes, parfois déroutantes par une utilisation de matériaux synthétiques peu flatteurs à l’œil (mais généralement d’excellente qualité) sont généralement situées dans le haut du panier en terme de qualité de fabrication et de finition. À ce propos, il est bon de différencier qualité de fabrication, qui définit la qualité avec laquelle un objet mécanique est réalisé (notamment en ajustage et choix des matériaux) et finition, qui définit l’aspect esthétique, mais ne qualifie pas nécessairement la qualité mécanique de l’objet.

Le matériel Chinois quant à lui souffre parfois d’une réputation plutôt injuste le décriant : en matière de matériel destiné à la guerre (et non au marché civil), les productions que nous avons testées à ce jour sont généralement très satisfaisantes en termes de qualité et de fiabilité, et très convenable en matière de précision pour un usage militaire.

Le Makarov connut quelques déclinaisons soviétiques dont une version modernisée postsoviétique dénommé “PMM” (“Pistolet Makarova Modernizirovannyi” soit “Pistolet Makarov Modernisé”) utilisant un chargeur double piles (pour une capacité de 12 coups) et utilisant la munition “9×18 PMM » évoquée plus haut et une version à silencieux dénommée “PB” (“Pistolet Beschumnyi” soit “Pistolet Silencieux”). La variante à silencieux comporte un canon perforé à plusieurs reprises sur sa longueur (Photo 22). Cette disposition a pour but d’autoriser l’évacuation des gaz hors du canon avant que le projectile ne quitte ce dernier et de permettre ainsi leur expansion dans les chambres du silencieux plutôt que dans le canon. Cela permet dans un premier lieu une amélioration de l’atténuation du niveau sonore par une “libération” précoce des gaz. Aussi, le projectile perd naturellement en vitesse de par cette disposition. C’est parfois le but recherché afin d’éviter le claquement supersonique d’une ogive dont la vitesse est supérieure au mur du son. Mais il est à noter ici que le projectile est nativement subsonique dans le cas du Makarov, mais très proche de la vitesse du son.

Un autre effet produit par cette disposition est un abaissement de la vitesse de cycle (i.e. vitesse de la culasse au tir). Ceci contrebalance l’effet généralement induit par l’adjonction d’un silencieux : lorsqu’il est monté au bout du canon d’une arme à réarmement automatique, le fait de détendre les gaz en milieux confiné contigüe au canon conduit au maintien de la pression plus longtemps à l’intérieur de ce dernier. De ce fait, la culasse (ou l’ensemble mobile suivant les armes) subit une accélération supplémentaire par cette “continuité” de la pression. La façon dont la pression agit dépend des armes, mais fréquemment c’est par action directe sur l’étui et donc sur la pièce de fermeture, comme dans notre cas. On parle alors de “sur-cycle”. Le sur-cycle peut être la source de certaines pannes, et cela conduit parfois à l’adoption de régulateur d’emprunt de gaz avec des positions « Normal » / « Silencieux » dans l’unique but de fiabiliser l’arme avec un silencieux, malgré l’emploi de munitions supersoniques. Il n’est pas exclu que cette disposition sur le “PB” soit intégrée pour cette raison. Par ailleurs, l’auteur Julien Lucot nous rapportait lors d’une conversation qu’il avait constaté à de très nombreuses reprises une très légère augmentation de la vitesse du projectile par l’adjection d’un silencieux sur des armes longues. Nous n’avons pas conduit d’essai comparatif sur ce sujet (pour l’instant !), mais la chose ne paraît pas complétement incongrue ! Ainsi, il est possible que dans le cas du Makarov, l’adjonction d’un silencieux pousse le projectile à une vitesse légèrement supersonique, avec un claquement. Dans tous les cas l’utilisation de canon perforé doit améliorer les performances d’atténuation sonore et de fiabilité de l’arme au détriment de sa vitesse, et donc de son efficacité terminale. Mais une fois encore, quel est le but de ce matériel ? Certainement pas de monter à l’assaut…

D’autres variations à destination du marché civil ont été commercialisées, certaine en 9×17 “Court” (marqué .380 ACP – Photos 23 et 25) et même le ” ИЖ-79-9Т МАКАЫЧ ” (IJ-79-9T MAKARICH) conçu pour le tir de munitions “non létales” en caoutchouc de calibre 9 P.A. (le même calibre que les munitions à blanc et à gaz). Enfin, le pistolet de poche PSM de calibre 5,45×15 (présenté en détail dans l’article en lien ici) trouve quelques (mais finalement peu) similitudes avec le Makarov.

