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Astra 400 et Cie: l’histoire de 4 copains

C’est tout simplement l’histoire de quatre copains qui se sont simultanément trouvés propriétaires soit d’un Campo-Giro soit d’un Astra 400, soit des 2.

Tout d’abord un peu d’une histoire qu’on ne se lasse pas de raconter !

L’aventure débute en 1903 sous la forme de prototypes dessinés par le lieutenant-colonel Venancio Lopez de Ceballos y Aguirre, comte de Campo-Giro. Enfin, en 1910 les premières armes sont produites en série (environ 1000 exemplaires). Elles chambrent le 9 mm Largo, mais la mise au point continue jusqu’en 1913. L’arme sera rapidement adoptée par l’armée espagnole dans sa seconde version « modelo 1913-16 » (1914) et produite en 15 000 exemplaires toutes versions confondues, notamment aux établissements Espéranza y Unceta, qui allaient devenir en 1926 : Unceta y Cia. Les établissements Espéranza y Unceta furent installés initialement à Eibar, puis à Guernica où l’usine échappa au célèbre bombardement. Une nouvelle version de l’arme est mise en fabrication dès 1916, puis une ultime en 1921. Cette dernière version ne fut pas réellement produite industriellement, car la firme était en train de mettre au point son modèle 400, immédiatement adopté comme nouvelle arme réglementaire par l’Espagne.

Autant le Campo-Giro était inutilement complexe et délicat, autant l’Astra (marque commerciale depuis 1914) était simple, robuste et extrêmement bien conçu. Il fonctionnait par simple culasse non calée (Blow Back) grâce à une très lourde glissière retenue par un puissant ressort récupérateur. Cet Astra 400, chambré pour la 9 mm Largo fut rapidement remarqué pour sa capacité à avaler toutes sortes de munitions avec un égal bonheur : 9 mm Bergman Bayard (ou Largo), 9mm Steyr, 9mm Browning long, .38 Colt (rimless smokeless ou super auto) et enfin, 9 mm Parabellum. Cela n’est pas une légende, j’en ai fait l’expérience avec mon exemplaire fabriqué en Catalogne pendant la guerre civile : l’Astra 400 mérite bien son surnom de « Mangetout ». Notons à ce propos qu’il y eut « La mystérieuse » cartouche de 9 mm Campo-Giro (jugée d’une vélocité supérieure à la 9 mm Bergmann-Bayard, ce qui pourrait être dû au canon plus long du Campo-Giro) et similaire à la 9 Largo fabriquée par la firme Pirotecnia Militar de Sevilla, mais néanmoins différente. L’Astra 400 reçut également le surnom de « El Puro » dû à la forme particulière de sa glissière qui la faisait ressembler à un gros cigare (puro en Espagnol).

Cette arme connut un grand succès et fut fabriquée jusqu’en 1946 à 105 000 exemplaires, auxquels il faut rajouter les 59 000 modèles Astra 600 réalisés en 9 Parabellum pour l’Allemagne (similaires mais un peu plus courts cependant) et les quelques milliers d’armes fabriquées par les Républicains Espagnoles pendant la guerre civile (Terrassa Ascaso et R.E. en particulier.)

Au stand de tir !

Pour cette journée d’exception, nous disposions d’un rare Campo-Giro, de plusieurs Astra 400 et d’un Terrassa-Ascaso.

À tout seigneur tout honneur, je commençais par l’ancêtre de la lignée, le Campo-Giro. Arrivé à la table du 25 mètres, je prépare mon arme et garnis sans difficulté le chargeur à 5 coups comme à mon habitude. Une fois le pistolet bien chaussé, on remarque que les minuscules organes de visée ressortent correctement sur un fond blanc, mais deviennent totalement invisibles sur le noir d’un centre de C50.

La pente de la crosse est acceptable pour une prise de visée, mais un peu raide, elle casse tout de même le poignet. Le départ est véritablement détestable : long, grattant et dur…pour se terminer par un lâcher sans consistance. Les premiers résultats sont nuls et je me décide à utiliser une C 50 « améliorée » par l’ajout d’un centre blanc : les résultats progressent un peu, mais je dois arrêter le tir à cause du stress causé par les multiples enrayages du modèle essayé. Je tiens tout de même à préciser que dans tous les cas la balle a atteint la C50, mais ne réalisant parfois qu’un deux ou un trois ! Ce Campo-Giro a manifestement connu des jours meilleurs et sa fiabilité s’est montrée très marginale lors de nos essais, sans que les problèmes puissent être imputés à nos cartouches qui ont donné entièrement satisfaction avec les Astra 400 et l’Ascaso.