Comme pour toute arme produite en grande quantité par différentes usines, il existe des variations de productions qui font la joie des collectionneurs érudits ! Ayant eu la chance d’avoir sous la main un lot d’armes fabriquées en Bulgarie, nous partageons avec vous les photos de 6 armes qui peuvent illustrer quelques types de variations rencontrées (Photos 26 à 38). Précisons que nous ne pouvons pas attester que ces armes sont dans leurs configurations d’origine, bien qu’il semble que cela soit le cas compte tenu de l’historique que nous leur connaissons.

Démontage et entretien

Le démontage sommaire de l’arme commence de façon presque identique au Walther PP. Après avoir effectué les vérifications d’usage en matière de sécurité :

  1. S’il y a un chargeur dans l’arme, on retire le chargeur de l’arme.
  2. Si la culasse est à l’arrière, en renvoie la culasse à l’avant.
  3. On abaisse le pontet et on le décale légèrement sur un des côtés afin qu’il puisse reposer sur une des arêtes de la carcasse. L’extrémité supérieure du pontet comporte une encoche de chaque côté dans ce but (Photo 39). Cette disposition, qui facilite la vie de l’utilisateur, n’est pas présente sur le Walther PP.
  4. Tirer la culasse au maximum vers l’arrière, puis ainsi positionnée, soulever la partie arrière de la culasse afin de désengager la culasse du rail de guidage présent sur la carcasse.
  5. Ainsi désengagée de la carcasse, raccompagner la culasse vers l’avant de l’arme pour la sortir du canon.
  6. Retirer le ressort récupérateur du canon en le tirant tout en imprimant un mouvement de rotation.

Ce démontage « sommaire » est suffisant pour la plupart des opérations de maintenance courante.

Contrairement au Walther, le démontage très avancé (mais pas complet) de l’arme est à la portée de l’utilisateur et ne nécessite que la baguette de nettoyage contenue dans l’étui de l’arme. Cette baguette officie également en tant que tournevis et comme poussoir/crochet (Photo 40). Ce démontage est réalisé en moins de 5 minutes dans des mains rodées à l’exercice, et le remontage n’est guère plus long…vidéo à l’appui !

On commencera par le chargeur, dont le démontage devrait faire partie – à notre sens – du démontage sommaire d’une arme :

  1. Comprimer le bas du ressort de chargeur vers le haut afin de déloger son extrémité du talon de chargeur.
  2. Lorsque le ressort est désengagé du talon de chargeur, faire coulisser ce dernier vers l’avant.
  3. Retirer le ressort de chargeur puis la planchette élévatrice.

Démontage de la culasse :

  1. Positionner le levier de sûreté entre «1 et 2 heures » en dépassant la position « sûreté ». Ainsi positionné, le levier peut être extrait par le côté gauche de la culasse.
  2. Une fois le levier de sûreté retiré, le percuteur peut être retiré par gravité. Rappelons que celui-ci, sur toutes les versions que nous avons rencontrées à ce jour, ne possède pas de ressort de rappel. Le percuteur possède une position de montage spécifique, avec une encoche qui doit se situer sur le côté inférieur gauche, pour permettre le montage du levier de sûreté. Veillez donc à bien repérer la chose avant le démontage.
  3. À l’aide de l’extrémité de la baguette de nettoyage, comprimer le poussoir de l’extracteur dans son logement puis basculer l’extrémité de la baguette entre le poussoir et le pied de l’extracteur.
  4. Ainsi séparé par la baguette, on peut retirer l’extracteur en faisant basculer sa partie arrière hors de son logement (en s’aidant potentiellement de la baguette).
  5. Ainsi basculé, l’extracteur peut sortir de son logement par l’avant de la cuvette de tir. Le sens du retrait est rendu nécessaire car l’extracteur possède un retour de chaque côté qui vient s’engager dans la culasse.
  6. Une fois l’extracteur retiré, on peut sortir son poussoir et son ressort de leur logement.

À l’exception du cran de mire, la culasse est totalement démontée ! L’opération de démontage la plus « complexe » de l’arme est sans doute le retrait de l’extracteur.