À ce sujet d’ailleurs, chacun avait amené et préparé son lot de cartouches, préparées aux petits oignons ; afin de tenter d’être objectifs, chaque arme fut testée avec tous les lots et seul le Campo-Giro nous posa quelques problèmes. L’ensemble des « 400 » se montra fidèle à sa réputation de « Mangetout » et fonctionna sans faille avec toutes les douilles et rechargements…la seule différence fut la distance d’éjection des douilles !

Pour ma part, je fournis deux lots rechargés comme suit :

  • Douille 9 mm Largo, balles FMJ de 8 grammes propulsées par 0,30 grammes de A0, chargement suffisant pour cycler l’Ascaso, un peu léger pour les Astra.
  • Idem mais 0,43 grammes de la même poudre selon la recommandation de l’ouvrage de René Malfatti : inutilement puissant mais précis. Les douilles restent fichées dans le plafond du stand de tir ! Les Astra 400 aux ressorts récupérateurs plus raides et plus long apprécièrent beaucoup cette recette.

Les deux suivants dans notre programme d’essais furent les Astra 400.

L’un était en parfait état et l’autre avait plus vécu, mais les deux fonctionnèrent à merveille. La prise en mains est désormais un peu plus naturelle mais les départs restent durs. Les organes de visée sont en progression aussi, tout en restant trop fins pour obtenir facilement de bons résultats…Cependant, les uns comme les autres, nous parvînmes à rester dans le visuel de la C 50 à 25 mètres.

Il faut savoir que ces lourdes armes fonctionnent avec une longue culasse non calée : aussi le recul en est-il assez puissant sans être cassant cependant. En guise de bilan, ce sont des armes très bien construites, assez précises et fort agréables à utiliser. La qualité d’exécution est proprement surprenante avec un bronzage aussi beau qu’un Luger de la bonne époque (avant la WWI). Le démontage est très simple, voire encore plus facile que celui d’un Browning 1910 dont il utilise une partie du principe, l’autre partie étant directement héritée du Browning 1903. Finalement, presque seule l’esthétique vient du Campo-Giro. Il est tout de même bon de remarquer que les rails de guidage de la glissière sont très longs et inversés par rapport aux schémas Browning-Colt, et ce n’en est que mieux pour la précision. Enfin concernant l’assemblage de ces modèles, on notera l’usage de goupilles en L bien plus faciles à extraire et remettre en place que les traditionnelles goupilles droites.

L’Ascaso, ou Terrassa-Ascaso ferma la marche ce jour là :

C’est le plus rare de cette confrontation et l’exemplaire dont nous disposions était en parfait état. Ce modèle fut réalisé pendant la guerre civile et à partir de 1937 par les Républicains. Il fut fabriqué dans la région de Barcelone, à Terrassa (Tarrasa en espagnol) pour être exact, à environ 5000 exemplaires seulement (8000 selon d’autres sources non vérifiées). Son appellation fut choisie en la mémoire du militant anarchiste Francisco Ascaso tué dès 1936. Les républicains produisirent aussi une autre copie dans la région de Valence, le « R.E » (Republica Española). La seule différence extérieure d’avec les Astra 400 était les plaquettes de poignée et, bien sûr, les marquages ; intérieurement on notera simplement que les pas de rayures des canons n’étaient pas les mêmes…En outre la qualité de finition était plus rustique, ce qui se conçoit parfaitement bien, s’agissant de production de guerre. Pour notre essai, ce fut l’arme qui supporta les charges les plus faibles sans enrayages, ce qui fut favorable à l’obtention de scores très honorables sur nos C50.

Conclusion

Outre une excellente ambiance lors de cette journée mémorable, nous garderons tous à l’esprit ce regroupement peut être unique de ces armes Espagnoles originales, fiables et puissantes. Leur potentiel de précision est encore respectable ; j’en veux pour preuve les nombreuses modifications d’organes de visée réalisées par nos voisins Ibériques afin d’en tirer la quintessence face aux C 50 !

Marc Barret.

 Nota : Cet article est aussi consultable sur le site de l’UFA : https://www.armes-ufa.com/

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Sources :

  • Wikipédia.
  • Pistolets du monde entier de Ian Hogg & John Weeks (ed. de Vecchi)
  • Pistolas y subfusiles de la Republica, produccion de guerra de J Abad,M.Estirado & F. Fuentes.
  • Blue Book of Gun Values de S.P. Fjestad. (B.B. Publications).

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    Marc Barret

    Passionné d’armes et d’histoire, Marc Barret est l’auteur de nombreux articles dans les revues spécialisées françaises. Son intérêt est particulièrement centré sur les armes du XIXe siècle, les inventions de John Moses Browning et les productions de la FN Herstal.

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