Démontage de la carcasse :

  1. Vérifier que le chien est « au repos ».
  2. À l’aide de la lame présente sur la baguette (bon, pas de chichi, dans l’absolu on préférera un bon tournevis !) dévisser complètement la vis (en fait, l’unique vis !) présente à l’arrière de la poignée, puis la retirer.
  3. Retirer la poignée par l’arrière de l’arme.
  4. Faire coulisser le curseur du ressort de chien vers le bas, puis le retirer.
  5. Après l’avoir démanché du logement de la vis sur la carcasse, retirer le ressort de chien vers le bas. Si le ressort se démanche naturellement (par élasticité) du logement de la vis, il est cependant nécessaire de bien repérer la chose pour le remontage.
  6. À l’aide de l’extrémité de la baguette de nettoyage (ou d’un tire ressort), soulever le ressort de rappel de la gâchette / l’arrêtoir de culasse et le faire passer par-dessus l’arrêtoir de culasse afin de le décontraindre.
  7. En jouant sur l’élasticité de l’arrêtoir de culasse (et en fait, de la partie qui fait office d’éjecteur), faire pivoter vers le haut la gâchette de 90°. Ainsi positionnée, il est possible de faire sortir le côté droit de la gâchette vers le haut hors de la carcasse, et de retirer ainsi la gâchette et l’arrêtoir de culasse.
  8. Faire pivoter le chien de 90° vers l’avant : ainsi positionné, il peut être extrait hors de la carcasse vers l’avant.
  9. Extraire la partie arrière de la barrette de transmission de l’intérieur de la carcasse. Elle peut ensuite être désaccouplée de la détente.
  10. Positionner le pontet en ouverture comme pour le démontage sommaire : la détente peut alors être retirée de son logement en la poussant vers l’avant.

Le démontage est complet ! (Photo 41). Quelques observations :

  • Les seules pièces qui n’ont pas été démontées sont : le cran de mire, le pontet, son ressort et son axe, le canon et sa goupille !
  • Parmi les pièces démontées : aucun axe ! Les pivots employés sont portés par les pièces elles-mêmes, avec à deux reprises (gâchette et chien), l’utilisation de pivots « interrompus », qui permettent, dans une position précise, le retrait de la pièce.
  • Il y a tout de même une vis : mais elle conditionne l’accès total au mécanisme de mise à feu. Le jeu en vaut sans doute la chandelle ! (Note : pour une arme militaire, l’usage de la vis, nécessitant un outil dédié, sujette à la détérioration de son empreinte et au grippage, est généralement considéré comme un défaut).

Le remontage se fait dans le sens inverse, en prenant les précautions suivantes :

  • Positionner correctement le séparateur lors de la mise en place de la barrette de transmission : la partie articulée doit être vers le haut dans la carcasse.
  • Positionner correctement le ressort de rappel de la gâchette / arrêtoir de culasse au-dessus de l’éjecteur.
  • La partie du ressort chien actionnant le séparateur doit se situer derrière le dit séparateur, et pas à l’intérieur de sa rainure.
  • Ne pas serrer excessivement la vis de la poignée : il convient de s’arrêter sur une position d’indexation de la vis procurée par le ressort contenu dans la poignée.

Pour l’entretien, l’accessibilité est simplement excellente.

Le Makarov au tir

Le garnissage du chargeur est assez aisé sur la totalité de sa capacité : il convient tout de même de ne pas se blesser avec la commande de l’arrêtoir de culasse qui fait saillie sur le côté gauche du chargeur (Photo 42). On pourrait par ailleurs se servir de cette protubérance comme d’un “bouton” d’assistance au garnissage (à condition de ne pas le manipuler à main nue), mais la chose est rendue totalement superflue, car on peut simplement accompagner la descente des munitions directement par les larges ouvertures.

Les manipulations sont totalement instinctives. L’arme est bien en main pour une arme de son gabarit, la prise de visée instinctive et immédiate. Les organes de visées, sobres et efficaces, sont ceux que l’on peut attendre d’une arme de cette catégorie. (Photos 43 et 44). De notre point de vue, ils sont plus propices à un tir précis que rapide. On notera l’existence de plusieurs tailles de hausse pour réaliser un réglage en hauteur de la visée de l’arme. Le numéro de hausse est porté sur la face arrière gauche de cette pièce sur les exemplaires examinés. Le réglage en dérive est réalisé par le déplacement latéral de la hausse dans sa queue d’aronde, sans doute par un appareil dédié. En l’absence de cet appareil, la chose peut se faire délicatement à l’aide d’un marteau et d’un jet en bronze.

Le départ filant (i.e. sans réel point dur), “à la Soviétique”, n’est pas désagréable pour une arme de guerre et se prend en main assez facilement. On notera à ce sujet que l’amélioration des résultats en matière de “probabilité d’atteinte” chez les Soviétiques passait souvent par l’amélioration de départ comme souvent évoqué dans nos travaux. La raison en est simple : les capacités intrinsèques de précisions des armes de guerre sont souvent supérieures à ce que le soldat moyen peut en retirer. Cette amélioration de départ, sans point dur, augmente le nombre de coups au but de façon significative. Il est nécessaire de préciser ici, que selon D.N. Bolotin, l’utilisation d’un canon fixe est un avantage significatif en matière de précision par rapport au TT 33. Bon, c’est peut-être vrai, mais certains pistolets militaires à canon mobile ont une excellente précision ! Au tir, l’arme produit un recul “sec” plutôt faible, assez commun aux armes à culasse non calée compactes de calibre 7,65×17 SR, mais un peu plus profond en main que ces dernières.

Les manuels soviétiques nous informent que la précision à attendre de cette arme est de 15 cm à 25 m, soit un H+L approximatif de 11,5 cm + 11,5 cm. Notons ici que la vérification de cette précision est faite selon le protocole Soviétique par le tir de 4 cartouches, et la conservation des 3 meilleurs résultats. Le but de ce protocole est d’éliminer les erreurs liées au tireur ou aux munitions tout en restant pragmatique sur la destination finale de l’arme : c’est une arme de défense, il n’est point utile d’exiger une précision trop élevée. Dans ce protocole le point visé doit correspondre au point moyen du groupement. On retrouve ce type de protocole sur d’autres armements soviétiques à vocation “universelle” (AK-47, AKM, AK-74, PK..). Le protocole des armes destinées à des troupes plus spécialisées est un peu plus strict (SVD-63, APS…). Bien évidemment l’arme est envoyée en réparation (et peut-être réformée) pour des problèmes de précision dès lors que les exigences de ces protocoles ne sont pas atteintes après plusieurs essais réalisés par plusieurs tireurs.

La précision annoncée se vérifie au tir avec notre exemplaire Bulgare :

Celui-ci a une propension au tir haut (plus de 10 cm au-dessus du point visé à 25 m) qui est sans doute dû à une munition différente lors de nos essais que celle pour laquelle l’arme a été réglée. Il eut été intéressant de disposer d’un jeu de hausse pour affiner le réglage…mais comme pour toutes les armes de surplus recourant à cet artifice de réglage ! Notons ici que les essais en précision ont été réalisés sur les appuis, nous ne cherchons pas à évaluer le tireur…

Un relevé de vitesse a aussi été réalisé à 5 m. Nous ne sommes pas aux 315 m/s affichés dans les manuels avec les munitions et les conditions du test, mais il convient de rester pragmatique une fois encore, les résultats sont bons et normaux pour de la munition de guerre.       

En conclusion

Compte tenu de son cahier des charges, le Makarov est indéniablement une excellente arme de poing. Elle ne souffre à notre connaissance d’aucun défaut mécanique. Aujourd’hui, dans un contexte où le 9×19 est généralisé, le principal reproche qui lui est fait est la faiblesse de son calibre. Mais il est nécessaire comme toujours de “contextualiser” les choses : les désidératas d’hier ne sont pas forcément ceux d’aujourd’hui, ni ceux de demain. Son calibre, s’il « manque de puissance » au regard de certains, permet de parfaitement remplir sa fonction d’arme de « défense », le tout dans une arme compacte, à la limite du pistolet de poche. En tout cas, il s’agit d’une arme génialement conçue et réellement agréable et efficace au tir. Une remarquable pièce de collection : à notre sens, le Makarov demeure la Kalashnikov des armes de poing…et le pistolet préféré de votre serviteur !

Arnaud Lamothe

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Bibliographie choisie :

  • « Munitions militaires Russes pour armes légères 1868-2008 », par P. Regenstreif, édition Crépin-Leblond.
  • « Soviet Small-Arms and Ammunition », par D.N. Bolotin, publié par le “Finnish Arms Museum Foundation”.
  • Russiche Schusswaffen”, I. Shaydurov, edition Motorbuch-Verlag
  • Manuel réglementaire soviétique : http://nastavleniya.ru/PM/pms.html
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